Politique

« Je sais que les attaques vont venir »

Caroline Mulroney dit avoir la carapace assez épaisse pour faire face aux critiques dans la course à la direction du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario

Ottawa — Ayant vu son père, Brian Mulroney, encaisser les attaques de ses adversaires et essuyer les critiques acerbes des médias durant les neuf ans où il a été premier ministre du Canada, Caroline Mulroney sait pertinemment bien que la politique prend parfois les allures d’un sport extrême.

Malgré tout, cela ne refroidit guère son ardeur de briguer la direction du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, plongé dans la tourmente à moins de cinq mois des prochaines élections provinciales dans la foulée de la démission du chef Patrick Brown, visé par des allégations d’inconduite sexuelle par deux jeunes femmes.

Dans une entrevue accordée à La Presse, hier, Mme Mulroney affirme d’ailleurs sans hésiter avoir la carapace assez épaisse pour affronter à son tour les inévitables attaques qui viendront durant la course à la direction qui connaîtra son dénouement le 10 mars.

Mme Mulroney a confirmé dimanche soir son intention de tenter de prendre la tête du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, devenant ainsi la troisième candidate à se lancer dans la course après l’ancien conseiller municipal de Toronto Doug Ford, frère du défunt maire controversé de la Ville Reine Rob Ford, et l’ancienne députée provinciale Christine Elliott, veuve de l’ancien ministre fédéral des Finances Jim Flaherty.

Les premières flèches sont d’ailleurs venues assez rapidement de la part de Doug Ford, qui a accusé Mme Mulroney de faire partie des élites du parti et d’avoir vécu une partie de sa vie à l’extérieur du pays – elle a étudié à Harvard et à l’Université de New York.

« J’ai la carapace assez épaisse. Je sais que les attaques vont venir. Mais je veux mener une campagne positive. Je pense qu’après 15 ans de pouvoir des libéraux à Queen’s Park, les Ontariens veulent vraiment un grand changement. Ils veulent voir quelque chose de différent. C’est ce que je vais apporter à ce poste. J’offre quelque chose de différent. Je veux mener une campagne positive pour expliquer aux Ontariens comment on va améliorer leur vie », a déclaré Mme Mulroney.

De nombreux appuis

Âgée de 43 ans et mère de quatre enfants – deux filles et deux garçons –, Mme Mulroney récolte déjà de nombreux appuis, quelques heures à peine après avoir annoncé sa candidature. À titre d’exemple, la députée fédérale Lisa Raitt, qui a été ministre dans l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper et qui a brigué la direction du Parti conservateur fédéral l’an dernier, a décidé de l’appuyer en coprésidant sa campagne à la direction. Elle a aussi reçu l’appui de l’ancien dirigeant de la chaîne de journaux Postmedia Rod Phillips, un candidat-vedette aux prochaines élections qui a songé à se lancer lui-même dans la course.

En entrevue, Mme Mulroney insiste sur le désir de changement des électeurs de la province après 15 ans de règne ininterrompu des libéraux.

« Nous avons besoin d’un grand changement en Ontario et il faut élire un gouvernement conservateur. Je fais du porte-à-porte et, de plus en plus, je parle aux gens. Et c’est clair que nous avons besoin d’un changement. La vie n’est plus abordable pour les gens en Ontario. »

— Caroline Mulroney

Depuis qu’elle a décidé de faire le saut en politique, en septembre dernier, en devenant candidate dans York-Simcoe, dans la région de Toronto, Mme Mulroney affirme que son père joue d’abord et avant tout son rôle… de père.

« Il joue son rôle de père. Par exemple, quand j’ai annoncé que je voulais me présenter comme candidate dans York-Simcoe, il m’a appelée pour dire que la circonscription est grande et qu’il fallait que je conduise de façon prudente. Je pense que sa priorité est de me protéger comme tout bon parent », a dit Mme Mulroney en riant. « Je parle à mon père et à ma mère aussi. Pour mon père, la politique a toujours été sa vie. Pour ma mère, elle l’a appuyé à tous les jours de sa vie. Mais ma mère a vraiment de bons instincts politiques aussi. »

Si Caroline Mulroney retient une leçon de la carrière politique de son père, c’est de proposer des politiques qui sauront résister à l’épreuve du temps. Elle donne en exemple la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et l’adoption de la TPS. Dans le cas de l’ALENA, les libéraux de Justin Trudeau sollicitent l’aide et les conseils de Brian Mulroney depuis un an pour sauver cet accord commercial.

« La politique, ce n’est pas toujours facile. Pour faire de la politique, il faut proposer de bonnes mesures pour le long terme. […] Il est essentiel que les politiciens qui nous gouvernent puissent avoir cette vision à long terme. Il faut avoir le courage de prendre ces décisions. J’ai vu mon père prendre des décisions difficiles, mais qui étaient dans l’intérêt du pays à long terme. Ces politiques comme l’ALENA ou la TPS sont toujours en vigueur aujourd’hui. C’est vraiment la preuve que ce qu’il a fait, c’était pour le bien du Canada », a-t-elle dit.

Qui est Caroline Mulroney ?

Avocate de formation, Caroline Mulroney est candidate du Parti progressiste-conservateur dans la circonscription de York-Simcoe, au nord de Toronto, en vue des prochaines élections provinciales de juin. Avant de s’établir à Toronto, elle a pratiqué le droit dans un bureau d’avocats de New York, Shearman & Sterling.

Avant de sauter dans l’arène politique, Mme Mulroney était vice-présidente de la firme torontoise BloombergSen Investment Partners.

Elle a aussi cofondé le Shoebox Project en 2011, un organisme sans but lucratif qui amasse et distribue des cadeaux pour les femmes itinérantes ou à risque d’itinérance.

En 2014, Mme Mulroney avait été nommée à l’Autorité du pont Windsor-Detroit pour superviser le développement d’une deuxième traverse frontalière entre les deux villes.

Caroline Mulroney et son mari Andrew Lapham ont quatre enfants.

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La conciliation travail-famille

« Je travaillais déjà à temps plein. Donc, mon mari et moi avons déjà fait le travail de nous organiser. Nous avons deux garçons et deux filles. Les deux garçons jouent au hockey. Ils jouent 40 matchs chacun par saison. J’ai beaucoup d’amis qui peuvent m’aider. Mes frères sont aussi à Toronto. Ma mère est prête à nous aider si nous en avons besoin. Donc, je suis très, très bien entourée déjà. »

Les allégations qui ont entraîné la démission de Patrick Brown

« Cela a été un grand choc d’apprendre cela. Mais c’est important que les femmes qui vivent de telles choses soient encouragées à dénoncer ce qui leur arrive. C’est très important de créer les conditions pour leur permettre de le faire. Mais en même temps, il faut avoir un processus pour que tous ceux qui sont liés à cela soient traités de façon juste et équitable. »

La possibilité que trois femmes dirigent les principaux partis

« J’ai toujours voulu qu’il y ait plus de femmes en politique. Pour moi, avoir trois femmes qui dirigent les principales formations politiques, ce serait superbe. En tant que mère de deux filles, c’est aussi important pour moi. Mais ce qui compte le plus, c’est que les partis aient le bon chef et que chaque personne soit compétente. »

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