OPINION

Un homme violent n’est pas un bon père

Comment l’« aliénation parentale » menace femmes et enfants

Demain, des masculinistes célébreront la journée de l’« aliénation parentale ». Il n’y a pourtant pas lieu de se réjouir. L’influence grandissante de la théorie de l’aliénation parentale au Québec partout dans le monde met chaque jour davantage les femmes et les enfants en danger.

L’« aliénation parentale », qu’est-ce que c’est ?

Cette théorie prétend que l’enfant qui rejette un parent le fait à cause d’un lavage du cerveau par l’autre parent. En pratique, la soi-disant « aliénation parentale » est plaidée devant les tribunaux lorsqu’un enfant ne veut pas voir son père après le divorce. Le père peut alors accuser la mère d’avoir saboté sa relation avec l’enfant, et ce, sans considération pour ses propres torts.

Une telle accusation est l’outil de prédilection des pères violents. Elle leur permet de continuer de contrôler mère et enfants après la séparation. 

Nos tribunaux, peu équipés à reconnaître la violence, n’y voient que du feu et s’empressent de sanctionner les mères.

Des accusations d’aliénation parentale ont permis à des pères violents d’obtenir la garde exclusive, causant une perte du lien mère-enfant. Cette théorie monstrueuse a même fait mettre en prison des enfants qui se sont refusés à voir leur père violent et des mères qui ont tenté de les protéger.

Des origines masculinistes : qui a inventé le syndrome d’aliénation parentale ?

Le syndrome d’aliénation parentale a été inventé par Richard Gardner, un psychologue qui a tenu des idées aussi sympathiques que contradictoires, telles que « la pédophilie est normale et naturelle » et « les enfants qui disent avoir été violés mentent ». Connu pour ses positions masculinistes et pro-viol, Gardner a « auto-édité » ses travaux. Ainsi, ils n’ont pas été soumis à la rigueur de mise pour les travaux scientifiques. Malgré tout cela, ses idées sont rapidement devenues monnaie courante dans le droit et la psychologie.

Accusant d’abord uniquement les mères d’aliéner les enfants, Gardner a adouci avec les années les coins les plus sexistes de ses théories. D’autres chercheurs ont fait de même, adaptant la théorie du « syndrome de l’aliénation parentale » de Gardner en théorie de l’« aliénation parentale » plus neutre quant au genre. C’était pourtant peine perdue, puisque la théorie demeure aujourd’hui tout aussi peu crédible sur le plan scientifique et tout aussi dangereuse sur le plan pratique.

Quelques problèmes avec l’aliénation parentale

Une littérature plus qu’abondante a, depuis des décennies, mis en relief les problèmes de l’utilisation de la théorie de l’aliénation parentale : 

1) Crédibilité

Les « preuves » de l’aliénation parentale manquent de rigueur sur le plan scientifique.

2) Circularité

L’aliénation parentale sert à « prouver » que des accusations de violences sont mensongères. Or, des accusations mensongères sont aussi le symptôme prouvant l’aliénation.

3) Biais de genre

L’aliénation parentale est utilisée de façon genrée. Elle transforme des comportements maternels normaux en pathologie, allant jusqu’à affirmer que l’aliénation peut être faite inconsciemment par les mères.

4) Mise en danger des enfants

Les accusations d’aliénation parentale distraient les tribunaux et la DPJ de réelles violences commises envers l’enfant. Les tribunaux en viennent à confier la garde au père violent parce que la mère et l’enfant disent qu’il est violent !

5) Mise en danger des femmes

Le seul fait pour des femmes de dénoncer des violences conjugales les expose à des accusations d’aliénation parentale. On a donc une arme puissante dans l’arsenal de l’homme violent pour imposer le silence. Les femmes qui doivent rester avec des hommes violents sous peine de perdre la garde et de ne plus pouvoir protéger leurs enfants y risquent la vie.

6) Remèdes poisons

Les « traitements » proposés pour « guérir » l’aliénation sont violents et dangereux. Il s’agit d’éloigner l’enfant de sa figure parentale principale, de le forcer à vivre avec son père même s’il en a peur, voire de l’envoyer dans un « camp de réunification ». Ces mesures draconiennes risquent de traumatiser l’enfant.

Que peut-on faire pour protéger les enfants ?

Les leçons du mouvement #metoo doivent s’étendre aux enfants et à la violence conjugale. Les femmes et les enfants qui rapportent la violence du père doivent être protégées, mais comment ?

D’abord, informons-nous pour ne pas céder aux désinformations masculinistes. Ensuite, exigeons que les milieux juridiques et de protection de l’enfance soient formés à reconnaître les violences et à les prendre au sérieux. Finalement, corrigeons ce droit qui ne nous rend pas justice.

Notre droit de la famille promeut le « contact maximal » de l’enfant avec ses deux parents.

Cette directive est souvent menée à l’extrême par les tribunaux qui négligent l’intérêt et la sécurité de l’enfant pour « protéger » une relation malsaine, dangereuse et destructrice avec son père violent. 

Dans un contexte où une réforme du droit de la famille est en cours, notre gouvernement osera-t-il prendre la sécurité des enfants au sérieux ? interviendra-t-il pour les protéger malgré la force, au Québec, du lobby des droits des pères ?

Combien encore d’enfants maltraités avant qu’on y fasse quelque chose ?

Agissons dès aujourd’hui pour dénoncer la pseudoscience de l’aliénation parentale et l’affirmer une fois pour toutes : un homme violent n’est pas un bon père.

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