Science

Les nouvelles invasions maritimes

Le nombre d’espèces invasives va être dix fois plus élevé dans les océans du monde en 2050 parce que le trafic maritime sera six fois plus important, selon une nouvelle étude montréalaise publiée dans une revue du groupe Nature. L’impact sera encore plus grand que les changements climatiques. Nos explications.

Température et salinité

Plusieurs études ont évalué ces dernières années l’impact des changements climatiques sur les espèces invasives des océans, avec une attention particulière pour l’Arctique. Mais aucune n’avait tenu compte de l’augmentation prévue de la circulation de marchandises sur les sept mers, selon Anthony Sardain, biologiste à l’Université McGill et auteur principal de l’étude publiée dans la revue Nature Sustainability. « Nous avons modélisé cette augmentation du trafic et avons déterminé qu’elle entraînera une circulation bien plus importante des espèces invasives, entre 3 et 20 fois plus d’ici 2050 selon le niveau de croissance du trafic maritime. » Les études antérieures portaient généralement sur des zones contiguës. Les biologistes de McGill ont plutôt mesuré la différence de température et de salinité entre les grands ports du monde et calculé comment cette différence évoluera avec le trafic maritime et les changements climatiques.

Coûts

La prochaine étape est de calculer les coûts des espèces invasives. « Toutes n’ont pas les mêmes conséquences, dit M. Sardain. Il y a beaucoup d’espèces invasives qui ne suscitent pas beaucoup de problèmes et d’autres, comme la moule zébrée, qui sont catastrophiques. » Il cite l’une des rares études sur le sujet, publiée aux États-Unis en 2005, qui a évalué les impacts de 50 000 espèces invasives en Amérique du Nord.

Passage du Nord-Ouest

La navigation dans l’Arctique sera-t-elle problématique ? « Nous avons essentiellement utilisé les variables économiques et politiques, pas les variables géophysiques comme les nouvelles voies de navigation, l’Arctique ou le canal au Nicaragua entre le Pacifique et le golfe du Mexique, dit M. Sardain. Les voies maritimes sont très conservatrices, il faut beaucoup de temps pour qu’elles changent – dans l’Arctique, à cause des risques et des primes d’assurances élevées, et dans le cas du Nicaragua, en raison de l’incertitude politique entourant le projet. » Les variables technologiques n’ont pas non plus été prises en compte à cause de la même incertitude. « Dans les années 70, l’usage des porte-conteneurs a augmenté l’efficacité des navires et leur nombre, ce qui a fait croître le nombre d’espèces invasives. De la même manière, quand l’eau a remplacé le sable ou la sciure de bois comme ballast, ça a eu un impact important. »

Eau de ballastage

L’eau des ballasts des navires fait justement l’objet de nouveaux règlements visant à réduire le nombre d’espèces invasives. L’étude de McGill n’en a pas tenu compte. Pourquoi ? « On ne sait pas encore l’impact que ça aura dans les océans, dit Brian Leung, un autre auteur de l’étude, aussi biologiste à McGill. Les premières données montrent que c’est moins efficace que pour les grandes étendues d’eau douce comme les Grands Lacs, mais ça reste à voir. »

En chiffres

4 fois

Augmentation du trafic maritime entre 1992 et 2012

6 fois

Augmentation du trafic maritime d’ici 2050

8 milliards US

Coûts annuels des espèces invasives de poissons, de mollusques marins et d’algues aux États-Unis en 2005

Sources : Université McGill, Ecological Economics

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