LES LIGNES HORIZONTALES

Un roman
coup-de-poing

En finir avec Eddy Bellegueule

Édouard Louis

Seuil, 219 pages

En finir avec Eddy Bellegueule est le récit du garçon du même nom, aujourd’hui connu sous le nom d’Édouard Louis, non seulement à l’état plume, mais aussi à l’était civil. Jeune homosexuel de 21 ans composant avec le dur quotidien d’une petite ville du nord de la France, où la différence est inacceptable et où le respect se gagne à coups de poing, Eddy a grandi dans un contexte familial atypique, en plus d’être victime d’une violence sans nom partout ailleurs.

Un style simple, direct, ce que les spécialistes qualifieraient de roman coup-de-poing, justement. Après seulement six pages, Eddy est victime de davantage d’intimidation que la plupart des gens en 300 pages.

Ce soir (le dimanche 25 mai), je suis l’un des invités de l’émission 125, Marie-Anne, animée par Christiane Charette. Hier, je suis allé voir la boxe au Centre Bell. En fait de clientèle et d’ambiance, on peut difficilement trouver plus diamétralement opposé. Je suis polyvalent. Un caméléon social.

Bref, Édouard Louis, l’auteur du livre dont traite ce texte, sera également du panel de l’émission. C’est la première fois que j’ai l’occasion de rencontrer l’auteur impliqué dans ma chronique, pendant l’écriture de celle-ci. Je vais aller me mettre de petits souliers cirés, je fais l’émission et je vous reviens après. Bye.

C’est fait.

On dira ce qu’on voudra, mais j’ai réussi à me perdre en me rendant à une émission dont le titre est l’adresse.

En arrivant au studio, je me dirige vers Édouard Louis et me présente. Avoir lu son histoire me place immédiatement dans un rapport faussement intime. Il est difficile pendant la conversation de ne pas se repasser dans la tête les passages les plus marquants de sa vie, surtout les plus violents.

Sa voix, qu’il décrit comme haut perchée et efféminée à l’enfance, a cédé la place à un baryton naissant. Le seul vestige visible de son ancienne vie est l’appareil dentaire qu’il porte pour corriger des années de négligence, car ses parents considéraient l’hygiène dentaire comme inutile.

Après mon entrevue, le jeune auteur s’installe à mes côtés pour répondre aux questions de Christiane Charette. Il y a 15 Post-it dans les pages de son exemplaire du roman, des dizaines de phrases sont surlignées en orange. Le livre a l’air du site de Woodstock en Beauce, le matin du quatrième jour. L’animatrice semble être ce qu’on pourrait appeler une lectrice impliquée. L’échange est très intéressant, j’interviens à peine. J’écoute. J’oublie presque que je suis à la télé. Il est tout à fait inspirant d’écouter ce jeune homme, qui aurait eu toutes les raisons du monde de se décourager, parler de son travail d’écriture dans une émission de télévision à un océan de chez lui.

La génération qui me suit m’impressionne souvent. Gabriel Nadeau-Dubois s’ajoute ensuite au plateau de l’émission et son discours est toujours d’une dynamique éloquence. Mes deux copanélistes ont 22 et 24 ans et leurs propos sont précis, pertinents, rendus sans aucune hésitation dans une maîtrise absolue de la langue. Je suis un amoureux du français, et quand je me retrouve entouré de gens qui le manient avec assurance et virtuosité, je l’aime encore plus.

Toujours en ondes, Christiane me parle aussi de la chronique que vous lisez actuellement et me demande si elle traitera d’En finir avec Eddy Bellegueule. Je lui réponds que oui, mais qu’elle est écrite à moitié et que des moments de l’émission se retrouveront dans le texte.

C’est fait.

À la fin de l’émission avait lieu la tournée de plogues, où on demande à chaque invité de ploguer ce qu’il veut, que ça le concerne ou non. J’ai terminé ma plogue en suggérant aux téléspectateurs de se procurer le livre d’un(e) jeune auteur(e) québécois(e) de leur choix, en me disant que j’allais réitérer cette suggestion dans mon texte.

C’est fait.

Cette chronique était ma dernière de la saison. Bonnes lectures d’été.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.