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Fermeture soudaine de la Maison Monbourquette

La présidence de l'organisme d'aide aux endeuillés plaide un « gouffre financier »

La Maison Monbourquette, spécialisée dans l’accompagnement au deuil, fermera ses portes d’ici quelques semaines, abandonnant « de façon brutale » le service d’aide gratuit aux endeuillés qui a fait sa renommée, dénoncent trois membres du conseil d’administration ainsi que la porte-parole de l’organisme.

« Lors du conseil d’administration, j’ai été mise, tout comme les autres membres, devant le fait accompli, dénonce Lucille Joly, bénévole de la première heure à la Maison Monbourquette et membre du conseil d’administration, dans une lettre qu’elle a fait parvenir à la présidence à la suite de la réunion. J’ai été peinée, désolée et frustrée devant une telle situation. »

En entrevue, Mme Joly, qui était la représentante des bénévoles au C.A., indique que la fermeture de l’organisme s’est faite « de façon brutale et cavalière, sans respect pour les personnes qui y travaillent ». Deux autres membres du conseil d’administration ont corroboré en tous points les dires de Mme Joly. Ils ont toutefois requis l’anonymat, par crainte de représailles.

Au bord du gouffre

L’organisme était financièrement « au bord du gouffre », plaide le président du conseil d’administration de la Fondation Monbourquette, Gérard Veilleux, qui estime que le transfert de la mission à une chaire de recherche de l’Université de Montréal est le seul moyen d’assurer la survie de la mission.

Depuis quelques années, l’organisme faisait face à une augmentation des coûts et à une baisse des dons. « Face à ce gouffre financier énorme, la solution la plus simple, c’était de fermer la place. Nous avons voulu en assurer la pérennité. »

Mardi dernier, la Fondation Monbourquette a donc fait un don de 1,2 million à l’Université de Montréal pour créer la chaire d’enseignement et de recherche Jean Monbourquette, sur le soutien social aux endeuillés. L’Université formera des centaines de personnes qui continueront à épauler les endeuillés, croit Gérard Veilleux.

« On va aider beaucoup plus d’endeuillés avec beaucoup plus d’ampleur. » — Gérard Veilleux

« Gouffre financier, le mot est très fort. C’est sûr que les dépenses augmentaient. Est-ce qu’on aurait pu restreindre les services ? On a peut-être offert trop de services. Mais entre trop et rien du tout, il y a un milieu », rétorque Mme Joly.

Les employés, les bénévoles et plusieurs membres du C.A. sont catastrophés, estimant que ce changement de cap ne respecte pas la vocation première de l’organisme. « Ce changement de cap serait-il le souhait de M. Monbourquette ? Je me permets d’en douter, lui, cet humaniste qui aimait être sur le terrain », a déclaré Lucille Joly devant les bénévoles rassemblés mardi dernier, qui apprenaient que leurs services ne seraient plus requis. Jean Monbourquette, qui a donné son nom à l’organisme, était prêtre oblat et psychologue, pionnier dans le domaine du suivi de deuil.

Une tragédie

En fermant ses portes, la Maison laisse en plan des dizaines de clients qui vivent une véritable tragédie, dénonce celle qui était jusqu’à tout récemment porte-parole de l’organisme, l’auteure et animatrice Dominique Bertrand. « On a complètement laissé de côté les personnes endeuillées qui sont actuellement en suivi. Une seule personne va assurer le suivi de la clientèle alors que l’agenda des bénévoles, qui assuraient le service d’écoute, était plein ! s’insurge Mme Bertrand. Je suis sûre que tout cela est fait légalement, mais ce n’est pas parce que c’est légal que c’est moral. »

« Je ne peux pas cautionner ce qui se passe en ce moment, au mépris des gens qui n’ont pas de place où aller pour parler de leur peine, car il ne faut pas oublier que les services de la Maison étaient gratuits. »

« La madame qui vient de perdre son mari ouvrier et qui n’a même pas d’argent pour lui payer des funérailles, est-ce qu’elle a 100 $ pour aller chez le psychologue ? La réponse, c’est non ! » — Dominique Bertrand

Mme Bertrand, qui a démissionné il y a quelques jours de ses fonctions de porte-parole de la Maison, était le visage de la Maison Monbourquette depuis 10 ans. Gérard Veilleux indique que Mme Bertrand est mal informée et précise qu’elle n’a assisté à aucune réunion du conseil d’administration depuis au moins deux ans.

Personne n’est laissé en plan

« Tout cela s’est fait de façon assez sauvage, merci ! », estime un employé, qui a été averti mardi dernier de la situation, comme tous les travailleurs et bénévoles. « On avait un avis de cessation d’emploi et un chèque, et c’était fini. On a dû appeler tous nos clients de suivi en catastrophe pour les avertir de la situation. C’est vraiment resté en travers de la gorge des gens. »

« Les gens présents pleuraient. Des travailleurs sociaux d’expérience, qui avaient développé une expertise pointue, ont été remerciés sans même qu’ils aient pu dire un mot aux clients endeuillés ! Ça ne se peut pas, qu’ils mettent la clé dans un tel organisme ! », renchérit une autre bénévole.

Gérard Veilleux n’est pas d’accord. « Personne n’est laissé sur le carreau. On n’a pas travaillé très fort pendant 15 ans pour cette cause-là pour tout laisser tomber », dit-il. Les suivis entamés avec la clientèle seront menés à terme au cours des prochaines semaines, promet-il, et la Maison cherche actuellement un nouvel organisme pour lui transférer sa ligne d’écoute.

Les dons transférés à l’Université de Montréal proviennent des sommes amassées par la fondation, mais chacun des donateurs a été averti du changement de structure de la Maison Monbourquette, souligne Gérard Veilleux. « Et ils ont tous maintenu leur don. »

La Maison Monbourquette, financée par la fondation du même nom, avait un budget annuel de 775 000 $. Elle offrait depuis 2004 des services aux endeuillés.

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