Chien « cuit » dans une voiture

Verdict exceptionnel de cruauté animale contre la propriétaire

Une Montréalaise qui avait laissé son chien dans la voiture en pleine canicule vient d’être déclarée coupable de cruauté envers un animal à la suite de la mort de la bête, qui a carrément « cuit » à l’intérieur de l’habitacle pendant qu’elle faisait ses courses.

Le verdict est exceptionnel et pendant le procès, les parties n’ont pu trouver aucune jurisprudence qui impliquait des circonstances similaires. Le juge de la cour municipale de Montréal Randall Richmond a d’ailleurs commencé son jugement par un avertissement à tous les propriétaires d’animaux de compagnie.

« Dans la chaleur de l’été, il ne faut jamais laisser un animal seul dans une automobile. La triste histoire d’Arès, le chien bouledogue de Marina Palakartcheva, en est l’illustration », martèle-t-il.

Le récit des souffrances de l’animal et des efforts désespérés d’une foule d’intervenants pour le sauver étaient parfois difficiles à entendre au cours des procédures.

Chaleur extrême

Les faits remontent au 3 juillet 2011. Mme Palakartcheva, mère de famille alors âgée de 34 ans, gare sa voiture rue Hutchison, entre des Pins et Prince-Arthur, pour aller faire des courses. Dehors, c’est la canicule, l’air est « très collant », avec « chaleur extrême », viendront raconter des témoins plus tard. Mme Palakartcheva laisse dans le hayon de sa Toyota Matrix son bouledogue mâle de 5 ans nommé Arès, comme le dieu grec de la guerre, fils de Zeus.

Vers 17 h 45, un citoyen qui promène son chien par là voit que son animal s’arrête et hume activement la Toyota garée. Il regarde à l’intérieur et voit un bouledogue qui semble en détresse, couché sur le côté, la langue pendante, la respiration frénétique. Il appelle le 9-1-1, et deux policières arrivent en quelques minutes. L’homme filme aussi l’animal avec son téléphone. La vidéo allait se révéler une preuve cruciale au procès à venir.

Incapable de trouver la propriétaire du véhicule, une des agentes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) fracasse une vitre pour ouvrir les portes et secourir le chien. Elle racontera plus tard qu’une bouffée d’air chaud a émané du véhicule. 

L’animal était « tellement chaud, quand on le touchait, c’était presque comme si on touchait à un poêle chaud », a témoigné une agente du SPVM.

Des citoyens sont accourus pour porter secours à l’animal. L’un a apporté une serviette pour y étendre le chien, un autre, de l’eau. Une troisième personne a tenté de le rafraîchir avec une serviette humide.

Les policières ont placé Arès dans leur voiture de patrouille et foncé vers une clinique vétérinaire, gyrophares et sirène actionnés. Cinq personnes de la clinique l’ont pris en charge et ont tout tenté pendant 24 heures : une réhydratation par soluté, des transfusions de plasma et d’antibiotiques par intraveineuse : rien n’y faisait.

La vétérinaire Gisèle Déry a appelé Mme Palakartcheva pour lui dire qu’il n’y avait plus rien à faire et lui demander la permission d’euthanasier Arès. La propriétaire a refusé, mais l’animal est mort pendant la conversation téléphonique.

La vétérinaire a dit au procès être convaincue qu’un coup de chaleur avait entraîné la mort d’Arès. Elle a raconté que même une période de 10 minutes dans la voiture aurait pu être dangereuse pour le chien par temps de canicule. Un humain n’aurait pu endurer la chose bien plus longtemps. 

« C’est une des pires choses qu’on peut vivre. […] On cuit. »

— La vétérinaire Gisèle Déry dans son témoignage à la cour

Défense « fantaisiste »

En défense, la propriétaire a expliqué qu’Arès pleurait énormément lorsqu’il était laissé seul, depuis la mort de sa mère. Elle le traînait donc partout avec elle. Ce jour-là, il ne faisait pas si chaud, a-t-elle avancé, contredisant les nombreux autres témoins. Elle avait placé son véhicule à l’ombre, avait laissé deux ou quatre vitres légèrement baissées (c’était deux, selon la police) et avait mouillé l’animal avec de l’eau avant de le laisser. Par ailleurs, Arès « aimait la chaleur », a-t-elle assuré.

La dame dit être partie seulement 30 minutes. Or, entre le moment où un citoyen a appelé le 9-1-1 et celui où elle est revenue à son véhicule, il s’est écoulé une heure, selon la police. La preuve n’a pu déterminer combien de temps le chien a été laissé seul en vérité.

La propriétaire a aussi suggéré que la vétérinaire s’était trompée de diagnostic sur la base d’informations fournies par les policières et que son chien avait peut-être été victime d’un empoisonnement. Le juge l’a trouvée peu crédible.

«  Mme Palakartcheva a tenté de jeter le blâme pour la mort de son chien sur d’autres personnes : les policiers, la vétérinaire et des gens de son voisinage qui n’aiment pas les chiens et qui auraient empoisonné Arès. Toutes ces théories sont fantaisistes et sans fondement », affirme le juge dans son jugement.

En fait, la dame a simplement été insouciante, dit-il. « Elle voyait le risque et elle a pris une chance. »

L’accusée a été déclarée coupable de deux chefs d’accusation criminels. Elle est passible d’une amende maximale de 10 000 $ et d’une peine d’emprisonnement maximale de 18 mois, mais il est peu probable que la poursuite demande le maximum dans ce cas-ci.

Les pladoiries sur la peine auront lieu en septembre.

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