Sécurité routière

Nouvel accident camion-vélo, un pan de Berri montré du doigt

Le secteur le plus dangereux de la piste cyclable Berri, à Montréal, a été le théâtre d’un nouvel accident impliquant un vélo et un camion hier matin. Le cycliste de 18 ans qui s’est retrouvé sous la roue du camion léger est entre la vie et la mort.

L’accident est survenu vers 9 h 45, rue Berri, une centaine de mètres au sud de la pente abrupte qui a valu au fil des ans à ce tronçon la palme du plus grand nombre d’accidents de vélo à Montréal. De 2005 à 2014, 38 cyclistes y ont subi des blessures, parfois graves, selon des données transmises par la Direction de la santé publique de Montréal.

Sous le choc, les yeux noyés de larmes, le conducteur du camion de la Compagnie électrique Britton a dit à La Presse qu’il n’avait jamais vu le cycliste avant l’impact.

Le vélo circulait en direction sud sur la piste cyclable lorsque la camionnette a tourné à droite, empiétant sur la voie des vélos, pour emprunter un petit chemin menant au stationnement souterrain de la Grande Bibliothèque.

En freinant, le cycliste serait tombé de son vélo et aurait glissé sous les roues du camion léger, indique le porte-parole du SPVM, André Leclerc. Le jeune homme était conscient à l’arrivée des services d’urgence, mais son état est jugé critique. « Il s’est quand même fait rouler sur le corps par un camion léger », a dit le porte-parole du SPVM. Une équipe d’experts en collision du SPVM et des agents de Contrôle routier Québec ont été dépêchés sur place pour étudier la scène.

Le vélo a été retrouvé un peu en amont du lieu de l’impact.

L’endroit se trouve à une cinquantaine de mètres d’un feu rouge récemment installé par la Ville de Montréal, mais aucun arrêt n’est obligatoire pour les véhicules et les vélos au lieu précis où s’est produit l’accident.

UNE TRENTAINE D’ACCIDENTS

Ces dernières années, pas moins d’une trentaine d’accidents sont survenus sur ce tronçon, le plus achalandé de la métropole. Certains cyclistes partent du haut de la pente sur la rue Cherrier et se synchronisent avec les feux situés 400 mètres plus bas pour pouvoir traverser la rue Ontario le plus vite possible et se laisser glisser jusqu’au boulevard De Maisonneuve. 

La Ville a apporté certaines modifications à la configuration du secteur dans le cadre d’un programme d’amélioration des pistes cyclables de 33,6 millions, entre 2012 et 2014. La pente en amont d’Ontario a été adoucie, et le trottoir de la rue Berri a été élargi.

Il reste que des accidents continuent de s’y produire régulièrement. En 2015, le patineur de vitesse Olivier Jean, médaillé d’or au relais à Vancouver, y a été heurté par une voiture alors qu’il s’entraînait à vélo. 

En 2009, un cycliste qui chevauchait un BIXI avait aussi failli y perdre la vie.

Selon l’ingénieur en circulation Ottavio Galella, président de la firme Consultants Trafix, l’accès au stationnement souterrain de la bibliothèque, où s’est produit l’impact, est un endroit qu’il faudrait « optimiser ». « C’est un croisement vers un chemin privé, mais compte tenu du nombre élevé de véhicules qui entrent et sortent du stationnement, il faudrait davantage le traiter comme une intersection », dit-il. Marquer la route avec un logo de cycliste rappelant aux automobilistes qu’une collision est possible serait un bon départ, croit-il.

LIMITER LA VITESSE DES CYCLISTES ? 

La vitesse due à la pente pose aussi un problème : « La distance nécessaire pour freiner un vélo va de 14 m quand on circule à 15 km/h à 35 m lorsqu’on roule à 30 km/h. C’est une différence substantielle », dit-il. Selon M. Galella, la solution serait peut-être de limiter la vitesse des cyclistes à la sortie de la pente. « Il faudrait peut-être mettre un affichage recommandant une vitesse maximale de 15 ou 20 km/h pour les cyclistes », propose l’ingénieur. 

Il s’agit du deuxième accident impliquant un vélo et un camion cette semaine. Lundi, Justine Charland St-Amour, 24 ans, a perdu la vie après avoir été happée mortellement par un poids lourd à l’intersection du boulevard Rosemont et de la rue D’Iberville. Le camion faisait un virage à droite lorsqu’il a heurté la cycliste. À cet endroit, seuls les camions faisant une livraison locale peuvent tourner à droite.

Accident camion-vélo

UNE RÉFORME SUR LA GLACE ?

Le nouveau ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports, Laurent Lessard, est resté très vague, hier, quant aux intentions du gouvernement Couillard de proposer une réforme du Code de la sécurité routière, attendue depuis deux ans. Lors d’un point de presse conjoint avec le maire de Montréal, Denis Coderre, survenu quelques heures seulement après un deuxième accident de vélo en moins d’une semaine, le ministre a affirmé qu’en matière de sécurité routière, « on essaie de poser des gestes au quotidien » pour améliorer le bilan routier. Il a insisté sur le fait que les changements dans les comportements ne passent pas tous par la législation, mais aussi par la sensibilisation et la responsabilisation de tous les usagers de la route, indiquant que de nouvelles mesures pourraient être annoncées « au printemps prochain ». Au printemps 2014, la mort tragique d’une cycliste, Mathilde Blais, happée par un camion sous un viaduc ferroviaire, avait mis en lumière la nécessité de moderniser le Code de la sécurité routière, qui n’a pas été refondu depuis la fin des années 70.

— Bruno Bisson, La Presse

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