Chronique

Pas de panique hypothécaire !

Depuis le temps qu’on prédit une hausse des taux d’intérêt. Ça y est ! C’est arrivé hier. Mais ne partez pas en peur. Cette augmentation de 0,25 % n’aura pas un effet monstre sur vos paiements hypothécaires.

Même si le taux d’endettement des ménages est dans le plafond, les Québécois ne sont pas trop vulnérables à une remontée des taux d’intérêt. Seulement 4 % des propriétaires doivent consacrer plus de 40 % de leurs revenus disponibles au remboursement de leurs dettes, un seuil jugé critique.

Les études de sensibilité ont déjà démontré qu’une hausse graduelle et modérée des taux d’intérêt ne devrait pas faire augmenter de façon alarmante la proportion de ménages à risque, rapporte Jimmy Jean, économiste principal au Mouvement Desjardins.

Alors, pas de panique !

La hausse du taux directeur de la Banque du Canada aura un effet direct uniquement sur les propriétaires qui ont une hypothèque à taux variable, soit moins du tiers des emprunteurs.

Ceux-ci verront leurs mensualités augmenter immédiatement, puisque leur taux est relié au taux préférentiel des banques, qui est lui-même étroitement lié au taux directeur de la Banque du Canada.

Actuellement, les hypothèques à taux variables sont fixées de 0,35 % à 0,70 % sous le taux préférentiel, selon le profil du client. Cet écart reste toujours fixe. Comme le taux préférentiel passera de 2,7 % à 2,95 %, dès aujourd’hui, le client qui avait un taux variable de 2 % paiera désormais 2,25 %, par exemple.

Grosso modo, une hausse de 0,25 % aura un impact de 6 $ par mois par tranche de 50 000 $ d’hypothèque, calcule Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts. Pour une hypothèque de 250 000 $, cela équivaut donc à une hausse de 30 $ par mois. Ce n’est pas la mer à boire.

Pour les deux tiers des propriétaires qui ont une hypothèque à taux fixe, c’est une autre histoire. Ils ne subiront pas de hausse avant le renouvellement de leur prêt, souvent dans plusieurs années, car la plupart optent pour un terme de cinq ans.

Les taux fixes sont plutôt influencés par le comportement du marché obligataire. Les obligations du Canada de cinq ans ont déjà grimpé d’environ 0,6 % depuis un mois, incitant les banques à rehausser de 0,2 % leur taux hypothécaire fixe de cinq ans. Le meilleur taux se situe désormais autour de 2,6 %, ce qui reste extrêmement faible.

Geler ou pas ?

La hausse des taux vous tracasse ? Si vous avez une hypothèque à taux variable, vous pourriez être tenté de « geler » votre taux, c’est-à-dire de convertir votre hypothèque en prêt à taux fixe.

Mais ce n’est pas nécessairement une bonne idée, car le taux fixe risque d’être prohibitif. « Il faut voir les modalités. Dans la plupart des grandes institutions financières, les gens qui veulent convertir leur prêt devront le faire au taux affiché », prévient Denis Doucet.

Ça ne vaut pas la peine de convertir un taux variable (présentement entre 2,25 % et 2,6 %) pour un taux fixe de cinq ans affiché à 4,74 % (un bon 2 % au-dessus du meilleur taux négocié).

Renouveler avant le terme ?

Par ailleurs, la plupart des prêteurs offrent la possibilité de renouveler votre hypothèque trois ou quatre mois avant l’échéance, sans pénalité.

Les économistes et les marchés financiers prévoient déjà une deuxième hausse de 0,25 % en septembre ou en octobre prochain. Alors si votre prêt arrive à échéance à l’automne, pourquoi ne pas le renouveler dès maintenant ? Vous éviterez ainsi la deuxième hausse.

Mais attention : la première offre de votre prêteur n’est pas toujours alléchante. Magasinez un peu. Négociez le taux.

Bloquer un taux ?

Si vous magasinez une maison en ce moment, il serait judicieux de bloquer votre taux d’intérêt auprès d’un prêteur. La plupart des institutions financières garantissent un taux de 90 à 180 jours à l’avance. Ça ne vous engage à rien. Mais si les taux d’intérêt grimpent, la banque honorera ce taux.

Petit conseil : si vous utilisez cette tactique, assurez-vous de bloquer le taux pour un montant suffisant, car si l’hypothèque dont vous avez besoin dépasse le montant accordé, le taux « bloqué » tombera à l’eau.

Fixe ou variable ?

Fixe ou variable ? C’est la sempiternelle question que se posent les emprunteurs. Dans un contexte de baisse de taux d’intérêt, le taux variable s’est avéré la meilleure option. Mais si les taux remontent, il pourrait en être autrement.

Le taux variable est généralement plus bas que les taux fixes. Cet écart de taux peut être vu comme le coût d’une police d’assurance contre une augmentation des taux.

Comme le taux variable se situe à 2,25 %, par rapport à 2,6 % pour le taux fixe de cinq ans, l’écart n’est que de 0,35 % en ce moment. Et il sera presque complètement refermé si la Banque du Canada donne un autre tour de vis de 0,25 % cet automne. Alors la police d’assurance ne coûte pas très cher.

« Dans un environnement économique qui s’améliore, comme en ce moment, c’est plus favorable pour les taux fixes. C’est le moment d’en profiter », considère Jimmy Jean.

Mais il ne faut pas s’attarder uniquement au taux d’intérêt. Le taux fixe comporte aussi des inconvénients. Notamment, il impose des pénalités astronomiques aux clients qui doivent briser leur hypothèque en cours de route, alors que le taux variable permet de rembourser le prêt avant le terme moyennant une pénalité de seulement trois mois d’intérêt.

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