Menacé d’extradition

Un Guinéen bisexuel demande  l’aide de Trudeau

Un Guinéen bisexuel de 30 ans qui a trouvé refuge au Québec en 2012 après avoir été menacé de mort en raison de ses pratiques sexuelles et de ses croyances religieuses craint de connaître une fin tragique s’il est renvoyé dans son pays d’origine.

Sanoussy Bérété appelle le premier ministre Justin Trudeau à intervenir en sa faveur afin de bloquer une procédure de renvoi qui va à l’encontre, selon lui, de l’attachement affiché du politicien et du gouvernement fédéral à la protection des minorités sexuelles.

« Je préférerais être condamné à mort ici que de devoir retourner en Guinée pour être tué de manière horrible et humiliante », a déclaré hier en entrevue M. Bérété, qui peine à composer psychologiquement avec la perspective d’un retour forcé dans son pays natal.

Il risque d’être placé en détention demain à l’issue d’une ultime rencontre précédant son expulsion par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui est prévue le 29 novembre.

L’avocat du ressortissant guinéen, Guillaume Cliche-Rivard, craint que son client fasse les frais de mesures restrictives introduites par le précédent gouvernement conservateur et que les libéraux tardent à réformer « malgré leurs promesses ».

Les autorités canadiennes, dit-il, devraient minimalement surseoir au renvoi de M. Bérété pour quatre mois afin de lui permettre d’obtenir une évaluation approfondie des risques inhérents à son retour en Guinée.

Cette évaluation, explique l’avocat, est cruciale pour son client, mais ne peut être exigée avant mars prochain puisque la loi léguée par les conservateurs stipule qu’un demandeur d’asile doit attendre au moins un an après que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a statué sur son cas avant de procéder.

« On ne demande pas la mer à boire. Seulement que la preuve relative aux risques encourus par M. Bérété puisse être évaluée correctement. »

— Guillaume Cliche-Rivard, avocat du ressortissant guinéen

« Il risque d’être mort le temps que le délai se soit écoulé », dénonce Me Cliche-Rivard, qui ne comprend pas l’urgence manifestée par l’ASFC dans ce dossier.

« Trahi »

Le ressortissant guinéen affirme que les démêlés qui l’ont forcé à fuir son pays découlent d’un conflit avec son père, un croyant musulman indigné tant par ses relations sexuelles avec des hommes que par son intérêt affiché pour le catholicisme.

Comme dans nombre d’États d’Afrique subsaharienne, les relations homosexuelles sont taboues et considérées comme illégales en Guinée, le Code pénal prévoyant une peine d’emprisonnement pouvant atteindre trois ans.

M. Bérété affirme que son père a cherché à le faire suivre pour en avoir le cœur net sur ses fréquentations avant qu’un affrontement n’éclate entre les deux hommes en 2012.

Le ressortissant guinéen affirme que son père s’est alors emparé d’une arme, le forçant à s’enfuir. Il dit avoir été contraint de se cacher pendant plusieurs jours avant de quitter le pays discrètement en avion pour se rendre au Canada, où il a présenté une demande d’asile.

Dans une décision rendue le 7 mars dernier, quatre ans après son arrivée au pays, la CISR a conclu que M. Bérété ne représentait pas une « personne à protéger ».

« Je me suis senti trahi. »

— Sanoussy Bérété

Le tribunal, dans une courte décision, a notamment reproché au demandeur d’asile de ne pas avoir porté plainte à la police contre son père alors qu’il était en Guinée, arguant qu’il n’était pas crédible de laisser entendre que l’homme était « au-dessus des lois ».

Le jugement semble aussi mettre en doute le fait que le requérant a eu des relations homosexuelles, parlant du « supposé homosexuel ».

M. Bérété affirme qu’il ne pouvait espérer aucun soutien des autorités policières locales en raison de la stigmatisation des minorités sexuelles dans son pays.

Il se dit convaincu aujourd’hui qu’il court un risque important s’il retourne en Guinée, puisque son père, dit-il, demeure furieux contre lui.

Intolérance

Le fait que ses relations homosexuelles soient maintenant connues là-bas signifie qu’il s’expose aussi à la vindicte populaire, relève son avocat.

Selon un récent sondage, le pays est l’un des plus intolérants envers l’homosexualité en Afrique subsaharienne, avec le Sénégal, l’Ouganda et le Burkina Faso.

L’Afrobaromètre 2016 indique que 4 % des Guinéens se disent à l’aise avec l’idée d’avoir un voisin homosexuel, alors que la moyenne, pour les 33 pays consultés, est de 21 %. Un taux maximal de 74 % a été observé à Cap-Vert.

« Qu’est-ce qu’on essaie de faire valoir en voulant renvoyer M. Bérété là-bas ? Quel est l’objectif ? Il n’y a pas de raison de le soumettre à un traitement inhumain », souligne Me Cliche-Rivard, qui espère obtenir une injonction de la Cour fédérale pour bloquer le processus de renvoi si les autorités fédérales maintiennent le cap.

Justin Trudeau, dit-il, ne devrait pas tolérer une mesure qui « fait outrageusement ombrage à la vision d’ouverture, d’inclusion et de protection du présent gouvernement ».

Criminalisation répandue

Amnistie internationale a sonné l’alarme il y a quelques années relativement à la criminalisation croissante des actes homosexuels sur le continent africain dans un rapport intitulé Quand aimer devient un crime. L’organisation relevait alors que les relations entre personnes de même sexe étaient illégales dans plus d’une trentaine de pays d’Afrique subsaharienne et « dans toute l’Afrique du Nord ». Ces relations, souvent décrites dans les textes de loi comme des « rapports charnels contre nature », étaient même passibles de la peine de mort dans quatre États.

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