Mon clin d’œil

En ce moment, Justin Trudeau aimerait bien se déguiser en courant d’air.

OPINION

ACHAT DE CANNABIS PAR LES MOINS DE 21 ANS L’exaspérante croisade du docteur Carmant

Visage du gouvernement Legault dans le dossier du cannabis récréatif, Lionel Carmant a présidé ces derniers jours à des consultations publiques dont on aura saisi avant même qu’elles s’amorcent qu’elles ne seraient tenues que pour la forme.

L’un après l’autre, des organismes se sont désistés, leurs représentants ayant compris que tout effort visant à faire bouger le ministre délégué à la Santé de sa position serait aussi vain que d’essayer de convaincre le président Trump de l’idiotie de son projet de mur.

Donc, pas question d’autoriser la vente de pot légal aux moins de 21 ans. Réglé.

Avec ce ton excédant de frère des écoles chrétiennes, cette inflexion de voix sans appel, cette condescendance morale teintant l’ensemble de l’œuvre, le ministre Carmant est braqué dans une posture impossible témoignant d’une myopie gênante des enjeux.

Cet homme comprend-il seulement l’objectif de la légalisation, qui vise à sortir comme il se doit l’usage du cannabis de la sphère criminelle pour le repositionner dans le giron de la santé publique ?

Répétant jusqu’à plus soif qu’il ne veut que protéger notre jeunesse, le Dr Carmant refuse de se désempêtrer de l’amalgame « promotion de la consommation » et « légalisation », une confusion primaire et indigne de sa fonction. Mais enfin, quelle personne sensée peut croire sérieusement que de différer l’âge légal à 21 ans empêchera un seul jeune de consommer du cannabis si ça lui chante ?

Chiffres suspects

Tentant maladroitement de justifier sa politique, le ministre Carmant évoque des chiffres trop suspects pour être avérés. Selon lui, le groupe d’âge des 18 à 20 ans ne représenterait que 2 % des clients de la Société québécoise du cannabis (SQDC), alors que les 18 à 24 ans ne composeraient que 10 % de la clientèle. Or, si l’on se fie aux dernières données du Centre de statistiques sur le cannabis (Statistique Canada), les 15 à 24 ans représentent 27,4 % des usagers. 

Qui plus est, sur un site officiel du gouvernement du Québec, on rapporte que la proportion des usagers dans la tranche de 18 à 24 ans se situerait même à 41,7 %. La disparité criante avec les chiffres avancés par le Dr Carmant impose à ce dernier d’apporter des preuves à leur soutien.

Inscrites dans cette mouvance où le maintien obstiné d’une prohibition sans le nom l’emporte sur une approche fondée sur la prévention et la recherche, des interventions de psys de tous les horizons viennent s’ajouter au débat. On peut penser ici à Gabriella Gobbi de l’Université McGill, qui semble associer l’usage du cannabis chez les adolescents à la dépression et aux tendances suicidaires. Cela fait assurément un titre-choc. On est soudain moins alarmés quand on lit ce commentaire de la Dre Gobbi précisant qu’il s’agit d’une « association statistique » et que, du coup, « on ne peut conclure que c’est la cause ».

Cannabis et dépression

Savoir que selon les conclusions d’une étude très documentée publiée en 2015 dans une revue scientifique par l’American Psychological Association et menée par des chercheurs du centre médical de l’Université de Pittsburgh, on ne peut établir aucun lien entre usage de cannabis et dépression. Plein d’autres études vont dans le même sens. À vrai dire, tout ce dont on est certains, c’est que le cannabis thérapeutique procure une amélioration de leur condition chez de plus en plus de patients souffrant précisément de dépression.

La tendance est indéniable : pour de multiples états de santé, le cannabis se révèle souvent l’unique et ultime recours. Particulièrement vrai pour les sérieux cas d’épilepsie. Se rappeler ici que c’est à la suite du jugement dans l’affaire Parker qu’Ottawa a légalisé le pot thérapeutique en 2001. Or, Parker était justement un individu victime de violentes crises d’épilepsie que seul le cannabis parvenait à réguler.

Et puisqu’on y est…

Quand on examine le profil du ministre Carmant, on ne peut s’empêcher de tiquer. L’ex-praticien a consacré des années d’études à la prévention de l’épilepsie et développé une expertise en matière d’antiépileptiques. Sans sombrer dans une théorie du complot, on peut imaginer que les vertus quasi miraculeuses du cannabis médical pour l’épilepsie font figure de trouble-fête pour qui a tant dédié d’efforts à des traitements alternatifs.

L’étrange obsession du DCarmant vis-à-vis de la substance s’inscrit-elle dans une attitude de déni ? Pis encore, d’un affront scientifique à laver ? Chose certaine, ses propos frôlent l’absurdité quand il évoque « les images du cerveau d’un enfant qui a consommé de façon chronique et répétée du cannabis et qui voit son cerveau rapetisser au fur et à mesure de sa consommation ».

Des enfants consommateurs chroniques ? Le cerveau qui rapetisse ? Que diable raconte-il ?

Discrimination basée sur l’âge

Enfin, et de façon plus prosaïque, on constate déjà les dommages collatéraux de cette très mauvaise idée de différer l’âge légal à 21 ans avec la promesse du gouvernement de mettre à la porte tous les employés de la SQDC ayant eux-mêmes moins de 21 ans. Je me ferai ici l’écho du porte-parole du Barreau du Québec, et je dénonce fermement cette injustice qui viole nos normes du travail et constitue un cas flagrant de discrimination basée sur l’âge.

Pendant ce temps, dans nos supermarchés et dépanneurs, des jeunes de 16 ans se procurent allègrement vin et bière sans que ça ne semble déranger qui que ce soit. Même pas le bon père Carmant.

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