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Un embout buccal pour faciliter la prise de médicaments

Un chercheur de l’Université de Montréal a mis au point avec des collègues suisses une nouvelle manière d’administrer des médicaments à la posologie complexe. Il s’agit d’un embout qui épouse parfaitement les dents du haut, grâce à une technologie d’impression 3D, et qui contient les médicaments qu’on veut par exemple administrer plusieurs fois durant la nuit.

Inflammation

Se lever en plein milieu de la nuit pour prendre un médicament n’est pas facile. Réveiller un jeune enfant pour lui administrer un médicament peut être encore plus ardu. La solution qu’a mise au point Davide Brambilla, de la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, permet de respecter une posologie nocturne sans devoir se réveiller. « Il s’agit d’un embout buccal, imprimé en 3D dans le bureau du médecin pour un ajustement optimal pour chaque patient », explique M. Brambilla, qui est l’un des coauteurs de l’étude publiée début mai dans la revue Science Advances. « Nous avons commencé à travailler sur un type d’inflammation buccale souvent associée à certains médicaments, notamment à ceux qui doivent être pris lors d’une greffe de moelle osseuse. Il faut d’autres médicaments pour contrôler l’inflammation, qui sont pris en continu. Pour le moment, on utilise des crèmes, des gélules ou des vaporisateurs, mais la salive élimine le médicament trop rapidement. » Cette technologie pourrait être utilisée pour les antidouleurs pris au milieu de la nuit, par exemple après l’ablation de dents de sagesse ou des amygdales.

Polymère

L’essentiel des travaux a consisté à concevoir le polymère soluble. M. Brambilla, qui est originaire de Milan, s’est penché sur la question plusieurs années alors qu’il travaillait à l’École polytechnique fédérale de Zurich, en Suisse. « Mes collègues ont continué à travailler sur le sujet après mon départ pour Montréal et ils ont fait la preuve du concept avec cette publication dans Science Advances. On imprime exactement selon la mâchoire du patient, pour que le port de l’embout ne le dérange pas. Et on intègre le médicament dans le polymère soluble, pour qu’il soit relâché à mesure que le polymère se dissout grâce à la salive. » Est-ce que la quantité de salive varie d’un patient à l’autre ? « En théorie, oui, mais dans l’étude, nous n’avons pas observé de différence dans la dissolution du polymère ou le relâchement de la molécule. » À l’Université de Montréal, M. Brambilla est spécialiste de la libération des médicaments en fonction de leur formulation. « On travaille sur la vectorisation du médicament, notamment avec des microaiguilles, pour que le traitement soit plus ciblé et pour réduire les doses. »

EN CHIFFRES

79 % des patients qui doivent prendre une dose de médicament par jour respectent la posologie.

51 % des patients qui doivent prendre quatre doses de médicament par jour respectent la posologie.

Source : Clinical Therapeutics

Vanilline

Les chercheurs de Zurich ont testé la libération par le polymère d’un médicament appelé propionate de clobétasol. Pour vérifier l’acceptabilité par les patients, ils ont d’abord utilisé un composé non médicamenteux. « Nous avons utilisé la vanilline, qui avait un goût similaire, en plus fort, à celui du médicament anti-inflammatoire que nous visions, dit M. Brambilla. Ça a bien marché, les participants n’ont pas rapporté de goût désagréable. » Est-ce que le goût du polymère ou du médicament pourrait réveiller un patient qui dort ? « A priori, non, personne n’a rien signalé. Mais dans le futur, on pourrait aussi construire d’autres polymères avec des propriétés organoleptiques moins fortes, ou pour masquer le goût des médicaments. »

Génomique

Cette technique sera intéressante quand la posologie des médicaments pourra être ajustée à chaque patient selon son profil génétique. « Le gros avantage de cette technologie, c’est qu’on peut contrôler la libération du médicament selon le polymère qu’on utilise pour construire l’objet, dit M. Brambilla. On peut personnaliser la libération du médicament, en mettre plus ou moins dans le temps. On est loin de la pharmacogénomique, la personnalisation des médicaments en fonction de chaque patient, mais un jour il faudra des technologies d’administration comme la nôtre. »

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