Industrie du taxi

Les coupeurs de poire

La politique vient avec sa propre mesure de l’efficacité. Si aucun groupe ne chiale aux bulletins d'information, il y a allocation optimale des ressources.

Pour gérer la crise dans l’industrie du taxi, Québec agit ainsi comme un arbitre myope qui veut ménager un peu tout le monde. Comme un coupeur de poire en deux.

Il ne s’agit pourtant pas d’un conflit de travail avec l’industrie du taxi. Ni d’un simple problème de délinquance fiscale avec Uber. Il existe un troisième groupe dont on parle peu, les citoyens. Mais bien sûr, il leur manque un mégaphone pour se plaindre…

Sur le plan individuel, la solution cherchée devrait satisfaire les clients. Et surtout, sur le plan collectif, elle devrait réduire les problèmes de mobilité du Grand Montréal.

Hélas, Québec ne l’a jamais fait avec le taxi. L’industrie paraît encore aujourd’hui plus gérée par le ministère du Travail que celui des Transports, comme si on cherchait avant tout à éviter la grogne des chauffeurs.

Leur grogne, bien sûr, se comprend tout à fait. Le salaire moyen des chauffeurs serait d’environ huit dollars l'heure. Mais ce problème, c’est Québec qui l’a lui-même créé en voulant trop les protéger.

Le ver est dans le fruit depuis le début à cause de la gestion de l’offre. Le nombre de permis a été réduit dans les années 80, et il est presque gelé depuis, même si la demande a doublé. Le résultat n’était pas difficile à prévoir. On a tué la compétition, et donc tué tout incitatif à l’innovation.

L’industrie s’est tant détournée de la demande qu’elle ne la connaît même pas. Il a fallu attendre l’année dernière pour qu’elle lance une étude sur sa clientèle (durée moyenne des trajets, de l’attente, etc).

L’État a bien un rôle à jouer. Il doit inspecter les véhicules, vérifier le dossier des chauffeurs, en plus d’exiger un permis de conduire spécial et des assurances. Mais la réglementation actuelle va trop loin. Elle infantilise l’industrie, comme le résume bien Alexandre Taillefer dans son mémoire*. Par exemple, la tarification est décidée par un organisme gouvernemental. Il est interdit de l’ajuster à l’offre et à la demande, contrairement à l’avion ou au train.

Un ménage s’impose. Québec devrait se contenter d’assurer une saine concurrence, pour stimuler l’innovation et s’adapter lorsque c’est nécessaire. Car un choc n’attendra pas l’autre. Après les applications mobiles, l’industrie du taxi pourrait être déstabilisée d’ici quelques années par une petite révolution, celle des voitures autonomes.

Ces bouleversements, Québec devra les gérer avec une vision d’ensemble pour décongestionner les grandes villes. En 2013, pas moins de 43 % des déplacements en heure de pointe dans la métropole s’effectuaient en auto solo. Ce qui fait dire à Netlift, une société de covoiturage, que notre réseau routier souffre d’un problème de répartition, et non de capacité.

Voilà le véritable ennemi de l’industrie du taxi, qui s’est pourtant déjà perdue dans des combats inutiles contre la « concurrence déloyale » du BIXI, de la ligne d’autobus 747 ou des véhicules libre-service. Il s’agit au contraire de solutions à nos problèmes de mobilité. Tout le taxi, d’ailleurs.

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