Hockey

Beauvillier, pour ses grands-parents

« Il ne se souvenait plus de mon nom, ni du nom de mon frère, ni de qui on était. C’est quelque chose qui frappe, qui rentre dedans. Tu frappes un mur quand ça arrive. »

L’attaquant des Islanders de New York Anthony Beauvillier parle ainsi, avec beaucoup d’émotion, de son grand-père du côté maternel. Il est mort cette année de l’alzheimer. Il traînait sa maladie depuis si longtemps qu’il n’a jamais su ce que son petit-fils était devenu. Il a à peine été conscient de son parcours.

Mais le malheur n’est pas arrivé seul. La maladie dégénérative s’est aussi attaquée à la grand-mère de Beauvillier. Elle vient tout juste d’être placée dans un endroit adapté à sa situation.

« Les deux parents de ma mère sont touchés par ça. C’est difficile à vivre. J’ai vécu toutes sortes d’émotions avec ma mère, ces derniers temps. »

— Anthony Beauvillier

Son père Sylvain raconte : devant l’épreuve, son fils a senti le devoir de faire quelque chose, de profiter de son statut de joueur de hockey. Beauvillier organisait donc, hier, son premier tournoi de spikeball, dont tous les profits seront remis à la Société Alzheimer de Montréal. Deux de ses collaborateurs de l’agence Quartexx Management, Maxime et Thomas, ont fait le gros de la planification. Beauvillier les a appuyés dans l’organisation.

Le joueur est aussi actif à Long Island, où l’Association américaine de l’alzheimer invite à chaque match, en son nom, deux personnes atteintes de la maladie.

« Ce n’est pas l’homme qu’il était »

Beauvillier le fait un peu pour lui, pour trouver un remède à cette maladie qu’il sait dans de rares cas d’origine génétique. Il le fait aussi pour sa mère, à qui il avait caché les détails de la journée. Il le fait surtout pour les vies bouleversées par la maladie, pour les familles qui ont traversé les mêmes épreuves que lui.

Beauvillier explique comment il a vécu les ravages de l’alzheimer. Il parle des souvenirs qu’il garde de son grand-père, puis se ravise. Au fond, ce ne sont pas les souvenirs de son grand-père, ce sont les souvenirs de son grand-père d’après la maladie.

« Tu le vois, mais ce n’est pas lui. Ce n’est pas l’homme qu’il était. J’ai des souvenirs quand j’étais plus petit, des mots qui vont toujours rester, des choses qu’il a faites qui vont toujours rester dans notre famille. Ç’a été difficile de voir ma mère passer à travers ça. Je pense à ma mère qui demande à mon grand-père s’il se souvient de mon nom, s’il sait qui je suis, et lui qui répond non. »

Il a eu plus de temps avec sa grand-mère. Celle-ci, au moins, a suivi son parcours jusqu’au niveau junior majeur. Mais elle ne sait pas que son petit-fils est devenu joueur d’impact des Islanders, qu’il a marqué 21 buts la saison dernière dans la meilleure ligue du monde. Cette nouvelle réalité pousse Beauvillier à profiter aujourd’hui de chaque petit moment avec sa grand-mère. Il incite tous les jeunes à faire de même avec leurs grands-parents, le plus souvent possible.

« J’essaie de passer le plus de temps avec elle, avoir le plus de sourires, le plus de beaux moments. Je veux avoir du plaisir avec elle, même si je parle et que quelques minutes plus tard, elle a oublié ce que j’ai dit. J’essaie quand même de profiter de chaque moment, de tout ce qu’elle dit, même si elle se répète. »

Sans Tavares

Côté hockey, Beauvillier a laissé retomber la poussière depuis la journée difficile où il a appris le départ de John Tavares.

Tavares était plus qu’un simple coéquipier pour le Québécois. Il était devenu un mentor. Les deux joueurs étaient assis côte à côte dans le vestiaire. Le capitaine avait aussi permis au jeunot de s’asseoir à côté de lui dans l’avion.

« Je me suis senti membre de l’équipe dès le jour 1 grâce à lui. Il est sérieux, mais tu peux parler de n’importe quoi avec lui. C’est un leader-né. On aimerait l’avoir encore avec nous, mais il est parti et on va devoir vivre avec ça. Il y a des responsabilités à prendre et je veux les prendre. »

Beauvillier n’en veut nullement à Tavares d’avoir décidé de signer un contrat de sept ans et 77 millions avec les Maple Leafs. Tavares est son ami, et il est content pour lui. Il résume à merveille la situation : c’est un joueur exceptionnel qui a signé un contrat exceptionnel.

Maintenant, Beauvillier veut retrousser ses manches. Pas question de rater les séries une troisième saison de suite.

« Quand tu perds le cœur de l’équipe et le capitaine, ce n’est pas facile. Mais s’il y a une équipe capable de gérer ça, c’est la nôtre. On a une bonne chambre, des leaders, on est positifs. Avec les changements, le nouvel entraîneur, le nouveau directeur général, on retourne au Nassau Coliseum, le ciel est bleu chez les Islanders. Les partisans sont contents et c’est une occasion pour les jeunes joueurs d’en donner plus et de prendre plus de responsabilités. On a été exclus des séries deux ans et on a perdu notre capitaine, on ne veut pas revivre ce goût amer. »

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