Sociofinancement

Le marketing avant le financement

Plus que les dollars, les occasions de marketing créées par les campagnes de sociofinancement sont en train de devenir des passages obligés pour les jeunes entreprises qui tentent de percer avec un nouveau produit.

En fixant un modeste objectif de 50 000 $ à la campagne de financement pour leur jeu Jotun, l’an dernier, William Dubé et son équipe ne cherchaient clairement pas à décrocher le gros lot. Certes, les quelque 64 000 $ qu’ils ont finalement récoltés ont donné un coup de pouce. Mais, surtout, ils en ont appris beaucoup sur leur marché.

« Pour nous, il s’agissait surtout de valider le projet auprès de notre clientèle cible, voir si on avait une chance de vendre des copies de notre jeu plus tard, explique M. Dubé. Souvent, dans le jeu vidéo, tu travailles avec des œillères. C’est important de savoir si tu travailles dans le vide. »

C’était aussi l’un des principaux objectifs de Simon Tian. L’entrepreneur dans la jeune vingtaine a complété au printemps sa deuxième campagne de sociofinancement. Son projet d’ordinateur centralisé sur une montre, le Neptune Suite, a récolté plus de 1,1 million US sur le site Indiegogo. Sa première campagne, sur Kickstarter, portait sur une montre intelligente, la Neptune Pine, et avait amassé plus de 800 000 $CAN.

« Ça nous a aidés à prouver la présence d’un marché pour notre produit, de savoir qui est notre clientèle de base. »

— Simon Tian 

En fait, M. Tian espère ne même pas toucher la somme recueillie le printemps dernier.

« Il se peut toujours qu’on n’arrive pas à remplir toutes nos promesses à la fin du développement du produit et même si on n’est pas légalement obligés de redonner l’argent, je ne voudrais pas être le gars qui s’est sauvé avec un million de dollars. »

Le vrai financement de ces jeunes entreprises s’effectue souvent par le biais du capital de risque. Et une campagne de sociofinancement réussie peut avoir des retombées intéressantes de ce côté.

« Ça aide à déterminer une valeur pour l’entreprise en donnant un accomplissement assez significatif », estime M. Tian.

TAILLER LE MESSAGE

Les campagnes de sociofinancement peuvent aussi servir de « répétition » marketing avant le grand lancement, quelques mois plus tard.

« Pour emmener ton produit au marché, il faut savoir comment communiquer avec ton audience », rappelle Xavier-Henri Hervé, directeur de l’incubateur District3, à l’Université Concordia.

« Il pourrait y avoir deux campagnes Kickstarter pour le même produit, avec des messages différents, et le résultat serait très différent. La campagne permet donc de valider non seulement le produit, mais aussi le message. »

— Xavier-Henri Hervé, directeur de l'incubateur District3 à l'Université Concordia 

Les conséquences positives d’une campagne bien réussie se font sentir longtemps.

« Il y a beaucoup d’accélération possible, croit M. Dubé. Les médias peuvent parler de toi, tes canaux de médias sociaux grossissent, à la fin, ça fait des milliers de personnes avec lesquelles tu as ouvert un canal de communication. »

« Et c’est important de retourner voir ces personnes pour savoir pourquoi elles ont financé ton produit, poursuit M. Hervé. Là aussi, parfois, on peut avoir des œillères et penser que les gens, par exemple, l’aiment parce qu’il est blanc, alors que c’est parce qu’il est carré. »

Armées de ces informations, les jeunes entreprises peuvent plus facilement concentrer leurs efforts sur les fonctionnalités qui sont véritablement les plus attirantes, autant dans le développement du produit lui-même que dans les futures campagnes de marketing.

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