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Édition du 22 octobre 2016,
section PAUSE WEEK-END, écran 4
Non, il n’y a pas qu’à Pointe-Saint-Charles que les citoyens se mobilisent, concède la réalisatrice, rencontrée cette semaine pour le lancement de son film. « Mais ici, c’est inscrit dans leur ADN », dit-elle. Depuis les années 70 et encore aujourd’hui, les gens du quartier se regroupent, s’unissent, manifestent. Pourquoi ? Pour défendre leurs droits et surtout proposer des projets qui répondent à des besoins très concrets, fait-elle valoir. « Ils se sont organisés ensemble. Sans attendre que l’État leur donne des services. »
Le saviez-vous ? Bien avant Toronto, c’est ici, à Pointe-Saint-Charles, que ça se passait. « C’est là où il y avait la plus importante activité industrielle au Canada au XIXe siècle. » Avec la construction du canal de Lachine puis l’arrivée du chemin de fer, les usines se sont en effet installées ici, faisant travailler bon nombre d’ouvriers, des Québécois mais aussi beaucoup d’immigrants irlandais, ukrainiens, etc. Au milieu du XXe siècle, notamment à cause de la fermeture du canal, les usines ont migré vers les banlieues. D’où la vague de chômage, à l’origine de la pauvreté du quartier.
C’est dans un ancien dépanneur que des étudiants en médecine de l’Université McGill ont fondé la première clinique de santé communautaire, laquelle allait servir de modèle pour les centres locaux de services communautaires, les CLSC. « C’étaient des médecins bénévoles, par et pour les citoyens, raconte la réalisatrice. Les médicaments ne coûtaient rien, les ordonnances de lunettes étaient à 1 $ et il y avait aussi de la prévention, de l’éducation populaire liée à tout ça. »
C’est à Pointe-Saint-Charles qu’ont aussi été lancées parmi les premières coopératives d’habitation du Québec. « Pour que les gens puissent se loger… », dit Ève Lamont. Si le taux de logements sociaux tourne autour de 11 % au Québec, à Pointe-Saint-Charles, il grimpait à 40 % en 1996. Un chiffre toutefois en baisse avec la mise en marché de condos de luxe dans les dernières années. « Avec l’impact de l’embourgeoisement, en 2013, le taux de logements sociaux est tombé à 32 %. Et si la tendance se maintient, en 2016, il va tomber à 27 %. »
C’est ce qui a séduit Ève Lamont : de voir les gens du quartier se retrousser les manches, analyser les besoins et faire des propositions concrètes pour contrer ce qu’elle appelle le « mal développement » : la construction de condos de luxe, au détriment de logements sociaux, dans un quartier frappé par la pauvreté. « Ils proposent, dans une ère où il y a beaucoup de cynisme (des projets de société porteurs d’espoir, il n’y en a pas !), des projets pour contrer le mal développement, des projets concrets, selon les besoins de la population. » Le film en présente d’ailleurs deux : une résidence pour personnes âgées à faible revenu et un espace communautaire pour abriter une foule de projets (création, marché public, CPE, etc.).
Le chantier des possibles est présenté ces jours-ci à la Cinémathèque québécoise..