États-Unis

Six thèmes pour déchiffrer la présidence Trump

Un an après l’élection de Donald Trump, l’onde de choc est palpable pour les universitaires américains invités par l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Tour d’horizon en six thèmes.

Trump et la diplomatie

Quelle est la meilleure façon de pratiquer la diplomatie avec l’administration Trump ? « Vous devez mettre le volume au maximum parce que ses antennes ne sont pas fortes, dit Thomas Preston, de l’Université d’État de Washington. Son système de conseillers est déficient. Il y a beaucoup de postes vacants chez les ambassadeurs et au département d’État. Et il faut le flatter quand on est avec lui et le critiquer quand il n’est pas là. » Selon Ralph Carter, de la Texas Christian University, « les Saoudiens sont faits pour Trump. Ils lui font une fête gigantesque [huge], il danse avec les hommes du régime, ils l’ont vraiment bien saisi ». Thomas Preston ajoute que la diplomatie, c’est faire des liens, relier des points comme dans un casse-tête. « Mais on ne voit pas beaucoup de cela dans cette administration-ci, dit-il. Au lieu de relier les points, ils attaquent chaque point séparément. »

Trump et les journalistes

Les présidents, tant républicains que démocrates, haïssent les médias depuis longtemps, spécialement depuis les années 50 et 60, affirme Robert Lichter, de l’Université George Mason. « Bill Clinton avait voulu déménager les bureaux des journalistes de la Maison-Blanche un coin de rue plus loin pour que les journalistes n’aient pas autant de contacts avec le personnel politique, rappelle-t-il. Trump, lui, n’avait au départ que peu de respect pour les journalistes et il a créé un état de siège. C’est la guerre totale, d’une ampleur qu’on n’avait jamais vue jusqu’ici. Trump se bat avec la presse pour déterminer quelle est la réalité politique. »

Trump et Twitter

Pour Trump, Twitter est l’outil parfait pour communiquer avec sa base et aussi pour déterminer le programme du jour, poursuit Robert Lichter. « En cela, il a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué depuis l’avènement de la télévision. Les journalistes réagissent à ce qu’il fait, et pas le contraire. Mais est-ce que c’est suffisant pour se faire réélire ? On voit que Trump est le plus impopulaire des présidents depuis le début des sondages à l’ère Truman. Mais en même temps, il a eu une couverture très négative, à plus de 80 % pendant ses 100 premiers jours, ce qui est aussi sans précédent. Et la confiance des Américains envers les médias est aussi à un creux historique. Alors, le défi pour les journalistes est de se défendre sans se discréditer, de critiquer sans paraître hystériques. »

Trump et les contre-pouvoirs

Les limites au pouvoir du président existent dans la mesure où des gens veulent les faire respecter. Quelle limite, par exemple, y a-t-il à son pouvoir de déclencher une attaque nucléaire ? « L’Armée américaine n’a pas l’obligation d’obéir à un ordre qu’elle considère comme illégal », affirme Ralph G. Carter, de la Texas Christian University. Mais ce n’est pas nécessairement le scénario le plus probable pour déclencher un conflit irréfléchi. « Il pourrait y avoir un simple bombardement et ce serait le début d’un conflit », dit-il. Le contre-pouvoir judiciaire est déjà bien actif, remarque Olivier Barsalou, du département de sciences juridiques de l’UQAM. Et ce forum peut facilement se politiser. « Il y a quelques semaines, le procureur général de la Californie a contesté le projet de mur », dit-il. Quant aux nominations judiciaires de Trump, elles auront un effet encore inconnu, mais qui durera des générations.

Trump et les femmes

Difficile d’imaginer un statut plus précaire que celui d’une femme sans papiers devant un président ouvertement raciste et misogyne. Eva Moya, de l’Université du Texas à El Paso, en côtoie tous les jours dans son travail et dans sa ville, collée sur la frontière. « Les termes “migrant” et “femme” sont chargés politiquement plus que jamais, dit-elle. Ils déclenchent les préjugés et la discrimination. Mais cette période de l’administration pousse les gens à s’organiser et à résister. Et on a vu cette semaine des personnes être élues pour parler au nom des immigrants et des femmes. » Elle déplore, particulièrement dans son État, le recul des femmes sur le plan des services de santé et la lutte contre les violences de toutes sortes. « Le Texas est 50e sur 50 pour la qualité de ses soins prénataux et en même temps deuxième pour le taux de natalité », souligne-t-elle.

Trump et l’ALENA

Le président Trump est loin d’être extrémiste quand il s’oppose à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), affirme Christopher Sands, directeur du Center for Canadian Studies à l’Université Johns Hopkins. « En 1994, il n’y avait que peu d’entreprises américaines en faveur, dit-il. Et Hillary et Obama se sont prononcés contre en 2008. » Dans l’électorat, l’opposition à l’ALENA est répandue, mais peu étayée. « Les gens n’aiment pas l’ALENA mais ne savent pas pourquoi, dit-il. Mais en même temps, chaque sénateur et représentant a chez lui des gens dont le gagne-pain dépend de l’ALENA. » M. Sands applaudit les efforts conjugués des provinces et du fédéral ces derniers mois pour répandre l’information au sujet de l’ALENA. Il ajoute que la solidarité entre le Canada et le Mexique a pris de court l’administration Trump, qui recherche deux ententes bilatérales où le contenu américain deviendrait le critère dominant.

fin du programme des « dreamers »

Ottawa examine les répercussions possibles

Une analyse gouvernementale interne de la politique d’immigration des États-Unis laisse entrevoir des répercussions importantes pour le Canada dans l’éventualité d’une élimination du programme des « Dreamers », qui accorde des permis de travail et évite le renvoi de centaines de milliers de diplômés du secondaire ou de membres du personnel militaire âgés de moins de 31 ans qui sont entrés aux États-Unis illégalement alors qu’ils étaient enfants. En septembre, le président Donald Trump a fait ses premiers gestes vers l’abandon du programme, créant une onde de choc aux États-Unis. Le même jour, des employés du premier ministre ont demandé à Affaires mondiales Canada s’il avait déjà des analyses de la situation, et l’ambassade du Canada à Washington a fait parvenir ses observations, indiquent des documents obtenus par La Presse canadienne grâce à la Loi sur l’accès à l’information. Quelque 1,7 million de personnes pourraient être admissibles au programme des « Dreamers ». La note interne souligne que plus de 600 000 permis viendront à échéance et ne seront pas renouvelés.

— La Presse canadienne

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