Chronique

Bacon, science et chakras

J’étais donc bien assis dans cette chaise, dans cette salle d’attente, dans cette pharmacie où on trouve de tout (même un ami), humble maillon d’une chaîne de pharmacies dont l’action à la Bourse TSX se transigeait hier à 19,38 $, en baisse de 0,14 $.

J’attendais des gouttes pour les yeux en vue d’une opération Lasik dont je vais vous épargner les détails sinon pour vous dire qu’une cornée passant sous le laser sent à peu près la même chose que le bacon dans la poêle…

Et là, dans mon angle mort, il y avait des livres à vendre dans un présentoir, des livres sur la santé, puisque j’étais à deux mètres du guichet de la pharmacienne. Et ce livre détonnait, comme un bouton sur mon nez : La guérison par les chakras et la conscience karmique.

Dans une pharmacie, vraiment ? Ce genre de littérature psychopop qui a mariné dans l’ésotérisme ?

Si des gens veulent croire aux chakras, c’est leur affaire. Après tout, #lesgens vivent dans un pays libre et la liberté, c’est aussi celle de ne pas croire à l’efficacité des vaccins, par exemple. Ou croire que la lutte WWE, c’est vrai. J’aime penser que les gens qui croient à la WWE et ceux qui doutent des vaccins sont les mêmes, mais je concède humblement que la bêtise est probablement moins bien distribuée.

C’est à la base un lieu de science, la pharmacie. Je veux bien qu’on y vende du papier d’emballage et des ballons de plage (il faut ce qu’il faut pour que l’action se maintienne), mais y trouver de la pseudoscience, sous forme de livres ésotériques ou de gélules de glucosamine, ça me fait le même effet que voir une femme enceinte fumer…

Ça fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de pseudoscience, mon dada. La dernière fois, c’était en mai, je crois, à l’occasion de cette série sur la synergologie, discipline autoproclamée qui prétend décoder tout ce que vous pensez, ressentez ou cachez grâce à votre non-verbal. 

Un bel exemple de pseudoscience, qui singe le langage de la science, ses codes et ses méthodes, mais qui n’en est justement pas, de la science. La petite cousine francophone d’une autre arnaque, anglo-saxonne celle-là, la programmation neurolinguistique (PNL).

Plutôt que de contrer ma série avec des réponses scientifiques, exposées dans des articles scientifiques et défendues dans des colloques scientifiques, les synergologues m’ont fait envoyer une loooongue mise en demeure qu’ils ont diffusée publiquement. Menaces de poursuites à la clé, bien sûr. Des mois ont passé, pas de poursuite.

Sublime mise en abîme, quand on y pense : cette mise en demeure était en symbiose parfaite avec la pseudoscience synergologique : un furieux show de boucane…

Il y a pourtant des scientifiques, des vrais, qui posent leur loupe sur le non-verbal humain. J’y avais fait écho dans la série. Des éthologues, des anthropologues, des criminologues et tout un tas d’autres logues légitimes qui, depuis 50 ans, ont publié quelque chose comme 5000 études scientifiques, études qui sont pas mal moins sexy à lire qu’un livre de ce Monsieur Turchet, papa de la synergologie…

Et justement, l’Université de Montréal a récemment enfanté un Centre d’études en sciences de la communication non verbale (CESCNOV), qui s’est donné pour mission d’informer le public sur ce qui est vrai et sur ce qui est faux, dans le non-verbal. Il est dirigé par l’éthologue Pierrich Plussquellec, assisté du doctorant en communication Vincent Denault, tous deux cités dans ma série sur la synergologie.

Je signale la naissance du CESCNOV parce que le public et les médias s’intéressent souvent au non-verbal. Tant qu’à faire, consultez donc de vrais experts scientifiques en la matière plutôt que des faiseux, si télégéniques soient-ils…

Comme Satan, la tentation pseudoscientifique est partout. Prenez Kirsty Duncan, nouvelle ministre fédérale des Sciences.

Un CV scientifique irréprochable, ex-membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) qui sonne l’alarme sur le réchauffement planétaire. Mais Mme Duncan a pesamment cru l’affirmation du Dr Paolo Zamboni, cet Italien qui jurait pouvoir soulager les symptômes de la sclérose en plaques grâce à l’élargissement des veines du cou. Des études scientifiques ont – malheureusement – rejeté cette prétention. En rétrospective, l’appui de Mme Duncan à Paolo Zamboni était du militantisme, pas de la science.

C’est dire comme c’est dur, parfois, de ne pas tomber dans les mirages pseudoscientifiques : même la nouvelle ministre des Sciences y a succombé.

Heureusement, un smoothie detox au pissenlit (bio) saura remettre les chakras de la ministre dans leurs ancrages cosmiques, parlez-en à Jacinthe René.

DEUX POIDS, DEUX…

Octobre 2015. Le Conseil du trésor découvre une erreur d’interprétation de ses directives qui a mené à des erreurs de paie, pour des centaines de fonctionnaires. Ils ont été payés en surplus.

Ah, il faudra rembourser les sommes versées en trop, a décrété le fascinant Martin Coiteux, président dudit Conseil du trésor. Question d’équité.

Octobre 2014. Le ministère de la Santé découvre que des centaines de cadres ont été payés en trop. Erreur de classement de cadres.

Ces cadres, décréta à l’époque le (tout aussi) fascinant Gaétan Barrette, n’auraient pas à rembourser les sommes versées en trop. « Ce n’est pas un système punitif. »

Ce sera tout.

BART SIMPSON LANCE ET COMPTE

Avez-vous vu le maillot que portera le Canadien pour la Classique hivernale du 1er janvier à Boston, contre ces désagréables Bruins ?

On dirait un brouillon. On dirait les personnages des Simpson, lors de leur première incarnation au Tracey Ullman Show. Une ébauche.

Le maillot du CH est un des plus beaux de tout l’univers sportif planétaire, et peut-être même au-delà. Laissons les équipes portant un nom de phénomène météorologique ou de palmipède la coquetterie un peu sotte d’un troisième maillot…

J’AI UNE JOKE DE DÉVERSEMENT À FAIRE

En fait, non, je sens qu’elles ont été toutes faites, là.

Je sens… sentir… Odeurs…

OK, bye.

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