ENJEUX

L’anxiété d’une enfant

Comment soutenir nos êtres chers qui doutent constamment de leurs capacités ?

Nous vivons à une époque où de nombreux enfants reçoivent un quelconque diagnostic. Chez moi, c’est au nom de la benjamine qu’on a accolé une étiquette : TDA avec anxiété.

Pour elle, l’école a été vraiment très difficile. Des moments de bonheur, certes, mais d’autres aussi, ponctués d’une certaine détresse latente, jamais tout à fait éliminée.

Le plus pénible, c’est de comprendre et d’accepter que le cerveau de notre enfant fonctionne différemment, ce qui a une grande incidence sur l’organisation. C’est aussi recevoir certains commentaires qui nous laissent entendre à quel point, comme parents, on ne l’a pas ! Des trucs du genre : « Elle est chanceuse de t’avoir comme mère, parce que si c’était ma fille, je… »

La cruelle brochette d’effets secondaires, c’est l’estime de soi durement amochée, le découragement, le désespoir, les peurs démesurées… Surtout, la mauvaise lecture faite par certains intervenants : elle est paresseuse, elle ne veut pas, etc.

Après 23 années passées dans le monde de l’éducation et 18 ans à élever une enfant « TDA + anxiété », je suis convaincue que les enfants qui ont une telle difficulté ne se lèvent pas le matin en se disant : « Qu’est-ce que je pourrais bien faire aujourd’hui pour faire suer mon prof ? Qu’est-ce que je pourrais bien inventer pour me mettre dans le pétrin ? Qu’est-ce que je pourrais bien oublier pour irriter mes parents ? Quelle panique pourrais-je bien imaginer pour empêcher toute ma famille d’arriver à l’heure au travail ? »

Ils se lèvent plutôt en se demandant comment ils vont ramasser le courage de se rendre dans une institution où, forcément, quelqu’un leur tombera sur la tomate pour avoir oublié de faire/d’apporter/de remettre quelque chose… Où ils recevront possiblement un examen qu’ils ont coulé…

Maux de ventre, sueurs froides, mains moites et nausée font partie de leur quotidien. Ils se réveillent souvent en retard malgré cinq alarmes différentes à cause d’une nuit perturbée. Ils n’osent trop manger de peur de vomir.

Et, comme cette « maladie » est invisible, on les accuse d’imaginer des choses, d’être paresseux, manipulateurs et tutti quanti.

Parfois, ils commencent à mentir pour esquiver quelques coups faisant partie de leur quotidien. Plus ils le font, plus ils s’enlisent dans un tissu de mensonges, plus ils deviennent anxieux, plus ils sont convaincus d’être pourris…

Même si l’éducation est une valeur ultra importante dans notre famille, mon mari et moi sommes arrivés à un douloureux constat durant le secondaire 4 de notre fille : il nous fallait l’aimer assez… pour lui donner la permission de décrocher. Sans manipulation, sans jugement. Toutefois, cette « permission » venait avec un marché : elle devait s’engager dans une démarche avec le carrefour jeunesse-emploi et se trouver un emploi avant de quitter l’école. C’était en février 2014. Pendant tout le printemps, elle est allée à des rencontres, s’absentant parfois de l’école, mais sans abandonner. On l’a aidée à se fixer des buts à court terme. J’osais à peine respirer…

Le secondaire 5 a été ponctué de hauts et de bas. Il y avait aussi l’angoisse de choisir un cégep. Elle avait l’impression que tout le monde savait quoi faire de sa vie, sauf elle. Difficile de choisir un programme quand on est convaincu d’être pourri. Heureusement, deux sauveurs sont arrivés dans sa vie : la conseillère en orientation et, surtout, la soirée où les cégeps viennent présenter leurs programmes. C’est là que le déclic s’est fait.

Des hauts, des bas, des vagues, des tsunamis. Elle a été refusée au premier tour…

Et enfin, de grands moments de joie. La robe de bal. La collation des grades. Le bulletin et le relevé de notes du ministère : elle avait réussi !

Mais la plus belle récompense après tous ces efforts, c’est que depuis qu’elle a commencé le cégep, enfin acceptée au deuxième tour, elle est heureuse d’aller à l’école. Elle a enfin trouvé sa place.

Et elle nous remercie de l’avoir soutenue et d’avoir cru en son potentiel durant toutes ces années difficiles.

Gardez espoir, chers parents, et surtout, allez chercher de l’aide quand vous arrivez au bout de vos ressources. Les parents ne peuvent avoir toutes les réponses ; il faut savoir bien s’entourer.

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