Série 4/6  La vie après la politique

De l’autre côté du miroir

Pendant quelques années, leur vie, c’est la politique. Puis vient le temps de tout quitter. Pour certains députés, c’est leur choix. Pour d’autres, les électeurs leur montrent la porte. Entrevues sur l’après-vie parlementaire.

Le 8 juin 2015, Véronyque Tremblay a créé la surprise. La journaliste devenue candidate libérale a gagné l’élection partielle dans la circonscription de Chauveau, à Québec. Une « victoire historique », avait titré à l’époque Le Soleil, citant un Philippe Couillard en liesse.

Avec ce gain, la recrue vedette mettait fin au règne adéquiste amorcé en 2007 par Gilles Taillon, puis défendu par Gérard Deltell. Mais l’été dernier, les sondages indiquaient que la région de Québec appuyait massivement la Coalition avenir Québec (CAQ). La députée sortante croyait malgré tout obtenir un second mandat.

« Quelques jours après le vote par anticipation, j’étais à une épicerie pour rencontrer les gens. Je n’avais pas nécessairement besoin d’aller les voir. On venait à moi. On me disait : “J’ai déjà voté, tu n’as pas à t’inquiéter.” Tout le monde me regardait avec un beau sourire », se rappelle Véronyque Tremblay.

« Une ancienne députée m’avait dit : “Le jour où tu vas perdre, tu vas le savoir. Quand les gens vont te donner la main, ils n’oseront plus te regarder dans les yeux et vont dévier le regard” », poursuit-elle.

Ses électeurs lui ont posé un lapin. Le 1er octobre dernier, le candidat caquiste a repris la circonscription. Avec une importante majorité.

La débrouillarde

Il est 13 h, un mardi froid de novembre. La pluie menace de se changer en neige dans le ciel gris de Lac-Beauport, au nord de Québec. Véronyque Tremblay est en retard pour son entrevue avec La Presse. Sa voiture est en panne.

Débrouillarde, l’ex-ministre déléguée aux Transports trouve une solution. Elle arrête une automobiliste et lui demande si elle aurait la gentillesse de la déposer à son rendez-vous. La voilà donc qui arrive quelques minutes plus tard, multipliant les excuses avec son sourire contagieux.

« C’est presque toujours ici que je m’assois », dit-elle en prenant place à une table du restaurant Le Batifol. Elle organisait ici six déjeuners-causeries par année à titre de députée avec des citoyens et des collègues ministres.

Quand elle parle de Chauveau, on la sent particulièrement chaleureuse. Elle dit encore « mon comté », même si elle ne vit pas dans le déni. Elle est consciente de sa défaite et se dit sereine du résultat.

« J’aimais passionnément ce que je faisais, donc c’est sûr que c’est difficile. Du jour au lendemain, tout ce que tu faisais avec passion, avec plaisir, tu ne peux plus le faire. [Mais] je ne suis frustrée contre personne. La démocratie s’est exprimée et je respecte ça au plus haut point », précise-t-elle avec soin.

Un temps d’arrêt

Redevenue simple citoyenne, Véronyque Tremblay prend un temps d’arrêt en famille. Un luxe qu’elle ne s’était pas accordé depuis plusieurs années. « Je n’allais pas non plus en politique pour faire une carrière de 20 ans », affirme-t-elle, sans exclure quoi que ce soit pour l’avenir.

« Je regarde les occasions qui s’offrent à moi. Pour un éventuel retour en politique, vous me posez la question trop tôt. Si l’expérience de la vie m’a démontré qu’il ne faut jamais dire jamais, j’essaie d’être sage et lucide dans ma façon de voir les choses. Les prochaines élections sont dans quatre ans. C’est long. On va regarder d’autres défis », tranche l’ex-ministre, qui prépare ces jours-ci des soupers retrouvailles pour ses anciennes équipes.

À Québec, Mme Tremblay était surnommée la « ministre du troisième lien ». Elle a défendu pendant des mois l’approche du gouvernement Couillard sur cet important projet routier. Un dossier épineux qui fait couler beaucoup d’encre dans la capitale.

« Je n’ai pas l’intention de jouer à la belle-mère. Quand j’étais en poste, j’ai donné un échéancier réaliste. Ça ne me tentait pas de dire n’importe quoi pour acheter des votes », dit-elle dans une rare flèche lancée en direction de ses anciens adversaires.

En entrevue, Véronyque Tremblay manie les émotions et les anecdotes, puis défend le bilan libéral comme si le scrutin avait lieu demain. Ex-journaliste, présentatrice de nouvelles et chroniqueuse, elle ne regrette pas d’avoir traversé de l’autre côté du miroir.

« À partir du moment où j’ai commencé à chroniquer, à donner mon opinion, je trouvais que c’était facile de critiquer. Je me disais : aurais-tu le guts de le faire ? », raconte-t-elle.

Quand elle s’est finalement présentée en 2015 dans Chauveau, certains ont déploré qu’on envoie une femme dans une circonscription perdue d’avance. « Ça m’avait un peu insultée », affirme aujourd’hui Mme Tremblay.

« Autant dans ma vie journalistique que politique, je n’ai jamais senti que le fait d’être une femme m’avait nui. Je pense qu’il faut faire notre place et qu’il faut se faire confiance », dit-elle, remerciant dans la foulée celles qui l’ont précédée et ont ouvert la voie.

Tout va vite

Véronyque Tremblay est une communicatrice hors pair. Certains diront que c’est entre autres pour cette raison que le gouvernement Couillard l’a envoyée aux Transports, un ministère où certains collègues s’étaient cogné le nez.

Ancienne journaliste, elle refuse catégoriquement de « blâmer » les médias sur quoi que ce soit en ce qui concerne la défaite libérale. Pas question ici de se plaindre de fake news. « J’avais l’impression qu’on n’arrivait pas à bien communiquer [notre bilan] », analyse-t-elle.

Il ne faut toutefois que quelques questions pour comprendre qu’elle a aussi trouvé rudes certains épisodes avec la presse parlementaire.

« Lors d’une conférence de presse, avant même que tu fasses l’annonce, d’autres partis ont réagi sur la présumée annonce, alors qu’ils n’ont pas toute l’information. Et quand tu présentes l’annonce, on ne te pose pas de questions sur l’annonce, mais plutôt sur les réactions des autres partis à l’annonce que tu n’avais pas encore faite », souligne l’ex-députée.

Au moment de quitter le restaurant, l’ex-journaliste retrouve ses vieux réflexes. « Qu’as-tu retenu de notre rencontre ? », demande-t-elle, curieuse. Que faut-il retenir, réplique-t-on ?

« J’ai aimé ça, être députée. [Et] je suis fière du travail accompli. »

À LIRE DEMAIN

Amir Khadir

VÉRONYQUE TREMBLAY

44 ans

Elle a été élue pour la première fois aux élections de juin 2015 dans la circonscription de Chauveau, dans la région de Québec, puis défaite le 1er octobre 2018 par le candidat de la Coalition avenir Québec.

Elle a été adjointe parlementaire à la ministre déléguée à la Santé publique, puis ministre déléguée aux Transports.

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