Étude

Les gens pensent que leurs adversaires politiques sont... des idiots

Les gens qui adhèrent aux idées politiques opposées aux nôtres sont-ils mal intentionnés ? Mal informés ? Où alors ont-ils de mauvaises valeurs ? Une analyse réalisée aux États-Unis par l’Université de Caroline du Nord et l’Université McGill montre plutôt qu’on les considère… comme étant des idiots. La Presse en a discuté avec Rachel Hartman, doctorante au département de psychologie et de neuroscience de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill et coauteure de l’article « People See Political Opponents As More Stupid Than Evil », publié dans la revue scientifique Personality and Social Psychology Bulletin.

Avez-vous été surprise par le fait que les gens ne pensent pas que les partisans de l’autre camp sont fondamentalement de mauvaises personnes, ou est-ce une chose à laquelle vous vous attendiez ?

J’ai été un peu surprise, car une grande partie du discours politique semble être ancrée dans les différences de valeurs entre les partisans des différents partis politiques. Mais en même temps, je pense que les résultats sont logiques.

En général, les gens ont tendance à croire que tout le monde est bon, au fond. Je pense que lorsque les gens rencontrent quelqu’un qui n’est pas d’accord avec eux sur des questions importantes, ou qui vote pour des candidats différents, ils sont aux prises avec une dissonance cognitive – d’un côté, les gens sont bons, mais de l’autre, cet adversaire politique fait quelque chose de mal. Un moyen facile de résoudre cette dissonance consiste à considérer l’adversaire comme étant stupide ou victime d’un lavage de cerveau (ou les deux). De cette façon, ce n’est pas vraiment de leur faute s’ils sont antivax, ou pro-choix, ou autre.

D’une certaine manière, votre étude semble donner de l’espoir. Les gens ne pensent pas que l’autre camp est mal intentionné ou encore moins humain qu’eux, mais seulement plus bête. Est-ce la bonne façon de voir les choses ?

C’est une excellente question, et je ne suis pas sûre que ça soit une si bonne chose. D’un côté, je suis d’accord pour dire que ne pas voir ses adversaires comme des êtres mal intentionnés est une bonne chose. D’un autre côté, lorsque nous rejetons l’autre camp comme étant stupide, nous ne reconnaissons pas son action et son authenticité. Considérer que quelqu’un qui n’est pas d’accord avec vous ne le pense pas vraiment, au fond, est avilissant et déshumanisant. Je pense que nous devons faire plus de travail dans ce domaine pour vraiment comprendre ce que ça implique de considérer nos opposants de cette façon.

Selon vous, quelle serait une mesure positive pour atténuer le clivage politique que nous observons au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde ?

Réduire l’animosité politique est un problème difficile, et il n’y a pas de solution facile. Beaucoup de nos institutions et de nos médias sont conçus de manière à favoriser l’animosité entre les partisans de différentes orientations politiques, et changer les mentalités une à une n’est probablement pas envisageable. En tant que psychologue, et compte tenu des conclusions de notre analyse, nous pouvons essayer de modifier notre façon de voir nos adversaires politiques en reconnaissant les valeurs positives qui les poussent à penser, à s’exprimer et à se comporter comme ils le font. Même si les gens font fausse route, ils peuvent toujours agir selon des valeurs qui, elles, sont authentiques. Et même si ces valeurs sont différentes des nôtres, on peut quand même reconnaître qu’elles sont bonnes. Une fois que nous voyons nos adversaires comme des personnes authentiques avec des points de vue sincères, nous pouvons avoir des conversations avec eux et reconnaître la valeur d’avoir des points de vue différents sur des questions importantes.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.