Plein air

Filles « de bicycle » 

Les adeptes féminines de vélo de montagne sont de plus en plus nombreuses à sillonner les 2200 km de sentiers du Québec. Nous sommes allés à la rencontre de quelques filles « de bicycle » qui nous ont parlé de leur amour de ce sport où la boue, l’adrénaline et les descentes vertigineuses font partie du jeu.

Mercredi soir. Au pied des sentiers de randonnée qui bordent l’Abbaye d’Oka, dans les Basses-Laurentides, nous avons rendez-vous avec Marie-Ève, Jacinthe, Marie-Hélène, Joëlle, Valérie, Josée et Caroline. Ces grandes mordues de vélo de montagne sont membres du club des Muddbunnies. Bien équipées de protège-genoux, de casques et de vêtements performants, ces intrépides filles des bois, qui arborent fièrement leurs égratignures, ne rateraient pour rien au monde leur sortie hebdomadaire dans les sentiers d’Oka.

Certaines d’entre elles se sont d’abord initiées à ce sport pour accompagner leur compagnon de vie. D’autres cherchaient un défi physique, un exutoire après une journée de travail devant l’ordi. Toutes aiment l’adrénaline, la camaraderie, le contact avec la nature qu’offre cette activité.

« On recherche aussi le petit côté tomboy. C’est cool de se retrouver couvert de bouette ! Et il y a la fierté d’avoir des scratchs, des bleus sur la peau. Ce sont nos trophées », explique Josée Boudreau, active policière de 50 ans qui a été initiée au vélo de montagne par un ex-amoureux. Ce dernier roule désormais sa bosse dans d’autres sentiers, mais Josée a conservé l’amour du vélo, qu’elle préfère désormais pratiquer en terrain féminin. « Mon ancien chum me disait sans cesse quoi faire. Ça m’énervait. On dirait que quand le commentaire vient d’une fille, ça passe mieux », concède Josée.

« C’est comme un jeu : quand tu arrives sur le sentier, il y a plein de décisions à prendre. Des fois, tu tombes et tu te fais mal ! », évoque Marie-Hélène Bourdonnais, ex-monitrice de ski convertie en nutritionniste du sport, qui a enfourché son premier vélo de montagne à l’époque où elle travaillait dans les Rocheuses.

Toutes deux techniciennes en laboratoire, Joëlle St-Laurent et Marie-Ève Poirier ont commencé à rouler ensemble il y a quatre ans, sur les sentiers d’Oka, de Morin-Heights et de Bromont. 

« Ça m’aide à apprécier l’été. Autrefois, le vélo était juste un moyen de transport pour moi. C’est le fun de pratiquer quelque chose de plus rough. »

— Joëlle St-Laurent

Caroline Chu, instructrice et amatrice de vélo de montagne, a remarqué une nette augmentation des filles sur les sentiers depuis qu’elle a commencé à pratiquer le vélo de montagne, il y a une dizaine d’années. « Je me suis mise au vélo de montagne parce que c’est plus rapide que la randonnée et moins exigeant que la course à pied. Au début, j’étais souvent la seule fille sur les pistes. Mais lors d’un séjour au Vermont, il y a cinq ans, j’ai vu des femmes enseigner des techniques comme le willy. C’est à ce moment que j’ai décidé de fonder ici un chapitre des Muddbunnies, un groupe qui a ses origines dans l’Ouest canadien. »

L’attrait de la montagne

L’étude L’État du vélo au Québec en 2015 (réalisée par Vélo-Québec) rapportait que 45 % des 3,2 millions de cyclistes québécois sont des femmes. Or, les femmes ont mis du temps à rejoindre les rangs des 620 000 adeptes québécois du vélo de montagne, rapporte Martin Trottier, propriétaire de Cycles Tomahawk, une boutique d’Oka qui se spécialise dans ce sport riche en émotions fortes.

« Au début, quand j’ai commencé à rouler, je voyais très rarement des filles sur les pistes, mais depuis quelques années, on en voit pas mal plus. Plusieurs ont commencé à rouler avec leur chum ou leurs amis de gars, mais éventuellement, elles préfèrent se retrouver ensemble. En groupe, elles ne se sentent pas jugées, elles s’encouragent, vont à leur rythme et à chaque sortie, elles accomplissent quelque chose de nouveau. C’est pour ça que des clubs comme les Muddbunnies ou les Poules qui roulent se sont formés. Et il y a souvent des cliniques de mécanique pour femmes », témoigne Martin Trottier, qui évalue à 30 % la clientèle féminine qui fréquente son commerce, maintenant bien fourni en vêtements et vélos faits pour les femmes.

Résultat du soudain engouement des femmes pour le vélo de montagne, plusieurs marques ont récemment lancé des vélos, vêtements et accessoires pour le marché féminin. Des retraites « yoga et vélo de montagne » 100 % féminines et des magazines destinés aux femmes qui pratiquent ce sport (comme le canadien Liv Cycling) voient aussi le jour.

Bien connaître et savoir entretenir son vélo, qui vaut souvent plus de 1000 $, est une qualité essentielle de la cycliste de montagne, témoignent à l’unanimité les Muddbunnies.

Et comment s’occupe une Muddbunnies quand la neige arrive ? « On embarque sur un fatbike », s’enthousiasme Valérie Rochon.

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