Négociations avec les médecins spécialistes

Couillard écarte Barrette

Québec — Le premier ministre Philippe Couillard retire à Gaétan Barrette les négociations avec les médecins spécialistes, non seulement sur leur rémunération, mais aussi sur l’application de ce qu’il est convenu d’appeler les lois 20 et 130. Il les confie à un nouveau comité formé de hauts fonctionnaires.

« Le premier ministre m’a informée qu’il prend désormais notre dossier en main », a annoncé la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Diane Francoeur, lors d’une conférence de presse à Montréal, hier.

Philippe Couillard lui a téléphoné en matinée, juste avant une sortie publique que prévoyait le syndicat.

Mme Francoeur s’apprêtait à annoncer le dépôt d’une poursuite judiciaire contre le gouvernement « pour faire valoir le droit de ses membres à la négociation de leurs conditions de travail, ce que le ministre Gaétan Barrette [leur] refuse depuis un an ».

Ses avocats allaient s’adresser à la Cour supérieure pour faire déclarer inopérantes certaines dispositions de la loi 130. Cette loi impose de nouvelles obligations aux spécialistes pour conserver leurs « privilèges », c’est-à-dire le droit de pratiquer à l’hôpital.

La FMSQ en a également contre l’application de la loi 20. La Presse a révélé lundi que le ministère de la Santé préparait un projet de règlement pour mettre en application les sanctions contre les médecins spécialistes qui n’auront pas respecté toutes les cibles de performance d’ici la date butoir du 31 décembre. Le tiers des spécialistes s’exposaient à des pénalités pouvant représenter jusqu’à 30 % de leur rémunération.

COMITÉ DE NÉGOCIATION

Or, devant la menace de poursuite, Philippe Couillard a décidé que les enjeux entourant l’application des lois 20 et 130 feraient maintenant l’objet de discussions au sein d’un comité de négociation.

Un tel comité avait été formé l’an dernier, lorsque le premier ministre avait décidé de retirer à Gaétan Barrette les négociations sur la rémunération avec les fédérations médicales. Il était formé des négociateurs du Trésor Maurice Charlebois et Édith Lapointe. Sa composition est maintenant modifiée par l’ajout de l’ex-secrétaire général du gouvernement Roberto Iglesias et d’un représentant du ministère de la Santé.

Les pourparlers entre la FMSQ et le gouvernement achoppaient sur la rémunération : le syndicat tenait d’abord à régler les enjeux liés aux lois 20 et 130. Ces enjeux font partie du mandat du nouveau comité de négociation, a confirmé le gouvernement hier. Les parties visent la conclusion d’une entente au plus tard le 15 février.

Gaétan Barrette ne sera pas à la table, mais il agira comme « conseiller », a indiqué le gouvernement. Le ministre a décliné une demande d’entrevue.

DÉMARCHE SUSPENDUE

Pour Diane Francoeur, « il est évident que le premier ministre constate que l’approche de son ministre a mené à un cul-de-sac ».

La décision de M. Couillard a pour effet de « suspendre le processus actuellement en cours dans les établissements dans le cadre de l’application de la loi 130 », a indiqué Mme Francoeur. Et comme l’application de la loi 20 doit être examinée par le comité de négociation, « il n’est nullement question d’imposer quelque pénalité que ce soit aux médecins spécialistes ». La démarche est suspendue. Selon elle, ses membres feront la démonstration que « leurs efforts donnent des résultats probants, bien que l’atteinte de certaines cibles rencontre des obstacles imputables au ministère de la Santé ».

« C’est un désaveu pour Gaétan Barrette qui est tardif, qu’on associe davantage à la chute du PLQ dans les sondages, estime quant à elle Diane Lamarre, porte-parole du Parti québécois en matière de santé. Le ministre tire son parti vers le bas. Le premier ministre aurait dû depuis le début jeter un œil beaucoup plus attentif au-dessus de l’épaule de son ministre. Depuis trois ans, il lui a donné carte blanche, et là, avec les élections qui approchent, il essaie de sauver les apparences. Mais le mal est fait. »

Quelques heures plus tôt, avant une réunion du Conseil des ministres en matinée, Gaétan Barrette se disait disposé à assouplir les règles concernant les cibles de performance que doivent atteindre les médecins spécialistes d’ici le 31 décembre. Il l’avait déjà fait pour les omnipraticiens, ce qui leur avait permis d’éviter des pénalités.

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