Le Canadien

Mats Näslund, le charpentier heureux

Par les temps qui courent, Mats Näslund n’est pas commentateur sur l’équivalent suédois de RDS. Il n’est pas non plus entraîneur ou dépisteur. Il n’a aucune fonction avec l’équipe nationale de Suède non plus. Pour tout dire, il n’est plus vraiment impliqué dans le hockey.

Par les temps qui courent, le dernier joueur du Canadien à avoir marqué plus de 100 points installe des portes à Malmö, en Suède. Et il adore ça.

« D’ici à vendredi, on installe des portes dans un complexe résidentiel, explique Näslund en entrevue avec La Presse. Après, la semaine prochaine, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire. C’est la beauté du métier de charpentier : on ne fait jamais la même chose. C’est toujours différent. »

Il s’agit d’un fait méconnu de la plupart des amateurs du Canadien, mais Näslund a eu trois grandes passions dans la vie : le hockey, sa famille et le métier de charpentier-menuisier. Il exerce d’ailleurs ce métier depuis de nombreuses années.

Cette passion lui a été léguée par son père, qui travaillait aussi dans le domaine de la construction. « Dans la famille, on a toujours été meilleurs pour travailler avec nos mains qu’avec notre tête », lance Le petit Viking.

À la fin des années 70 et au début des années 80, Näslund a joué dans la ligue suédoise de hockey. C’était avant d’arriver avec le Canadien en 1982. À l’époque, jouer au hockey en Suède n’était pas un job à temps plein.

« Dans les années 80, en Suède, il fallait travailler en plus de jouer au hockey. Alors je travaillais comme charpentier de 7 h à 16 h, et j’allais ensuite à l’aréna pour l’entraînement à 17 h. J’étais un vrai athlète amateur, en quelque sorte. »

— Mats Näslund

Âgé de 19 ans, employé d’une grande entreprise, il bâtissait alors de grands immeubles, des hôtels ou des appartements. Puis le CH l’a repêché en 1979 et il a déménagé à Montréal trois ans plus tard.

Il est alors devenu le hockeyeur que l’on sait. On lui a donné le surnom de petit Viking. Il était le premier Scandinave à jouer avec le Canadien. Il mesurait 5 pi 7 po. Mario Tremblay avait alors déclaré à la blague : « Voici notre nouveau joueur. Un Suédois. L’autre moitié doit arriver la semaine prochaine... »

À sa quatrième saison avec l’équipe, il marquait 110 points. Il est le dernier joueur tricolore à avoir franchi la barre des 100 points. Il a gagné la Coupe Stanley en 1986, l’or olympique en 1994, l’or aux Championnats du monde de hockey en 1991.

Imaginez si « l’autre moitié » était arrivée…

Mais pendant toutes ces années avec le Canadien et l’équipe nationale suédoise, Näslund savait une chose que peu savaient : le jour où il raccrocherait ses patins, il reprendrait le marteau.

« Je pense que j’ai toujours eu l’impression que je retournerais au travail manuel après le hockey. Même quand j’étais avec le Canadien, l’été je travaillais sur mon chalet en Suède et sur ma maison de Kirkland. J’ai toujours aimé travailler avec mes mains », explique Näslund, aujourd’hui âgé de 56 ans.

« ÉCŒURÉ DU HOCKEY »

Après ses années avec la sainte Flanelle, Näslund est retourné jouer en Europe. Il a notamment passé trois saisons avec le club de Malmö, une ville située non loin de Copenhague, à la frontière avec le Danemark.

Il a raccroché ses patins en 1995 et s’est établi pour de bon à Malmö. Il a d’abord fait du dépistage en Scandinavie pour le Canadien et il dirigeait en même temps le club junior local.

Il aurait aimé jouer au hockey jusqu’à 60 ans. Mais la vie d’entraîneur ou de dépisteur ne l’intéressait pas. « Autant j’ai adoré le hockey, autant là, j’en étais pas mal écœuré. Il y a autre chose que le hockey dans la vie. J’ai eu la chance d’avoir une éducation et un métier. Je pense que c’est important d’avoir un plan B quand on est tanné du sport. Ça ne sert à rien de continuer à faire un truc qu’on n’aime plus comme avant. »

Il a alors décidé de revenir à sa première passion. Il a commencé à travailler pour une petite entreprise de charpenterie-menuiserie.

« Je ne suis pas le patron, je ne suis qu’un employé ! Je n’ai aucune responsabilité. Quand je dépose mon marteau à la fin de la journée, je n’ai plus de pression, de stress, j’ai fini ma journée », raconte-t-il. 

« C’est une toute petite entreprise, nous ne sommes que quatre. Je suis redevenu charpentier. Je vis loin du monde du hockey et c’est mon choix. »

— Mats Näslund

Quand on lui demande de quoi il est le plus fier, Näslund ne cite pas sa carrière. Il répond plutôt que sa plus grande fierté est sa famille, sa femme Eva, ses trois enfants et trois petits-enfants.

« Je suis marié depuis plus de 30 ans. On a une famille tissée serré. Les enfants vivent près de notre maison. Je vois mes petits-enfants pas mal tous les jours. »

Mats Näslund rechaussera les patins – et enfilera le chandail tricolore – le 31 décembre prochain dans le cadre de la Classique hivernale des anciens. Il va affronter les anciens des Bruins.

Si vous le croisez, vous pourrez lui demander s’il est heureux de la vie qu’il a menée. On le lui a demandé. Le charpentier n’a pas hésité : « Je n’ai aucun regret ! »

Mats Näslund en trois anecdotes

Le petit Viking

« Je ne me souviens plus qui a inventé l’expression “Le petit Viking”. Mais je me souviens que l’équipe avait fait prendre des photos de moi avec un casque cornu. Elle avait mis la photo sur les programmes du Canadien. Personne ne m’appelait Le petit Viking, à part Serge Savard. Il m’appelait comme ça tout le temps ! »

Le numéro 26

Si Martin St-Louis a décidé de porter le numéro 26 sur la glace, c’était pour imiter son héros. Näslund a été pour lui un modèle. Si ce petit joueur pouvait réussir dans la LNH, St-Louis s’est dit que lui aussi pourrait un jour. « Il m’a donné de l’espoir », a déjà dit St-Louis.

Sa plus grande fierté

Quelle a été la plus grande fierté de Näslund, qui a remporté l’or olympique pour la Suède et la Coupe Stanley en 1986 avec le Canadien ? « Je suis très fier de ma carrière. J’ai gagné trois championnats en Suède, j’ai gagné la Coupe Stanley, j’ai gagné les Championnats du monde et les Jeux olympiques. Plus je vieillis, plus je deviens fier de ce que j’ai accompli. Quand on joue, on n’a pas le temps de le réaliser. Quand on arrête, on le réalise. Ma plus grande fierté, c’est ma famille, mes enfants et mes petits-enfants. Mais ce dont je suis le plus fier sur la patinoire, c’est la Coupe Stanley de 1986. C’est ma plus grande réussite. »

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