Opinion

L’économie numérique doit se démocratiser

En une décennie, la révolution numérique a transformé la manière dont nous consommons, communiquons et collaborons. Déjà, plus de 83 % des emplois au Canada exigent l’usage quotidien d’un ordinateur. Quels outils donnons-nous aux travailleurs canadiens pour les aider à négocier ce virage numérique ?

De toute évidence, cet enjeu est au cœur des préoccupations du gouvernement du Canada : l’un des cinq thèmes qu’il a choisis pour faire avancer ses priorités intérieures et internationales en cette année 2018 où il assume la présidence du G7 est « Se préparer aux emplois de l’avenir ».

Comme la littératie numérique est de plus en plus nécessaire dans les emplois de tous les niveaux de compétence, les membres les plus désavantagés de notre société seront les plus durement touchés. L’an dernier, le gouvernement du Québec a créé le Conseil consultatif sur l’économie et l’innovation (CCEI) afin d’examiner comment rendre cette transformation numérique universellement inclusive. Son rapport contient des recommandations très sensées qui devraient être appliquées dans l’ensemble du Canada – et qui mettent l’enseignement supérieur au premier plan.

Améliorer les capacités de lecture et d’écriture

D’abord, nous devons renforcer la littératie fonctionnelle des travailleurs les plus vulnérables à l’automatisation et à l’évolution technologique. 

Au total, 49 % des adultes canadiens ne possèdent pas de compétences en littératie de niveau 3, lesquelles sont considérées comme essentielles par l’OCDE pour occuper un emploi dans une économie développée. 

Près des deux tiers des travailleurs du secteur manufacturier du Québec ne possèdent que des compétences de niveau 2 ou moins. Pour ces personnes, acquérir de nouvelles aptitudes professionnelles est difficile.

La première recommandation du CCEI consiste à adapter un ensemble d’outils multimédias interactifs qui facilitent l’amélioration des compétences en lecture et en écriture, en numératie et en résolution de problèmes. Conçus à l’Université Concordia, ces outils produisent déjà d’excellents résultats dans des écoles de Montréal. Ils ont également été mis en œuvre au Kenya, ce qui a valu à leurs auteurs le Prix d’alphabétisation UNESCO-Roi Sejong en 2017.

L’adaptation de ces outils aux besoins des adultes et leur adoption à grande échelle dans tout le Québec établiront un précédent mondial en éducation du public et à bien d’autres égards.

Pour un travailleur du Québec, l’atteinte de compétences en littératie de niveau 3 augmente son revenu de carrière de plus de 200 000 $. Par ailleurs, les études établissent un lien entre le renforcement de la littératie et une amélioration de la participation communautaire, de la santé, des conditions de logement et du niveau d’éducation. Or, ces bienfaits se répercutent sur plusieurs générations.

Stages

Nous devons également resserrer les liens entre l’industrie et le milieu de l’enseignement. Le CCEI recommande un régime de stages de 12 à 18 mois géré par nos cégeps. Ce type de programme études-travail plus court aidera les employeurs à combler leurs besoins en main-d’œuvre plus rapidement. 

Ces programmes courts avec stages rémunérés favoriseront en outre la participation chez les employés à risque qui peinent déjà à joindre les deux bouts de même que chez les bénéficiaires de l’aide sociale. 

D’ailleurs, ces personnes pourraient devoir mettre à niveau leurs compétences plus d’une fois, la révolution technologique étant un phénomène graduel qui ressemble davantage aux changements climatiques qu’à un tsunami.

Souplesse

En janvier, le gouvernement du Canada a annoncé le programme CanCode, qui favorisera l’acquisition de compétences de base en programmation informatique chez près d’un million d’élèves du primaire, du secondaire et du cégep. Bien sûr, la programmation commence déjà à être automatisée. Mais pour que les jeunes comprennent comment les nouvelles technologies peuvent servir à résoudre des problèmes concrets, ils devront posséder les connaissances qui, au XXIe siècle, équivalent au fait de savoir comment fonctionne une calculatrice.

Dans les universités, nous devons former des citoyens expérimentés et polyvalents. Diversifier les exigences des programmes d’études est une des façons d’y arriver. Nous concevons aussi des programmes axés sur le renforcement des « 4 C » – capacité d’analyse critique, communication claire, collaboration et concentration, des compétences de plus en plus recherchées par les employeurs à mesure que le changement s’accélère.

Programmes études-travail

Peu importe ce qu’enseignent les universités, de nombreux employeurs perçoivent encore l’expérience en milieu de travail comme la meilleure garantie qu’un candidat possède les compétences recherchées par les gestionnaires. Ainsi, outre les stages offerts au cégep, l’industrie doit faire équipe avec les universités pour faciliter l’acquisition de cette expérience professionnelle qu’elle apprécie tant chez les diplômés.

Les employeurs qui offrent des stages rémunérés peuvent aider les étudiants de tous âges et horizons à se tracer un chemin plus clair vers leur avenir professionnel. Ces occasions sont en outre essentielles à la rétention des immigrants et des étudiants étrangers de talent qu’attirent nos universités. Or, étant donné le vieillissement de notre population, le Canada a besoin de ces personnes autant qu’elles ont besoin du Canada.

Aujourd’hui, les plus fortunés d’entre nous tiennent dans la paume de leur main des technologies profondément transformatrices. Mais si nous tendons la main à nos concitoyens les moins bien outillés pour l’économie numérique, un avenir plus prospère s’ouvre à nous tous.

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