OPINION

Adaptons la planification urbaine à l’urgence climatique

La scène médiatique s’est récemment faite l’écho du manque de réalisme de notre planification urbaine face à la menace climatique.

La semaine dernière, l’éditorialiste Paul Journet soulignait l’absence d’une vision d’ensemble susceptible d’amener le Québec à atteindre ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Quelques jours après, un texte de Pierre-Olivier Pineau rappelait que le meilleur investissement, tant pour s’adapter aux conséquences des changements climatiques que pour réduire les émissions, serait « un meilleur aménagement du territoire ».

Cette analyse figure presque mot pour mot dans le plan d’action gouvernemental sur les changements climatiques 2013-2020. Elle sert également de fondement à plusieurs documents de planification urbaine depuis 15 ans, preuve que les décideurs et les professionnels en aménagement et en urbanisme sont largement conscients de leur responsabilité en la matière.

De fait, les conséquences de la forme urbaine sur les émissions – particulièrement en transport, la part du lion du bilan québécois – sont bien connues. De multiples études ont clairement établi que les milieux qui ont le meilleur bilan carbone sont notamment caractérisés par une forte densité, la présence d’activités diversifiées et une bonne desserte de transports en commun. Une récente étude de Vivre en Ville a par ailleurs montré à quel point les pôles d’emploi et de commerces issus de l’éparpillement urbain sont dévastateurs pour le bilan carbone en transport.

Pourtant, force est de constater que nous sommes bien loin d’opérer le virage nécessaire dans la conception et la construction de nos milieux de vie. En matière de planification urbaine, nous agissons la plupart du temps comme si les changements climatiques étaient un mythe. Nous continuons de bâtir des bureaux et des commerces autour d’échangeurs autoroutiers, de nous étaler toujours plus loin sur les milieux naturels et les terres agricoles, de construire des quartiers sans transports en commun.

Il faut sortir une fois pour toutes des ornières qui nous maintiennent dans ces pratiques héritées d’une autre époque. Villes, ordres supérieurs de gouvernement, entreprises, nous devons tous, ensemble, adapter la planification urbaine à l’urgence climatique.

Avant tout, il faut savoir où on va. L’atteinte de nos cibles ambitieuses (- 20 % en 2020, - 37,5 % en 2030, de - 80 % à - 95 % en 2050) dépend des décisions que nous prenons maintenant dans notre façon de construire nos villes et nos quartiers. L’évaluation du bilan carbone doit donc faire partie intégrante de chaque outil de planification, de chaque projet de développement, et nous permettre de faire nos choix en toute connaissance de cause.

Pour prendre l’exemple de la région métropolitaine, l’accueil des 75 000 ménages attendus dans les couronnes de la métropole représenterait, chaque année, 200 000 tonnes de gaz à effet de serre de plus que leur installation dans l’île de Montréal. Il y a là matière à réfléchir à un meilleur partage de la croissance ! À l’inverse, la concentration des emplois au centre-ville permet de diviser par deux le bilan carbone des déplacements domicile-travail : voici un argument contre la dispersion des pôles d’emploi. La nécessité de baisser de façon draconienne nos émissions plaide aussi en faveur d’investissements massifs dans des réseaux structurants de transport collectif.

Le Québec a devant lui une chance à saisir : mettre à profit la croissance démographique des 15 prochaines années pour consolider le tissu urbain existant et ainsi rentabiliser les infrastructures, alléger le bilan carbone et soutenir une amélioration de la qualité de vie au quotidien.

Manquer cette occasion, c’est échouer à coup sûr à tenir nos engagements dans la lutte contre les changements climatiques. C’est aussi rater l’occasion de mieux construire nos villes, nos quartiers, nos rues et nos bâtiments, au profit de l’ensemble de la société.

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