Une sonde pour comprendre le cœur de Mars

Passionnés d’espace, retenez votre souffle. Vers 15 h aujourd’hui, la sonde InSight de la NASA tentera de se poser sur Mars, une opération toujours extrêmement délicate. Si la manœuvre réussit, l’engin pourra sonder l’intérieur de la planète rouge pour la toute première fois, ce qui nous aiderait à mieux comprendre notre voisine… mais aussi notre propre Terre. Autopsie d’une mission à haut risque.

sept minutes de terreur

Après six mois et demi de voyage et des dépenses qui dépassent le milliard de dollars canadiens, la sonde InSight de la NASA tentera aujourd’hui de se poser sur Mars. Robert Lamontagne, astrophysicien à l’Université de Montréal, y va d’une prédiction. « Il y a quelques ingénieurs au sol qui vont vieillir prématurément ! », lance-t-il à la blague. C’est qu’au fil des décennies, à peine 40 % des engins envoyés vers Mars ont pu remplir leur mission. Le principal problème est que l’atmosphère de la planète rouge est si mince (à peine 1 % de celle de la Terre) que la friction qui peut ralentir les sondes lorsqu’elles foncent vers Mars est minimale. Plusieurs d’entre elles, au lieu de se poser, se sont ainsi fracassées sur la planète rouge. La NASA, en fait, est la seule agence à avoir réussi à poser des engins sur Mars. Les autres, dont l’Agence spatiale européenne, ont toujours mordu la poussière, pulvérisant des années de travail et de petites fortunes en quelques minutes. « Il y a une raison pour laquelle les ingénieurs parlent d’un atterrissage sur Mars comme de sept minutes de terreur », dit Rob Grover, responsable de l’atterrissage de la sonde au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, cité dans un communiqué de presse.

Et comme il faut plusieurs minutes pour envoyer des signaux vers Mars, il est impossible de contrôler la délicate opération en temps réel. « On pèse sur le bouton, et voilà. On espère que ça marche », résume Robert Lamontagne.

Prendre le pouls de la planète rouge

Si tout va bien, InSight se posera dans une plaine appelée Elysium Planitia et surnommée par la NASA « le plus gros stationnement de Mars ». La sonde n’y bougera plus et déploiera ses instruments de travail. Sa mission : prendre les signes vitaux de Mars. Comme un médecin qui plaque un stéthoscope sur la poitrine d’un patient, InSight déploiera un sismographe contre le sol pour mesurer l’activité sismique de la planète. Elle prendra aussi sa température pour savoir la quantité de chaleur qui s’en échappe et effectuera des « radiographies ». En échangeant des signaux radio avec la Terre, InSight pourra en effet déterminer sa propre position avec exactitude. Cela lui permettra de mesurer les oscillations de Mars autour de son axe de rotation, ce qui donnera des indices sur la composition de son noyau. La NASA utilise l’analogie d’un œuf qu’on fait tourner sur lui-même : en regardant son comportement, on peut déduire s’il est cuit dur (noyau solide) ou cru (noyau liquide).

Comprendre la Terre

Pourquoi s’intéresser à ce qui se cache sous la surface de Mars ? D’abord, évidemment, pour mieux connaître notre voisine. Mais aussi parce que les scientifiques veulent comprendre pourquoi la planète rouge et la Terre, qui se sont formées en même temps, sont aujourd’hui si différentes. « La science, quel que soit le domaine scientifique, fonctionne par comparaisons. On compare les choses entre elles pour extraire les points communs et les différences et ainsi comprendre », rappelle Robert Lamontagne, de l’Université de Montréal. Savoir ce que renferme Mars permettra notamment de savoir comment étaient distribués les différents éléments dans la nébuleuse protosolaire, ce nuage de gaz à partir duquel le système solaire a été créé. Bref, les découvertes d’InSight permettront de remonter dans le temps et de revivre la formation des planètes rocheuses comme la Terre et Mars.

Nouveaux canaux de communication

La mission InSight permettra aussi de tester une nouvelle façon de communiquer de Mars à la Terre. Deux petits satellites, appelés Mars Cube One (ou MarCO pour les intimes), ont fait le voyage aux côtés de la sonde principale. Chacun a l’allure et la taille d’une mallette de travail dotée de panneaux solaires. Équipés d’antennes radio, ces petits vaisseaux devraient relayer les informations d’InSight et ainsi permettre aux ingénieurs de la NASA de savoir en quelques minutes si la sonde s’est posée avec succès. Sans eux, il aurait fallu attendre un alignement complexe entre la sonde, un satellite de Mars et la Terre pour obtenir les nouvelles tant attendues, ce qui aurait pu prendre jusqu’à plusieurs heures.

Dénomination

InSight est un acronyme qui signifie Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport, qu’on pourrait traduire par « Exploration interne utilisant les investigations sismiques, la géodésie et le transport de chaleur ».

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