À ma manière

Techno, devoirs et bouffe santé

Pendant cinq ans, le petit fournisseur en technologies de l’information QuadBridge avait avancé à pas de tortue arthritique. Puis, tout bonnement, ses dirigeants ont décidé d’écraser l’accélérateur. Avec d’étonnantes initiatives…

PJ Emam a une manière bien à lui d’inculquer les valeurs de son entreprise à ses nouveaux employés : il leur donne des devoirs.

Dans un tiroir de son bureau, il pêche quelques pensums récents.

Sur le premier feuillet manuscrit, les mots « Believe me » sont inscrits 50 fois. Sur un autre, c’est l’expression « I’m on it » qui est répétée.

Il part d’un grand rire, pour s’amender aussitôt : « Je prends ça très au sérieux. »

L’objectif est de susciter les bonnes attitudes plutôt que de punir les mauvaises.

PJ Emam est le PDG de QuadBridge, une petite firme qui offre aux moyennes et grandes entreprises de leur fournir l’équipement, les programmes, l’organisation et la mise en place de leurs technologies de l’information.

Dans la section ensoleillée de son service des ventes, des ceintures de champions de boxe sont déposées sur le coin de certains bureaux. Elles récompensent périodiquement les vendeurs les plus productifs.

Ça semble un peu élémentaire ?

« Ça marche tellement bien, les gens adorent ça ! »

Les surprenantes méthodes de PJ Emam ne doivent pas être si mauvaises.

QuadBridge employait deux ou trois personnes quand il en a pris la tête, en 2013. Trois ans plus tard, elle en compte 52. Son chiffre d’affaires a atteint 37,8 millions de dollars en 2015 – 12 millions de plus qu’en 2014, et 12 millions de moins que les prévisions pour 2016.

SŒUR ET MENTOR

Né à Chiraz, en Iran, PJ Emam – tout le monde l’appelle PJ et il ne se présente pas autrement – était jeune adolescent quand il est arrivé au Canada avec sa mère, au début des années 90.

Il n’a jamais terminé le cours qu’il avait commencé au collège Seneca de Toronto. « Je suis un college dropout », lance-t-il avec ce rire sonore qui fuse à tout propos. L’homme de 38 ans en a gardé l’uniforme : casquette, chandail kangourou, jeans, baskets…

« Mon inspiration, ç’a été ma sœur. C’est une personne qui a été très présente dans ma vie, qui m’a donné beaucoup de courage. »

— PJ Emam, PDG de QuadBridge

Ingénieure en programmation, sa sœur aînée avait fondé une entreprise d’informatique où il a travaillé, habitant un an chez elle avant de suivre sa propre voie.

UN LENT DÉPART

Cette voie a abouti à QuadBridge, fondée en 2007 par Ryan Peters, Anouk Ledru et PJ Emam.

Ils avaient observé le besoin d’un service efficace, rapide et sur mesure pour la fourniture d’équipement et de programmes pour les technologies de l’information.

Pendant les cinq premières années, les progrès de l’entreprise ont été lents.

PJ Emam était resté en périphérie, mais Ryan Peters l’a convaincu en 2013 de faire davantage sentir sa présence – de prendre en fait la direction de l’entreprise, afin de la faire profiter de son dynamisme. La question s’est alors posée. « Qu’est-ce qu’on veut faire ? Des petites choses ou viser haut ? On a décidé : on fonce. »

Ils ont visé d’emblée le marché américain – ce qui explique que les devoirs soient rédigés en anglais. « On a engagé et on a commencé à développer notre propre façon d’être, notre propre façon de voir les choses. »

Pour lancer la machine, ils ont obtenu un prêt de la BDC en 2014. « C’est la seule organisation qui nous a aidés. On a toujours grandi de façon organique. »

MISER SUR LA JEUNESSE

De l’extérieur, il est difficile de saisir ce qui fait le succès de l’entreprise.

« On est jeunes, on est dynamiques, on est prêts à changer. Ça nous a aidés beaucoup. »

— PJ Emam

L’agilité, la proximité du terrain, le court délai entre la décision et l’action trouvent un écho auprès des moyennes, grandes (et lourdes) entreprises.

Rapide et agile ? Il y a à peine deux mois, QuadBridge a décidé d’organiser une conférence technologique. Elle se tient du 31 mai au 2 juin prochains. « Presque 150 clients du nord de l’Amérique vont être présents. »

L’évènement leur permet de se rencontrer, d’échanger, de partager leurs meilleures pratiques. Car le soutien entre entrepreneurs est une vertu qu’apprécie et promeut PJ Emam.

QuadBridge en a elle-même beaucoup profité. « Quand tu pars de rien et que tu travailles fort, tout le monde t’encourage », observe-t-il.

Il donne aussitôt un exemple.

« Vous savez combien on paie ici ? C’est incroyable. »

Ils s’étaient installés en 2013 dans un premier local de 1300 pi2. « Le propriétaire m’avait dit : entre ici, et je serai toujours en arrière de toi. Je l’ai aidé à trouver trois ou quatre autres locataires. »

Quand il a fallu s’agrandir, le même propriétaire lui a fait un prix d’ami pour un local de 14 000 pi2 dans un autre édifice, près du canal de Lachine.

« Avec toutes les rénovations ! Tout le monde nous aide. Je ne sais pas pourquoi. »

SUIVRE SON INSTINCT

Son discours enthousiaste et sans fil conducteur apparent illustre une autre facette de la philosophie de l’entreprise : « On suit beaucoup notre instinct. »

La visite de ses locaux en fait l’éloquente démonstration.

À l’entrée du bureau, une grande salle est réservée à un baby-foot et une table de ping-pong, où deux joueurs s’activent. Les frustrations du quotidien sont évacuées à coups de raquette sur une innocente petite balle blanche.

Un gymnase bien équipé d’une variété d’instruments de torture occupe une autre vaste salle. La lumineuse cafétéria de l’entreprise est dirigée par le chef Niko Karagiannakis, qui prépare matin et midi des repas santé pour les employés. 

Répétons-le : l’entreprise compte une cinquantaine d’employés, pas 500.

PJ Emam ne prend pas le mérite de l’initiative : elle a jailli des saines convictions de son associé Ryan Peters.

L’intuition a payé. Depuis ces aménagements, l’automne dernier, la productivité a bondi.

Devant le succès de leur cafétéria et l’intérêt qu’elle suscite chez les visiteurs, nos entrepreneurs lanceront dans deux semaines un service de traiteur qu’ils appellent Simple Meals, pour aider les entreprises à « améliorer leur productivité avec de la bonne bouffe ».

Ils ont l’intuition que ça va marcher.

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