Chronique

La loi des cochons !

Oubliez le ton badin de L’auberge du chien noir. Ses auteurs, Sylvie Lussier et Pierre Poirier, mordent dans un genre complètement différent avec leur nouveau téléroman policier 5rang, qui incorpore une mort atroce en territoire agricole, des magouilles pas nettes et des liens familiaux tordus.

Cette étonnante série de Radio-Canada démarre le mardi 8 janvier, à 21 h, dans l’ancienne case horaire de Mémoires vives. Les deux premiers épisodes, que j’ai trouvés un peu raides, renferment beaucoup de cris, de crises et de larmes. Normal, direz-vous. L’héroïne Marie-Luce Goulet (excellente Maude Guérin) a découvert le corps de son mari Guy (Bobby Beshro) à moitié dévoré par des cochons ou des coyotes, l’autopsie le confirmera. La tête du cadavre manque toujours à l’appel, par contre.

Évidemment, l’immense famille de Marie-Luce encaisse durement le coup, particulièrement sa fille Kim (Catherine Brunet) et son neveu Simon (Simon Pigeon). Comme cet horrible drame se déroule à Valmont, un petit village fictif de la Montérégie, les ragots voyagent plus rapidement qu’un tracteur John Deere sur la route principale.

Mais comment et pourquoi Guy est-il mort ? La liste des suspects comprend plusieurs noms. Car Guy buvait tout le temps, trompait sa femme et trempait dans le commerce illégal. Cette énigme occupera les 10 premiers épisodes de 5e rang, dont l’action se déploie à partir de la ferme familiale porcine exploitée par Marie-Luce.

Plus le récit progresse, à coups de retours en arrière et de confessions, plus le téléspectateur découvre les liens qui unissaient le fameux Guy aux autres personnages. C’est vraiment intrigant et ça donne le goût de voir la suite.

Il y a énormément de personnages dans 5e rang. Ce téléroman ambitieux, dont le réalisateur Francis Leclerc signe la très belle facture visuelle, mettra quelques semaines avant d’atteindre son plein potentiel, le temps de bien camper chacun des protagonistes.

Par exemple, Marie-Luce a quatre sœurs : la rebelle Marie-Jeanne (Catherine Renaud), la snob Marie-Louise (Martine Francke), la prof Marie-Christine (Julie Beauchemin) et l’artiste bohème Marie-Paule (Ève Duranceau). Ajoutez maintenant leurs familles, les employés de la ferme, les amis, le voisin louche (François Papineau), le flic de Valmont (Maxim Gaudette), le garagiste (Luc Senay), la propriétaire du restaurant (Geneviève Brouillette), point de rassemblement de tous les gens du coin, et vous obtenez une distribution extra imposante.

Au troisième épisode, 5e rang atteint son rythme de croisière. En même temps, c’est difficile d’évaluer le potentiel d’une série qui s’échelonnera sur plusieurs années.

Le côté comique de 5e rang provient d’un couple de commères, campé par Roger La Rue et Michel Laperrière, qui vit pratiquement au resto de Valmont, son poste d’observation favori.

Il y a un truc qui m’a agacé dans l’émission : le détachement avec lequel certains personnages parlent des morceaux du cadavre de Guy. Untel a trouvé un bout du bras ici, un autre s’est enfui avec la tête. Ah, il faudrait peut-être déplacer le corps de mon papa, tu t’en occupes ? Ça ne cadre pas avec l’esprit du téléroman.

Au troisième épisode, on entend même une femme hurler : « Je veux voir la tête de mon père » ! Ça sonne plus comme Les Soprano, mettons.

Honnêtement, je ne pensais pas du tout aimer 5e rang. Une patente agricole écrite par les créateurs de L’auberge du chien noir ? Non, merci. J’ai du repassage à faire.

Puis, j’ai été aspiré par l’histoire touffue. Les scénaristes ont planté de bons revirements à chacune des heures, qui nous incitent à revenir la semaine suivante. Visuellement, c’est superbe et vous ne verrez aucun décor en carton. Nous sommes dans la ruralité moderne. Pensez à un croisement entre Providence et Le clan.

Un des personnages les plus mystérieux du récit s’appelle Réginald (Maxime de Cotret) et vit en ermite dans le bois, au carrefour des activités douteuses.

Et ne ratez pas le clin d’œil à 4 et demi, des mêmes auteurs que 5e rang, qui vous décrochera un sourire au premier épisode. Indice : clinique vétérinaire Dufour.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.