Éditorial : États-Unis

Merci, M. Obama…

On attendait le dernier discours du président Obama, cette semaine. On a plutôt eu droit au tout premier discours du citoyen Obama.

Mais c’est dans l’ordre des choses, à bien y penser. Car n’est-ce pas Barack Obama lui-même qui a brillé ces huit dernières années, plus que le chef d’État ou le commandant en chef qu’il incarnait ? N’est-ce pas de l’homme dont on s’ennuiera, plus encore que du président qu’il était ?

Le véritable bilan des mandats qui s’achèvent sera écrit par les historiens.

On saura alors s’il se classe parmi les grands présidents, si la déception que certains formulent ces jours-ci vient d’attentes démesurées ou d’un nombre véritablement plus élevé d’échecs que de réussites.

Reste que c’est le départ d’un homme d’exception, plus encore que d’un président exceptionnel, qui suscite la tristesse. Un homme qui avait promis une « nouvelle ère de responsabilité » dont l’intégrité n’a été entachée par aucun scandale. Un homme à qui l’on avait décerné le prix Nobel avant même qu’il prenne ses aises à la Maison-Blanche, preuve de l’espoir qu’il a justement su incarner, au-delà de sa fonction, de ses décisions, de ses actions.

C’est cet homme, ce père, cet époux qui s’est exprimé mardi dernier en livrant un discours qui marquera l’histoire, non pour sa grandiloquence, mais pour son éloquence, sa dignité, son respect. À l’image de l’homme dont on se souviendra.

Au-delà du président aux prises avec un Congrès impitoyable, celui qui restera ainsi en mémoire, c’est le premier homme noir à être entré à la Maison-Blanche par la grande porte.

C’est le citoyen aux deux pieds sur terre qui n’a pas eu besoin de jouer au populiste pour se révéler proche du peuple et de tous ces Américains qu’il nommait lors de chacun de ses discours.

C’est le père de famille exemplaire qui, aux côtés de son inspirante femme Michelle Obama, considérait le souper familial « sacré », qui n’a pas raté une seule rencontre parents-professeurs, qui limitait ses voyages à Camp David pour ne pas s’éloigner de ses filles trop souvent.

C’est le tribun extraordinaire qui a rappelé l’existence de l’art oratoire, le vulgarisateur qui a toujours trouvé les mots justes, l’écrivain qui a élevé la qualité du discours politique au point de nous faire croire à nouveau que « tout ce qui peut se formuler peut se produire », comme l’a joliment écrit l’auteur Richard Ford.

Au-delà de la « ligne rouge » et  de Guantanamo, celui dont on gardera le souvenir, c’est le rêveur qui a ramené l’espoir à l’ère du cynisme et du désengagement civique. C’est l’organisateur communautaire qui a suscité un enthousiasme renouvelé pour l’implication politique. C’est l’humaniste qui a fait une priorité du dialogue, de la compassion et de la lutte contre les inégalités.

Ce n’est donc pas si surprenant que le discours livré cette semaine n’ait pas autant porté sur le bilan du président que sur l’état mal-en-point de la démocratie américaine. Comme un bon père de famille, Barack Obama a livré ses mises en garde sans l’ombre d’une amertume, il a offert quelques judicieux conseils à méditer, il a dénoncé les sources du mal qui rongent l’Amérique – de l’intolérance à l’isolation idéologique – plutôt que de s’en prendre à son symptôme, Donald Trump, celui-là même qui est résolu à détruire tout ce qu’il a accompli.

« Chaque jour, a-t-il lancé à ses concitoyens, j’ai appris de vous. Vous avez fait de moi un meilleur président, vous avez fait de moi un homme meilleur. »

Chaque jour par son exemple, Barack Obama aura profité de ses talents et de ses qualités pour rendre la société un tout petit peu meilleure.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.