Jacqueline Desmarais 1928-2018

Engagée pour la santé

Diplômée de l’Université d’Ottawa en soins infirmiers, Jacqueline Desmarais s’est engagée tout au long de sa vie à améliorer les soins de santé et soutenir la recherche médicale. Portrait d’une femme proche des gens qui n’a jamais perdu de vue les valeurs humanistes de sa formation. 

Jacqueline Desmarais 1928-2018

Ils ont dit…

« Une femme remarquable qui inspirait énormément de gens. Sa mort est une lourde perte pour le Québec et le Canada, mais je suis heureuse de voir qu’elle laisse derrière elle un patrimoine philanthropique exceptionnel. »

— Josée Noiseux, présidente et directrice générale de la Fondation de l’Institut de cardiologie de Montréal

« Je suis contente que le pavillon soit à son nom. Mme Desmarais était une personne moins visible, mais elle a pourtant fait beaucoup pour la société québécoise. De par son engagement philanthropique, elle a été d’une grande influence qui s’est perpétuée auprès de ses enfants. Son nom, à l’instar des neuf fondatrices de Sainte-Justine, dont Justine Lacoste-Beaubien et Irma Levasseur faisaient partie, se retrouve maintenant sur les murs de cette grande institution québécoise. »

— Maud Cohen, présidente et directrice générale de la Fondation CHU Sainte-Justine

« C’est une des grandes dames de l’histoire du Québec et du Canada. Une dame d’une générosité sans borne, mais surtout d’une humilité et d’une grande sensibilité. Elle avait cette capacité de vous faire sentir à l’aise tout de suite, peu importe votre standing social. »

— Pierre Boivin, président et chef de la direction de Claridge et ancien président du conseil de la Fondation CHU Sainte-Justine

« Les Desmarais avaient des moyens puissants pour aider. Mais ce que j’en retiens est qu’avec eux, on soumettait toujours un dossier très avancé. Et quand ce dossier était bien ficelé, ils faisaient, avec leur engagement, la différence. »

— Le Dr Jean-Luc Dupuis, médecin de la famille et pionnier de la fondation de l’hôpital de La Malbaie

« Montréal perd une femme formidable. Pour moi, la famille Desmarais est un des grands symboles de notre ville. De mon point de vue, aucune autre famille, à Montréal, n’a participé aussi activement à la vie économique et philanthropique de notre ville. Et Mme Desmarais jouait un rôle pivot dans cette action philanthropique de la famille. »

— Michael Fortier, vice-président du conseil à RBC Marché des capitaux et président du conseil de la Fondation CHU Sainte-Justine

— Propos recueillis par André Duchesne, La Presse

Jacqueline Desmarais 1928-2018

« Elle était proche des gens »

Le lundi 17 octobre 2016, Jacqueline Desmarais inaugure le pavillon portant son nom au Bâtiment des unités spécialisées du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. Trois semaines plus tard, le 7 novembre, elle y revient, cette fois avec ses amies, pour leur montrer qu’en matière médicale, le Québec n’a rien à envier à personne.

« Ce fut un moment extraordinaire, raconte Maud Cohen, présidente et directrice générale de la Fondation CHU Sainte-Justine. Elle était fière, ultra pimpante. Elle avait le torse bombé en disant à ses amies : regardez, nous sommes capables, ici aussi, d’avoir des bâtiments hospitaliers impressionnants. »

« Elle nous a présenté plusieurs de ses amies avec qui elle partageait une partie de son temps, se souvient le Dr Fabrice Brunet, président et directeur général du CHUM et du CHU Sainte-Justine. Elle nous a tout de suite inscrits dans son cercle amical et familial. Elle était généreuse et inspirante. Elle irradiait le bonheur et l’amour. »

Que ce soit à Sainte-Justine ou dans d’autres institutions de santé que la famille Desmarais et elle ont appuyées, Jacqueline Desmarais a laissé partout la même impression. Celle d’une femme dont chaque engagement dépassait le simple versement d’un don en argent. Elle qui avait étudié et travaillé à titre d’infirmière s’intéressait beaucoup aux questions de soins de santé. Et elle a perpétué ce désir d’engagement auprès de ses enfants, de sa famille et de ses amis.

« Au moment de l’inauguration du pavillon portant son nom, j’ai fait la visite avec elle », indique Michael Fortier, président du conseil d’administration de la Fondation CHU Sainte-Justine.

« Elle posait beaucoup de questions aux médecins, aux infirmières. Elle a vu aussi des patients, des parents. Elle comprenait très bien comment les engagements [financiers] de la famille avaient été déployés dans l’hôpital et voulait parler avec les différents spécialistes rattachés aux départements concernés. »

— Michael Fortier, président du conseil d’administration de la Fondation CHU Sainte-Justine

Toutes les personnes interviewées pour cet article nous ont signalé qu’au moment de cette inauguration, la santé de Mme Desmarais n’était pas au mieux. Mais qu’à cela ne tienne, elle a tenu à offrir une présence de tous les instants.

« Elle a fait une visite d’une bonne heure, se souvient Maud Cohen. Par la suite, il y a eu l’événement officiel en présence des membres de sa famille et de plusieurs personnalités. Et elle est restée très longtemps après l’événement. Elle était sympathique et dynamique, pleine d’énergie. Elle était proche des gens, on sentait qu’elle les aimait. J’ai été impressionnée. »

Le CHU Sainte-Justine

L’engagement de la famille Desmarais, avec à sa tête Paul (1927-2013) et Jacqueline fut de première importance dans les deux dernières campagnes de financement du CHU Sainte-Justine.

Ces deux campagnes, Grandir en santé (2002-2007) et Plus mieux guérir (2012-2018) ont permis à l’institution, à la fois hôpital mère-enfants et centre d’enseignement et de recherche, de se renouveler de fond en comble.

La campagne Grandir en santé (objectif de 125 millions de dollars atteint) avait pour but de construire un nouveau Bâtiment des unités spécialisées (BUS) et un nouveau centre de recherche. Alors que la campagne Plus mieux guérir (255 millions récoltés/objectif initial de 150 millions) avait pour but d’apporter les ressources matérielles et humaines nécessaires au fonctionnement.

La famille Desmarais et Power Corporation ont été le fer de lance de ces deux campagnes, non seulement en raison de leurs dons qui ont atteint près de 13,5 millions de dollars, mais aussi parce qu’ils ont été actifs auprès d’autres grands donateurs.

À ce chapitre, il est important de comprendre que la communauté devait d’abord montrer son engagement envers le projet avant que le gouvernement s’engage. Or, le total des 380 millions amassés dans les deux collectes de fonds en a fait la preuve.

La famille Desmarais et la famille Coutu (PJC) ont donné chacune 7 millions de dollars pour la construction du BUS et du centre de recherche. Par la suite, pour la campagne Plus mieux guérir, l’engagement des Desmarais et de Power Corporation a dépassé les 6 millions de dollars (les Coutu sont aussi très présents), dont une bonne partie a été consacrée aux recherches génomiques.

Comme le BUS compte deux pavillons, l’un d’eux porte le nom de « Famille Coutu » et l’autre de « Jacqueline Desmarais ». C’est par une décision familiale que le nom de Mme Desmarais a été donné au pavillon.

« Elle l’a accepté avec beaucoup d’humilité et de gentillesse. Je pense que cela lui a fait très plaisir. »

— Le Dr Fabrice Brunet

« C’était pour reconnaître tout ce qu’elle avait fait dans le domaine de la santé, ainsi que sa grande âme de mère, de grand-mère et de femme proche de la cause des enfants, indique Pierre Boivin qui a été président de la Fondation CHU Sainte-Justine avant Michael Fortier. Et, quelque part, l’attribution de son nom au pavillon était un petit clin d’œil au fait qu’elle a été infirmière en début de carrière. »

Jacqueline Desmarais 1928-2018

De La Malbaie à l’Institut de cardiologie

À La Malbaie, on se souviendra longtemps de l’année 1998 alors que Mme Desmarais célébrait ses 70 ans.

Pour son anniversaire, elle a demandé à ses proches d’amasser des dons pour doter l’hôpital local d’équipements technologiques modernes dans l’unité coronarienne. Cette année là, le 22 décembre, un don de 400 000 $, dont la moitié venait de la famille Desmarais, était remis à la fondation de l’hôpital.

« J’ai tout ce qu’une femme puisse désirer et il y a quelques années que je cherchais à faire quelque chose pour les gens de Charlevoix qui savent si bien nous accueillir », disait-elle dans un article publié le lendemain dans le quotidien Le Soleil.

Rappelons que la famille passe une partie de l’année dans Charlevoix depuis le milieu des années 60. Son domaine de Sagard a été aménagé à la fin des années 80.

« J’ai été président et fondateur du Musée de Charlevoix et président de la fondation de l’hôpital durant huit ans et la famille m’a appuyé dès le début des années 80, indique le Dr Jean-Luc Dupuis qui a été le médecin de M. et Mme Desmarais et les a accompagnés jusqu’à leur dernier souffle. M. Paul G. a été le premier donateur à la fondation de l’hôpital et notre association s’est poursuivie durant 30 ans. »

La durée de l’engagement a été aussi longue avec l’Institut de cardiologie de Montréal auquel les Desmarais sont associés depuis les années 80.

« Le volet le plus important fut la création du centre de recherche Famille Desmarais en 2014, rappelle Josée Noiseux, présidente et directrice générale de la fondation de cette institution. C’est un des centres de recherche les plus importants au monde. Il permet à l’Institut de se situer parmi les leaders mondiaux dans la recherche et le traitement des maladies cardiovasculaires. »

D’un témoignage à l’autre, tous affirment que le décès de la philanthrope constitue une grande perte. Mais on se dit du même coup convaincu que la famille perpétuera ce don d’engagement dans la communauté qui animait Jacqueline Desmarais.

Jacqueline Desmarais 1928-2018

La Maison Jacqueline, un phare pour les femmes en détresse

Rue Wolfe, entre la rue Sainte-Catherine et le boulevard René-Lévesque, une maison d’une vingtaine de lits accueille des femmes en état d’itinérance. Dans la détresse. C’est la Maison Jacqueline, l’un des trois lieux d’accueil de La rue des Femmes, organisme social, parmi bien d’autres, que soutient la famille Desmarais, nommée ainsi en l’honneur de la grande mécène qui s’est éteinte samedi.

« Les femmes aimaient la remercier, lui envoyer des cartes et elle répondait toujours », raconte Léonie Couture, fondatrice de l’organisme qui vient en aide aux femmes sans logis, à la dérive, prisonnières de traumatismes, en état d’immense précarité.

L’amitié avec la famille Desmarais a commencé en 2011, raconte Mme Couture. L’organisme voulait alors construire un troisième lieu d’hébergement et avait besoin de soutien financier. La famille Velan, qui appuyait déjà La rue depuis ses débuts, a proposé d’aller voir du côté des fondateurs de Power Corporation. Les démarches ont porté leurs fruits. « On avait déjà la Maison Olga, du nom d’Olga Velan. On a décidé d’appeler la nouvelle Maison Jacqueline », explique Mme Couture.

En 2015, à l’inauguration, Jacqueline Desmarais était présente pour souligner que l’organisme pouvait ainsi augmenter d’environ 30 % sa capacité d’accueil. Par la suite, après une autre campagne de financement, Mme Desmarais a invité les donateurs et l’équipe de l’organisme chez elle pour une soirée. « Elle était toujours désireuse d’en connaître davantage sur ce qu’on faisait, dit Mme Couture de l’ancienne infirmière devenue mécène. On a souvent été en lien. » L’été dernier, Mme Desmarais leur a envoyé une dernière missive de remerciement.

Que fait La rue des Femmes ? 

L’organisme accueille les femmes en état d’itinérance – dans les trois maisons, il y a en tout 57 lits et 10 places d’urgence – et les aide à se rebâtir une vie normale, grâce à des soins directs – un lit, de la nourriture, de la compagnie –, des services et des activités.

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