psychologie

le stress comme allié

Le stress, souvent perçu comme toxique, a bien mauvaise presse. On en a peur, on cherche à l’éviter. D’ailleurs, les cours de yoga ou de méditation ne cessent de jouir d’une grande popularité. Et si nous faisions fausse route ? Car selon les expertes interrogées, le stress peut être un puissant allié.

« Dans l’imaginaire collectif, on a l’impression que le stress est nécessairement négatif alors que le stress, c’est nécessaire à la survie. Il n’y a pas de vie sans stress. Le stress a aussi un côté très utile et indispensable aux accomplissements humains », affirme la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Christine Grou. Si vous cherchez à ne jamais être stressé, c’est mission impossible. Ce qui est une bonne nouvelle !

Les études l’ont démontré, le stress favorise la performance et la mémoire, en plus d’augmenter la vigilance et l’attention, rappelle la directrice du Centre d’études sur le stress humain, Sonia Lupien, professeure titulaire au département de psychiatrie de l’Université de Montréal.

Jusqu’à un certain point, le stress a un effet positif. Et ce point de résistance est différent d’une personne à l’autre. « Il y a autant d’effets positifs que négatifs, il y a une courbe en U inversée entre le stress et la performance. Mais on oublie d’en parler parce que c’est moins sexy que de parler des effets négatifs », déplore-t-elle.

Or, le stress est un puissant mobilisateur d’énergie. « Dans nos sociétés modernes, le stress nous permet d’être capables de performer dans un examen, dans une entrevue, d’accomplir une performance sportive, de nous dépasser. De faire des choses qui nous procurent énormément de gratification et beaucoup de plaisir. Le stress, c’est aussi ce qui fait qu’on est capable de courir pour attraper un bus ou de performer dans une présentation orale devant des collègues ou à l’école », souligne Christine Grou.

Au lieu d’avoir peur du stress, mieux vaut donc le comprendre pour l’apprivoiser, le gérer et l’utiliser afin d’en faire un puissant allié. « Le stress qui est mauvais pour la santé, c’est celui dont on n’est jamais capable de se débarrasser. Celui sur lequel on n’a pas de contrôle », poursuit Mme Grou.

Par contre, si vous avez bien travaillé en état de stress toute la journée, mais que vous arrivez à vous détendre une fois à la maison, c’est que vous vivez du bon stress. « Une fois que le stress est fini, on devrait éprouver de l’apaisement », souligne-t-elle. C’est là que le yoga, le jogging ou d’autres moyens de détente peuvent être utiles.

La faute des médias et des chercheurs

Alors pourquoi connaît-on peu les effets positifs du stress ? La faute revient aux médias et aux chercheurs, estime Sonia Lupien.

« Nous avons contribué à instaurer chez la population cette espèce de notion que le stress est toujours négatif. Les médias, parce que c’est le négatif qui vend. Le cerveau est un détecteur de menace, donc chaque fois qu’il voit une menace, c’est ce qui attire son attention. Les journaux ont compris ça depuis longtemps. »

— Sonia Lupien

« Et nous, chercheurs, parce que je pense que c’est plus payant pour une carrière scientifique d’étudier du négatif que du positif. Quand on étudie du positif, on est toujours un peu quétaine en sciences », explique la colorée experte en stress.

Selon des recherches, plus on a une mauvaise préconception du stress, plus nos hormones de stress ont tendance à être élevées, souligne Sonia Lupien. Bonne nouvelle : changer cette préconception ne serait pas trop difficile.

« Les chercheurs ont pris des gens qui avaient des conceptions négatives du stress, et pendant une semaine, ils leur ont montré des films et des vidéos démontrant les effets positifs du stress. Et ils ont réussi à diminuer leurs hormones de stress », relate Sonia Lupien.

Bien sûr, de nombreux facteurs jouent sur ces hormones, comme le manque de sommeil ou une situation précaire. Il reste que notre façon de voir le stress est un aspect que l’on peut assez facilement modifier. Par exemple, pour toutes les fois que l’on parle des côtés négatifs du stress, on devrait parler de ses côtés positifs, suggère Mme Lupien.

Quand le stress devient-il un ennemi ?

À la base, le stress n’est pas un ennemi. Lorsqu’il le devient, il faut être capable de l’affronter.

Stress chronique

« Ce qui pose problème, c’est quand le stress devient chronique », avance Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. On a besoin de deux forces en alternance : une période de stress suivie d’une période de repos. Or, « quand on est toujours stressé, ou trop stressé, qu’on n’a pas assez de moments de détente, qu’on est dans une situation où on n’a pas de contrôle, comme une maladie d’un proche ou un diagnostic de cancer, c’est là où ça peut devenir problématique », explique-t-elle. 

Disproportion

Le stress peut se transformer en ennemi « quand il y a une disproportion entre l’état de stress dans lequel on se trouve et la situation réelle », explique Christine Grou. Dans une situation stressante, elle indique que nous pouvons souvent relativiser les choses en nous disant par exemple que notre vie n’en dépend pas, « parce que notre cerveau ne fait pas toujours la différence ».

Peur et évitement

« Si vous voulez nourrir une anxiété, nourrissez-la avec de l’évitement et vous allez mourir anxieux, c’est certain ! », lance Sonia Lupien. Comme le stress nous fait peur, on a tendance à éviter de se mettre dans des situations qui peuvent être stressantes, que ce soit des exposés oraux, des compétitions sportives ou autres. « Le stress ne s’apprivoise pas de cette façon-là », ajoute Christine Grou. Et surtout, il faudrait apprendre à ne pas en avoir peur, et ce, dès l’enfance.

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