Opinion

L’Europe et la Catalogne

Nombreux sont ceux qui, depuis le début de la crise, reprochent à l’Union européenne de ne pas avoir offert sa médiation et de ne pas être intervenue pour défendre la tenue du référendum catalan ni pour dénoncer les violences de la Garde civile espagnole. Formuler de tels reproches, c’est comprendre bien peu de choses à l’Europe ou alors partager les rêves éveillés des indépendantistes catalans.

L’Union européenne est née d’une réaction au nationalisme, perçu comme étant à l’origine des guerres qui, en un siècle, ont embrasé trois fois le continent. Depuis toujours, elle invite ses États-membres au dépassement des égoïsmes nationaux, parfois avec un succès tout relatif, il est vrai ! 

Les indépendantistes catalans se disent de grands Européens, mais ils s’inscrivent dans une démarche qui est à l’opposé des objectifs de l’Union européenne qui, comme son nom l’indique, cherche à unir et non à diviser.

Comment imaginer qu’une Europe difficilement gérable à 27 pays serait plus agile à 35 ou à 40 ? Pour justifier leur quête d’indépendance, ils invoquent souvent leur refus de financer plus longtemps les régions pauvres d’Espagne. Il est difficile de comprendre comment une Catalogne qui ne veut pas payer pour les Espagnols aujourd’hui payerait demain pour les Grecs. La solidarité est elle aussi au cœur du projet européen.

L’Europe, pour autant, ignore-t-elle les identités régionales et les instances subnationales ? Des financements directs existent et un dialogue permanent est entretenu avec les élus locaux au sein d’un comité des régions qui existent depuis 1994. La Bavière a une représentation permanente à Bruxelles qui pourrait faire l’envie de bien des pays souverains et la Catalogne n’est pas en reste.

Prétendre que l’Europe, en soutenant Madrid, soutient les ennemis de la démocratie et abandonne un peuple qui a démocratiquement fait le choix de sa liberté, c’est sombrer dans la caricature. L’Espagne est et reste un État de droit et Rajoy, si rigide soit-il, n’est pas Franco. En faisant des comparaisons oiseuses, on frôle l’insulte aux vraies victimes du vrai fascisme. Quant à la décision de tenir un référendum, elle a été prise dans des conditions qui ne respectent pas les règles du propre Parlement catalan puisqu’elle a été prise à la majorité simple et non à la majorité qualifiée. Les conditions dans lesquelles ce référendum s’est déroulé, quant à elles, laissent perplexes. Jamais observateurs électoraux n’auraient validé les résultats. 

Les mesures de sabotage prises par Madrid et les violences de la Garde civile espagnole n’exonèrent pas les leaders politiques catalans de leurs responsabilités dans toutes ces dérives. 

Affirmer, comme ils le font, que l’appui de 40 % des Catalans rend légitime une déclaration unilatérale d’indépendance, c’est tromper son monde.

Prétendre enfin que l’Europe piétine le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est faire peu de cas d’un autre principe essentiel de l’ordre international, celui du respect de l’intégrité territoriale des États. Les Européens ont imposé des sanctions économiques à la Russie depuis des années parce qu’elle avait, en annexant la Crimée, violé l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ce n’est pas pour banaliser aujourd’hui une atteinte à l’intégrité territoriale de l’Espagne.

Si aujourd’hui les confrontations avec Madrid et l’amertume à l’égard de Bruxelles et des grandes capitales européennes semblent occuper beaucoup de place, demain c’est entre Catalans que tout se jouera. C’est au sein même de la société catalane que les failles se creuseront. C’est entre eux qu’ils se battront. Souhaitons que ce ne soit qu’à coup de bulletins de vote.

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