L’insignifiance de nos vies
Yasmina Reza
Flammarion
219 pages
3 étoiles et demie
On aime Yasmina Reza pour le regard impitoyable qu’elle pose sur ses semblables. Que ce soit dans ses pièces de théâtre () ou dans ses livres (), l’écrivaine fait preuve d’un sens de l’observation quasi radiographique.
Dans le magazine , l’écrivain Jean-Paul Enthoven, visiblement un admirateur, parle de « rézisme » pour décrire l’approche employée par l’écrivaine, qui a un talent fou pour décrire les petits travers, les tics et les manies des gens qui l’entourent.
Dans , que la presse française présente comme son premier « vrai » roman, Yasmina Reza délaisse les « bobos » et les candidats à la présidence et s’intéresse cette fois à des gens sans histoire.
Dans la petite ville de Deuil L’Alouette (on imagine une banlieue grise de Paris), Élisabeth, la narratrice, organise une soirée à laquelle sont conviés des collègues de travail, des amis ainsi que le couple voisin invité par politesse parce qu’elle souhaite leur emprunter quelques chaises.
La soirée se déroule plutôt bien, mais la nuit qui suit sera le théâtre d’un drame dans lequel Élisabeth sera entraînée.
L’histoire est cousue de fil blanc, mais ce n’est pas l’intrigue qui est réjouissante que l’écriture de Yasmina Reza.
Une écriture vive et nerveuse qui se lit d’un souffle, comme les idées qui se bousculent dans le désordre quand notre esprit vagabonde.
Aucun détail n’échappe à l’écrivaine : la narratrice âgée de 60 ans qui utilise des crèmes anti-âge recommandées par Gwyneth Paltrow, la mauvaise teinture d’une voisine, les vêtements trop serrés d’une amie, la façon dont le frère du conjoint drague les femmes, dont le conjoint dort en ronflant… En filigrane, des thèmes plus sérieux comme l’héritage familial, le temps qui passe, les enfants qui quittent le nid, l’insignifiance de nos vies.
On dit qu’au cours des derniers mois, Yasmina Reza a hanté les cours de justice françaises et assisté à plusieurs grands procès. L’écrivaine s’est entretenue avec des avocats, a observé et pris quelques notes. On retrouve des traces de ses observations dans ce roman qui raconte un fait divers aux accents de vaudeville. On sort la femme du théâtre, mais pas le théâtre de la femme.