Opinion

Médecins, investissons ensemble dans notre réseau

En apprenant récemment que les membres de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) recevraient des sommes importantes de plusieurs millions de dollars afin de bonifier les salaires, j’ai eu un grand malaise. 

Était-ce le moment particulièrement mal choisi alors que nos collègues infirmières lancent un cri du cœur à travers toute la province, l’odeur à peine camouflée de cadeau préélectoral ou encore l’une des justifications offertes que ce sont les surplus générés à même l’austérité et les coupes à blanc dans notre réseau (qui ne s’en est d’ailleurs pas encore remis) qui le permettent ? Probablement les trois à la fois. 

Au-delà du malaise, j’ai ressenti un profond découragement face au fait qu’on ne remette pas en question la nécessité d’une telle augmentation. À ce qu’en dit le gouvernement, on parle d’ententes déjà conclues il y a plusieurs années, mais peut-être aurait-on pu les revisiter à la lumière de la situation actuelle ? Peut-être aurait-on pu réfléchir à comment cet argent serait le plus « payant » ?

À défaut que notre gouvernement ait lui-même réfléchi à la question, je crois qu’il est de la responsabilité de la FMSQ de le faire. On ne sait pas encore comment ces sommes substantielles seront distribuées, mais pourquoi ne pas les investir dans le réseau plutôt que dans notre rémunération ? Dans une province où la fiscalité nous a habitués à « investir » 50 % de notre salaire dans la collectivité, il m’apparaît assurément plus simple de conserver cet argent pour le réinvestir que de nous demander de vider nos poches une fois remplies.

À l’instar des médecins qui donnent à la fondation de leur hôpital, la FMSQ pourrait utiliser ce montant afin de créer un fonds voué à l’amélioration du réseau. 

Dans ses grandes lignes, j’imagine que le fonds pourrait servir à financer des projets visant l’amélioration des pratiques, la pertinence, l’efficience ou encore la qualité des soins. Professionnels de la santé, gestionnaires, chercheurs, organismes communautaires pourraient y présenter une demande et ainsi bénéficier de subventions pour mettre de l’avant des projets innovants pour lesquels la recherche de financement est souvent difficile.

Les conditions seraient évidemment à définir, mais un aspect essentiel pourrait être l’imputabilité des récipiendaires. Ainsi, les projets devraient se soumettre à un processus d’évaluation afin de déterminer s’ils atteignent les objectifs voulus et, si les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous, générer une réflexion puis un ajustement conséquent. Avec une telle rigueur, cela nous éviterait de poursuivre inutilement une démarche infructueuse, de répéter les mêmes erreurs, ou, au contraire, de pérenniser et de généraliser les initiatives porteuses de succès. 

Au-delà d’assurer une source de financement supplémentaire et indépendante que les établissements du réseau ne peuvent souvent pas garantir, cela permettrait de minimiser, voire d’éliminer, certains enjeux politiques liés au financement.

Être des leaders

Comme médecins, nous avons à jouer un rôle de leader dans le réseau de la santé, et cela ne s’applique pas seulement entre les murs des hôpitaux et des cliniques. Nous voulons le bien-être de nos patients, mais aussi de nos équipes, de nos collectivités et de notre société. Nous croyons en notre système de santé, sans en nier les défauts, et c’est notre devoir de chercher à l’améliorer. 

La FMSQ nous représente et pourrait agir concrètement en mettant de l’avant ces valeurs. À nous d’utiliser à bon escient le privilège qui nous est donné et investissons ensemble dans notre réseau.

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