Voile

Vers le port du casque obligatoire ?

Pour réduire le risque de blessures à la tête, l’École de voile de Lachine propose cet été aux enfants de porter un casque protecteur. Les bômes – ces pièces de gréement qui permettent de maintenir et d’orienter les voiles – de certains petits dériveurs ont aussi été protégées par un rembourrage. Après le vélo et le ski, la voile sera-t-elle le prochain sport à ne pas faire sans casque ?

Coup de bôme

L’été dernier, Olavo De Macedo Collins a reçu un coup de bôme à la tête, lors du camp de l’École de voile de Lachine. « Un jour où il ventait assez fort, on a fait un mauvais empannage [manœuvre qui consiste à virer de bord, vent arrière], explique l’adolescent, aujourd’hui âgé de 15 ans. Je n’ai pas baissé la tête. La bôme est arrivée très vite et m’a frappé. Je voyais des étoiles. Je suis allé me coucher. » Les parents d’Olavo l’ont emmené à l’hôpital Sainte-Justine. Diagnostic : commotion cérébrale. « J’ai attendu quelques semaines avant de refaire de la voile, précise-t-il. Je n’ai pas eu d’autres symptômes ensuite. » Selon Sainte-Justine, « 98 % des gens ayant subi un traumatisme cranio-cérébral léger ne gardent aucune séquelle de l’accident ».

Casque recommandé

Heureusement, la commotion cérébrale d’Olavo a été la seule signalée à l’École de voile de Lachine en 2016. « Il y a eu d’autres blessures, dont des coups à la tête bénins et des égratignures, indique Gabrielle Bouffard, instructrice de voile. On a sondé les parents et plusieurs ont mentionné le port du casque comme solution. Cette année, on recommande donc le port d’un casque de type nautique, plutôt que de vélo. » Ce n’est pas la seule mesure mise en place. Les bômes de certains dériveurs destinés aux enfants de 5 à 9 ans ont été recouvertes. « Tous nos instructeurs ont une formation de premiers soins, dans laquelle il est question de commotion cérébrale (reconnaître les symptômes, traitement, etc.) », souligne Catherine Goulet-Paradis, chef de base de l’École de voile de Lachine.

pas une protection contre les commotions

« Porter un casque et mettre un revêtement protecteur sur les bômes, ce sont d’excellentes mesures pour éviter des blessures qui peuvent être graves, comme une fracture du crâne. Mais ça ne prévient pas les commotions cérébrales, nuance Dave Ellemberg, professeur à l’Université de Montréal et auteur de l’ouvrage Les commotions cérébrales dans le sport, paru aux éditions Québec-Livres. Une commotion cérébrale se produit lorsqu’il y a un mouvement rapide de la tête, faisant en sorte que le cerveau, qui baigne dans un liquide, va aller rebondir contre les parois de la boîte crânienne. »

Même des athlètes portant un casque, comme les joueurs de hockey ou de football, subissent des commotions cérébrales. « Plusieurs études ont été faites sur différents types de casques et on voit qu’aucun ne prévient les commotions cérébrales, indique M. Ellemberg. Il faudrait porter un scaphandre ! » L’École de voile de Lachine le sait. « Nous sommes conscients que cela n’évitera pas les commotions, mais c’est une précaution », fait valoir Mme Goulet-Paradis.

Avis de la Fédération

À la Fédération de voile du Québec, « on ne recommande pas le port obligatoire du casque pour tous », indique la directrice générale Natalie Matthon. Notamment « parce qu’il n’y a pas, en ce moment, de casques faits spécifiquement pour la voile », précise-t-elle. Vérification faite, les casques de nautisme vendus chez MEC sont conçus pour le canot, le kayak ou le surf à pagaie. « À mesure qu’il va y avoir de la demande, l’industrie du casque va être incitée à en développer un pour la voile, estime Mme Matthon. Quand on regarde le ski et le vélo, on se dit que ça arrivera sûrement à la voile. »

L’Association canadienne de voile en Optimist (un petit voilier utilisé par les enfants) a étudié – et rejeté – une proposition visant à rendre le port du casque obligatoire, en août dernier. L’Association encourage néanmoins son usage pour les enfants ayant déjà subi une blessure à la tête et pour les débutants, lors de grands vents. Quant au comité de médecine du sport de US Sailing, l’association de voile américaine, il recommande le port du casque lors de compétitions extrêmes, pour les postes d’équipage à risque accru de coups à la tête et pour les débutants.

Autres mesures

Pour assurer la sécurité des marins en herbe, d’autres mesures sont proposées par la Fédération de voile du Québec. « Selon la force du vent, l’âge et l’habileté des jeunes, les instructeurs peuvent choisir de sortir ou de ne pas sortir sur l’eau, gréer le bateau pour que la bôme soit plus haute, etc. énumère Mme Matthon. Sur un Optimist, on peut réduire la voilure pour que le bateau réagisse moins. Avant tout, il faut apprendre aux enfants à avoir des comportements sécuritaires, à se pencher dans le bateau, etc. » Elle ajoute que les accidents qui affectent la tête sont rares en voile, mais qu’il faut toujours chercher à en diminuer le nombre. À Lachine, un bilan sera fait en fin de saison, afin de faire des recommandations pour l’an prochain.

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