Danse  Le Patin Libre

Rebelles sur glace

Pionnière dans son genre, la compagnie Le Patin Libre transforme l’aréna Saint-Louis en théâtre éphémère le temps des 14 représentations de Threshold (Seuil), sa nouvelle création. Applaudis en Europe, mais méconnus ici, les cinq enfants terribles du patin ont invité La Presse à une de leurs répétitions.

Alexandre Hamel a tourné le dos au patinage artistique il y a 13 ans en créant Le Patin Libre, sa propre compagnie de danse contemporaine sur patins. Évoluant sur la glace depuis l’âge de 6 ans, il réalise un jour, en montant sur la glace des Championnats canadiens, qu’il ne se sent plus à sa place dans le circuit des compétitions et du divertissement sur glace à la Disney on Ice.

« Je me souviens d’être tout seul sur la glace, dans mon suit à paillettes. La musique part et, pour la première fois, ça ne me tente pas », se souvient Alexandre Hamel.

Si son amour du patinage, des sauts et de la vitesse demeure intact, le jeune homme originaire de Boucherville découvre pendant ses études en cinéma qu’il est possible de performer autrement.

« J’allais patiner la nuit sur les patinoires de parcs, car c’était interdit de danser dans les arénas de Montréal. J’ai parlé avec d’autres gars dans mon genre, un peu frustrés d’avoir passé leur vie dans un costume à paillettes. Au début, on patinait sur du AC/DC et on faisait des backflips. C’était une forme de rébellion qu’on n’avait pas vécue à l’adolescence », se souvient Alexandre Hamel.

Des danseurs trouvés sur l’internet

Le patineur commence alors à mieux définir sa manière de bouger et de s’exprimer sur la glace, jusqu’à en arriver à un style unique de danse contemporaine sur patins.

Alors que ses complices des débuts poursuivent leur route vers d’autres horizons, Alexandre Hamel est rejoint, deux ans plus tard, par Pascale Jodoin, codirectrice du Patin Libre. Ensemble, ils dénicheront d’autres artistes pour les rejoindre sur la glace.

« Samory Ba patinait sur des bateaux de croisière. Il cherchait sur l’internet d’autres avenues et il a écrit à Alex. Même chose pour Taylor Dilley, qui vient de Vancouver », précise Pascale Jodoin.

« Sans internet et YouTube, ce projet ne pourrait exister ! »

— Alexandre Hamel 

« Quant à Jasmin Boivin, il a été engagé comme technicien. On s’est rendu compte qu’il était violoncelliste classique et qu’il créait de la musique électronique. Il a créé nos trames sonores et s’est mis à patiner. Il a développé un style en patin de hockey et il a embarqué sur la glace avec nous il y a six ans », ajoute-t-il.

Prophètes en Europe

En 2013, la compagnie tombe dans l’œil du mythique théâtre Sadler’s Wells de Londres, qui lui offre une résidence de trois mois pour créer Vertical Influences, son premier spectacle qui a reçu un succès critique considérable.

« Sadler’s Wells nous proposait d’engager n’importe quel chorégraphe. Mais on ne voulait pas faire un pastiche de danse contemporaine sur glace. On voulait développer notre style nous-mêmes », précise Alexandre Hamel.

Pour Threshold (Seuil), son second spectacle, Le Patin Libre a toutefois décidé de collaborer avec la chorégraphe Anne Plamondon. « On se sentait assez bien pour collaborer avec elle et approfondir le geste », note le fondateur de la compagnie, qui a également fait appel à Ruth Little, dramaturge d’Akram Khan.

« Après une période d’expérimentation, Ruth a fait une sorte de psychanalyse de nos mouvements. L’idée du seuil est ressortie et on a raffiné les gestes », dit Pascale Jodoin.

La création de Threshold (Seuil) aura ainsi duré près de quatre ans et se sera déroulée à travers des résidences à l’international.

« La mainmise des fédérations sportives sur les patinoires municipales ne nous permet pas de créer à Montréal. On a profité de nos passages en France, à Berlin et à Londres pour le faire. La dernière résidence s’est faite en Outaouais. On surfe d’une glace à l’autre. »

— Alexandre Hamel

Présenté en première mondiale à Montréal le temps de 14 représentations, Threshold (Seuil) partira ensuite en tournée à Londres, à Paris et aux États-Unis. Le spectacle de 50 minutes comprend un entracte afin que les spectateurs, assis sur des chaises placées des deux côtés de la patinoire, à même la glace, puissent se réchauffer. Bottes d’hiver, manteau et mitaines sont de rigueur pour apprécier pleinement l’expérience !

Le Patin Libre n’a pas fini de faire parler de lui. Alexandre Hamel et ses complices accueilleront prochainement 12 nouveaux patineurs des quatre coins du monde pour leur nouvelle création.

À l’aréna Saint-Louis jusqu’au 22 avril, dans le cadre de Danse Danse

Entre les spectacles de Danse Danse, Le Patin libre présente une série d’évènements ouverts à tous, La Patinoire libre.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.