HOCKEY  ENTREVUE AVEC RON FRANCIS

Le défi de la reconstruction

Ron Francis a un défi de taille sur les bras avec « ses » Hurricanes de la Caroline.

Cette ancienne gloire de la LNH devenue gestionnaire pouffe d’ailleurs de rire au bout du fil quand son interlocuteur lui en fait la remarque.

« Je savais qu’il y avait beaucoup de travail à faire quand j’ai accepté le poste », répond le DG des Hurricanes.

Ron Francis a succédé à Jim Rutherford en avril 2014 avec un club dont la dernière participation aux séries remonte à 2009.

Francis a en outre hérité d’une organisation pauvre en espoirs de premier plan, mais riche en joueurs grassement payés.

Il a habilement amorcé la période de rajeunissement du club le printemps dernier en cédant Andrej Sekera, Jiri Tlusty, Tim Gleason et Jay Harrison à des clubs plus compétitifs.

Il a obtenu en retour de Sekera le jeune défenseur offensif Roland McKeown, un choix de deuxième tour des Kings de Los Angeles qui a 16 points en autant de matchs à Kingston dans les rangs juniors. Les Kings lui ont en outre cédé un choix de premier tour en 2016. Francis a amassé des choix de troisième, quatrième, cinquième et sixième tours pour les autres.

LE MODÈLE DES RED WINGS

« Il faut bâtir solidement, du bas vers le haut », affirme le cinquième compteur de l’histoire de la LNH avec 1798 points.

« L’important consiste à bien repêcher et faire progresser nos jeunes, et surtout ne pas paniquer. Nous voulons gagner, mais sans prendre de raccourcis. Nous gardons une vision à long terme et serons fidèles à notre plan. »

— Ron Francis

Ron Francis a joué pour les Whalers de Hartford, les Penguins de Pittsburgh, les Hurricanes de la Caroline et, brièvement, les Maple Leafs de Toronto. Il privilégie pourtant le modèle des Red Wings de Detroit.

« J’aime leur façon de faire. J’ai d’ailleurs joué avec Ken Holland à l’époque (vérification faite, Holland jouait pour le club-école des Whalers, mais ils n’ont jamais joué de matchs du calendrier ensemble). Les Red Wings ont toujours bien repêché et ils font bien progresser leurs jeunes. Chicago récemment a fait du bon travail. Ils ont gagné la Coupe et ils ont dû larguer des pièces importantes, mais des jeunes pouvaient prendre la relève. C’est ce que nous voulons faire. »

Avant les matchs de ce week-end, les Hurricanes avaient une fiche intéressante de cinq victoires contre sept revers malgré le manque de profondeur à toutes les positions.

DES JEUNES PROMETTEURS

« La clef, pour moi, est d’éviter la panique, ne pas prendre de décisions impulsivement. Nous avons perdu James Wisniewski après 47 secondes lors du premier match alors qu’il devait jouer dans notre top 4. Devons-nous céder des espoirs ou des choix pour obtenir du renfort ? Heureusement, nos jeunes font bien. Justin Faulk a 23 ans, Ryan Murphy a 22 ans, Brett Pesce a 20 ans et Noah Hanifin a 18 ans. Quatre de nos six défenseurs ont moins de 24 ans, ce qui n’est pas la norme dans la LNH. »

L’attaque n’est pas beaucoup plus expérimentée. « Jeff Skinner a 23 ans, Victor Rask a 22 ans, Brock McGinn a 21 ans, Elias Lindholm a 20 ans. Nous comptons neuf joueurs de 23 ans ou moins dans la formation. »

La relance des Hurricanes passe par Faulk et Hanifin, deux des défenseurs les plus prometteurs du hockey.

Le jeune Hanifin a constitué le cinquième choix au total en juin, derrière Connor McDavid, Jack Eichel, Dylan Strome et Mitch Marner.

« Nous étions agréablement surpris qu’il soit encore disponible au cinquième rang. »

« Il faut une défense de premier plan pour connaître du succès dans le hockey moderne, des joueurs habiles pour assurer la transition entre la zone défensive et la zone neutre. »

— Ron Francis

Hanifin est un des rares joueurs de la cuvée 2015, avec McDavid, Eichel et Daniel Sprong, qui se sont accrochés à la LNH.

« Malgré son jeune âge, l’enseignement qu’il reçoit ici et l’expérience qu’il acquiert lui seront bénéfiques. Mais nous restons prudents, car il a seulement 18 ans. Il fera des erreurs et vivra des léthargies. Il faut s’assurer de garder sa confiance à un niveau élevé. »

Hanifin a 2 aides en 11 matchs et une fiche de -3. Il joue en moyenne 16 minutes par rencontre. Le pilier demeure Justin Faulk avec 7 points en 12 matchs et un temps d’utilisation de 25 minutes. Il avait obtenu 49 points l’an dernier.

Faulk avait été repêché au deuxième tour en 2010, derrière des défenseurs comme Erik Gudbranson (3e), Dylan McIlrath (10e), Brandon Gormley (13e), Derek Forbort (15e), Jarred Tinordi (20e) et Mark Pysyk (23e). Forbort, Tinordi et Faulk jouaient pourtant au sein de la même équipe, la formation de développement américaine.

« C’est notre joueur le plus sous-estimé. Les gens commencent enfin à le remarquer. Il joue dans toutes les situations et c’est un grand leader sur la glace et en dehors. »

LE RÔLE DES VÉTÉRANS

Ron Francis aura d’importantes décisions à prendre d’ici la fin de la saison. Son capitaine Eric Staal et le gardien Cam Ward auront droit à l’autonomie complète à la fin de la saison. Ils commandent un salaire important, et comme l’équipe est à vendre, on se demande quel budget sera alloué pour les garder.

Eric Staal a 7 points en 12 matchs depuis le début de l’année, Ward a une fiche de 4-5, une moyenne de 2,44 et un taux d’arrêts de ,907.

« On a eu des conversations avec les deux, confie Francis. Des discussions ouvertes et franches. On a décidé de laisser la saison commencer, puis on va se rasseoir. J’ai toujours affirmé que je voulais les garder et eux veulent rester avec nous. Mais dans toute négociation, il faut être sur la même longueur d’onde quant à la durée du contrat et la somme allouée. »

Le DG souhaite le retour de Staal et de Ward même si les deux sont âgés de 31 ans. « Le leadership est important. Ce sont des joueurs qui ont remporté la Coupe et qui peuvent montrer à nos jeunes comment gagner. Rajeunir un club ne veut pas dire se départir de tous ses vétérans. »

Alex Semin, lui, ne cadrait plus dans les plans de Francis. On lui a donné 13,8 millions, soit 2,3 millions au cours des six prochaines saisons, pour qu’il décampe.

« L’éthique de travail est au cœur de notre philosophie. À la fin de la saison, nous avons pris les décisions pour réaliser nos objectifs. J’aime Alex [Semin] comme personne, mais c’était une décision d’affaires. »

— Ron Francis

Le contrat de 35 millions pour sept ans offert à Semin est un autre cadeau empoisonné de Jim Rutherford, qui dirige désormais les Penguins de Pittsburgh.

Francis se garde bien de lui adresser des reproches. « Jim Rutherford m’a donné ma première chance et j’ai travaillé avec lui à partir de 2007. J’ai pu porter plusieurs chapeaux grâce à lui, de directeur général adjoint à directeur du développement, en passant par le rôle d’entraîneur associé, j’ai touché à tout. »

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