Conduite autonome

LeddarTech voit loin

Un dispositif conçu à Québec pourrait éviter beaucoup d’accidents comme la collision très médiatisée qui a tué Joshua Brown à bord de sa Tesla Modèle S roulant en mode Autopilote en Floride, plus tôt cette année.

LeddarTech est une petite entreprise qui développe des technologies de détection lidar (laser detection and ranging). Toute l’industrie automobile s’intéresse à cette technologie plus puissante que les radars et caméras déjà installés dans les voitures semi-autonomes comme les Tesla. Le rayon laser du lidar est bien plus précis et plus puissant que les ondes radio du radar (radio detection and ranging) pour percevoir les autres véhicules, les obstacles, les piétons et les cyclistes qui peuvent apparaître devant et autour d’une voiture en mouvement. Le lidar voit très loin devant. Il pourrait appréhender des objets aussi loin que 225 m en avant.

Il n’y a pas encore de lidar dans les voitures construites en série. Les dispositifs actuels sont très complexes et hors de prix.

Dans le cas de Joshua Brown, il semble que les caméras de sa Tesla n’ont pas fait la distinction entre un 18-roues blanc qui s’engageait devant lui et l’arrière-plan pâle du ciel bleu très clair, ce jour de mai en Floride.

Un lidar aurait probablement évité l’accident. « Je ne peux pas parler de cet accident en particulier, car je ne connais pas les détails de ce qui s’est passé. Mais je peux dire par contre que le lidar n’est aucunement affecté par l’absence de contraste entre la couleur d’un obstacle et l’arrière-plan. Si c’est ça, la seule cause de l’accident en Floride, je peux dire que notre technologie lidar n’est pas sensible à ça, elle aurait fonctionné » et détecté le camion, dit Charles Boulanger, président de LeddarTech.

LeddarTech a une technologie beaucoup plus simple et moins chère que les encombrants, fragiles et lourds lidars rotatifs qu’on voit tourner sur le toit des voitures Google et des autres, dit Charles Boulanger.

« On appelle ces gros appareils des lidars scannés. Le consensus dans l’industrie est que les lidars scannés ne seront jamais déployés dans les modèles en fabrication de masse. Trop chers, trop fragiles, trop gros, trop sensibles aux vibrations et trop d’enjeux avec les hautes températures. »

LeddarTech a miniaturisé et digitalisé la technologie lidar. « Nous pensons avoir deux ans d’avance sur la concurrence », dit M. Boulanger.

Les capteurs lidar de LeddarTech permettent de se passer des moteurs électriques et de toutes les composantes mécaniques des gros lidars de toit qui fonctionnent en balayant un rayon laser tout autour de la voiture pour faire une carte 3D de tout l’environnement de l’auto.

Les lidars de LeddarTech sont de petits capteurs – ils sont moins volumineux qu’une caméra GoPro – qui dirigent chacun leur rayon laser dans un arc de cercle limité.

CONTRAT AVEC VALÉO

Le premier produit LeddarTech, développé conjointement avec l’équipementier français Valéo, devrait se retrouver d’ici peu dans une voiture de série d’un manufacturier, le premier qui achètera la nouvelle version de la suite de produits. Dans un premier temps, les lidars seront évidemment dirigés vers l’avant, pour détecter les obstacles sur la route et informer un logiciel de freinage d’urgence automatique. 

« Ils se logent facilement dans le globe des phares. Mais il pourrait aussi y en avoir sur le côté et vers l’arrière, pour composer un portrait 360 degrés autour de la voiture, dit M. Boulanger. C’est tout petit, environ 2,5 cm sur 5 cm. »

Outre la miniaturisation, la principale caractéristique des lidars de LeddarTech est le fait que tout est digitalisé. « Le faisceau de lumière va jusqu’à 100 m. Quand il revient, il est digitalisé. Ça nous permet de l’améliorer, de nettoyer tous les parasites d’arrière-plan comme la neige, la pluie, la poussière et d’avoir un signal très clair. »

Le contrat avec Valéo est une étape importante pour LeddarTech. « Dès que [Valéo va] commencer à en vendre à des constructeurs automobiles, on va recevoir des redevances », dit M. Boulanger. Le fait d’avoir une technologie installée réellement dans des voitures est la meilleure carte de visite que M. Boulanger et sa petite entreprise high-tech puissent avoir.

CAMÉRAS, RADARS ET LIDARS

« Le lidar ne supplantera pas le radar ni les caméras. La conduite autonome a besoin des trois, il faut qu’il y ait de la redondance. Mais il sera indispensable pour la détection des objets lointains et pour la conduite à haute vitesse », dit M. Boulanger.

LeddarTech travaille sur des lidars plus perfectionnés, capables d’émettre un faisceau lumineux fixe à 200 ou 225 m devant une voiture, qui devrait être prêt pour la fabrication – à Québec – vers la fin 2018. « Et on discute déjà avec plusieurs équipementiers », ajoute-t-il.

La semaine dernière, le président de Tesla Motors, Elon Musk, a annoncé que Tesla allait moderniser son système de conduite assistée Autopilote. La Presse a demandé à M. Boulanger s’il avait offert ses produits à Tesla. Il a répondu que LeddarTech ne commente jamais les discussions qu’elle peut avoir avec d’autres entreprises au sujet de contrats éventuels.

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