Chronique 

Passe-record pour Passe-Partout !

Compte avec moi ! Combien y avait-il de poussinots rivés à leur petit écran, lundi soir, pour visionner le premier épisode de Passe-Partout ? Sept, zéro, sept, zéro, zéro et zéro. Bravo, c’est ça ! 707 000 personnes !

En parts de marché, l’émission actualisée de Télé-Québec a accaparé 24 % de l’écoute, soit huit fois plus que la moyenne de 3 % que génère habituellement cette case horaire. En résumé, un téléspectateur francophone sur quatre qui regardait la télé entre 18 h et 18 h 30 lundi suivait le déménagement de Cannelle et Pruneau, de même que la perte du pauvre Biscuit.

Encore plus impressionnant : Passe-Partout a quasiment battu Le TVA Nouvelles de 18 h (779 000) et a largement dépassé le bulletin d’information de Patrice Roy à Radio-Canada (354 000). Il faudra maintenant voir si l’engouement se maintiendra, car le facteur curiosité a beaucoup joué dans l’obtention de ces chiffres mirobolants, les meilleurs de Télé-Québec des 10 dernières années.

Heureusement, qualité et quantité ont rimé avec ce Passe-Partout plus rythmé, tout simplement charmant, craquant et intelligent. 

L’esprit de l’œuvre originale n’a pas été travesti, au contraire, et les comptines ont résisté à l’usure du temps. Même constat pour les chansons : les retouches ne les ont pas dénaturées.

C’était périlleux comme défi d’adaptation et l’équipe de création de Passe-Partout l’a relevé. Le choix des trois comédiens colle parfaitement aux rôles d’amis qui leur ont été confiés. On s’attache rapidement à eux. Ils sont beaux, gentils et pas gnangnans. Pour le public cible, du moins.

Visuellement, c’est moderne et épuré, avec juste assez de touches de couleurs vitaminées. Passe-Partout (Élodie Grenier), Passe-Carreau (Gabrielle Fontaine) et Passe-Montagne (Jean-François Pronovost) habitent un magnifique loft blanc avec une vue imprenable sur le mont Royal. Clairement, nos trois colocs, qui ont longtemps joué dans une cour intérieure sale, ont profité du boom immobilier montréalais.

La structure des épisodes de 2019 respecte celle de ceux bricolés en 1977. Passe-Partout se confie à la fin (dans un format moins larmoyant) et il y a une alternance entre les séquences des acteurs, des marionnettes et des vrais enfants.

Les modifications apportées au scénario respectent le changement d’époque et de moeurs. Par exemple, Passe-Montagne conduit une (fausse) voiture électrique, Zig-Zag cherche ses semblables – et non ses parents –, tandis que Cannelle et Pruneau possèdent une tablette électronique. Et bye-bye la belle moustache fournie de Perlin, à qui Martin Rouette, diplômé de Star Académie 2003, prête sa voix.

Parmi les trucs moins réussis ? La texture pelucheuse du visage des marionnettes, qui ressemble à une fausse barbe, selon l’intensité des éclairages. Aussi, pourquoi la queue de cheval signature de Cannelle a-t-elle été sacrifiée au profit de cheveux frisés ?

Déjà hier, ça commençait à râler à propos du grand espace médiatique occupé par la résurrection de Passe-Partout. C’est vrai, c’est intense de voir autant de parents s’énerver devant la permanente de Perline. Mais pour une fois qu’une production jeunesse confectionnée ici rayonne aussi fort, on n’éteindra pas les projecteurs tout de suite, d’accord ?

Quant aux trois interprètes originaux de la série Passe-Partout, je les comprends de vouloir accrocher définitivement leurs costumes plus de 40 ans après les premiers tournages. Ils ne le formuleront jamais de cette façon, mais les trois acteurs en ont plus qu’assez de se faire parler de nœud papillon ou de poule en chocolat.

Lundi soir, Marie Eykel a même « oublié » de regarder le nouveau Passe-Partout et ne l’a pas enregistré. Claire Pimparé et Jacques L’Heureux n’accordent plus d’entrevues à propos de l’émission culte de Radio-Québec.

« Mon opinion n’a pas tellement d’importance. L’important, c’est : est-ce que les enfants vont aimer ça et est-ce que ça va leur faire autant plaisir et autant de bien qu’à vous [la génération Passe-Partout] ? J’espère que oui », explique Marie Eykel.

De son côté, Claire Pimparé a spontanément envoyé un courriel de félicitations à Gabrielle Fontaine quand elle a su que cette dernière enfilerait les vêtements redessinés de Passe-Carreau. « Je lui ai passé le flambeau. Je la trouve charmante et authentique », dit Claire Pimparé.

À la fin des années 70, le salaire peu élevé des comédiens avait créé de la bisbille sur le plateau de Passe-Partout. Avec le succès éclatant du remake, espérons que les nouveaux interprètes ne se retrouveront pas dans la même impasse-partout.

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