Chronique

Le cas Subban

Marc Bergevin est incapable de corriger les lacunes du Canadien depuis juillet dernier ; Michel Therrien a manifestement perdu une partie de son emprise sur l’équipe ; Max Pacioretty est submergé par son rôle de capitaine et connaît une saison décevante... Malgré tout, le gros sujet de conversation autour du Canadien cette semaine concerne P.K. Subban.

Ron Fournier, qui apprécie beaucoup Subban mais dit les choses comme il les voit, a lancé le débat à son émission de mardi, au 98,5 FM. Après avoir affirmé que le défenseur vedette ne faisait pas l’unanimité dans le vestiaire du Canadien, il a demandé : « Comment réagiriez-vous si Subban était échangé ? »

Il était sans doute inévitable que la question surgisse. Avec sa forte personnalité, Subban est une figure polarisatrice comme on en voit rarement dans la LNH. Sa confiance en lui semble illimitée et il adore être au centre de l’attention. Depuis les beaux jours de Guy Lafleur et de Patrick Roy, jamais un porte-couleurs du Canadien n’a suscité une couverture aussi abondante dans les médias d’Amérique du Nord.

Subban est une authentique star, qui aime côtoyer d’autres stars. Il attire les regards, peu importe s’il joue bien ou mal. Ses partisans s’enflamment parfois un peu vite avec ses succès. Et ses détracteurs sont souvent trop prompts à souligner ses erreurs. Avec lui, l’analyse fait rarement dans la modération.

Dans le contexte actuel, où tous cherchent à percer le mystère derrière la décomposition du Canadien, la place de Subban au sein de l’organisation devient un enjeu. Après tout, il en est le plus haut salarié. Et on ne peut nier l’évidence : en l’absence de Carey Price, son apport n’est pas suffisant pour stopper l’hémorragie.

Subban est un gars entier. Son style flamboyant ne plaît sûrement pas à tous ses coéquipiers, comme Ron l’indique. Pourtant, à une époque où on reproche souvent aux athlètes professionnels leur détachement à l’égard des partisans, en voilà un qui comprend et assume ses responsabilités envers eux.

L’engagement communautaire de Subban est unique, comme en fait foi son don de 10 millions à la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Le numéro 76, toujours gentil avec le public, ne se contente pas de parler. Il agit.

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Avant le match d’hier, Subban était le meilleur pointeur du Canadien. Lui, un défenseur, devançait tous les attaquants du club.

Ce n’est pas tout : sa fiche de + 7 était au deuxième rang de l’équipe. Et même s’il ne s’agit pas de sa meilleure saison, il dispute en moyenne 26 minutes par match, trois de plus que le deuxième à ce chapitre, Andrei Markov. Oui, il commet trop de revirements, comme celui d’hier en fin de match au Colorado. Mais il joue avec intensité.

Subban est dans une curieuse position. Il est la pierre d’assise de l’équipe à la ligne bleue. Mais en raison des ennuis considérables des attaquants, il en est devenu le principal moteur offensif. Il essaie parfois de trop en faire. On peut le lui reprocher. J’estime plutôt que certains de ses coéquipiers devraient l’imiter !

Alors comment réagiriez-vous à un échange impliquant Subban ? Lorsque Ron m’a posé la question mardi, ma réponse a été claire. J’y verrais une opération maquillage pour camoufler l’inaction de la direction depuis la fin de la dernière saison. Les ennuis offensifs du Canadien sont connus depuis le printemps dernier. Mais rien n’est fait pour corriger la situation.

Dans le contexte, il faudrait un sapré culot à Marc Bergevin pour échanger son deuxième joueur en importance ! Car il ne faut pas s’y tromper : en agissant ainsi, l’organisation enverrait le message que Subban était davantage un problème qu’un atout. Ce qui ne tient pas la route.

La blessure de Price a clairement laissé un vide immense dans le vestiaire du CH. On le comprend mieux que jamais aujourd’hui : sa présence a un effet apaisant sur le groupe, Subban compris. Son retour devrait normalement ressouder l’équipe. Mais ce n’est malheureusement pas pour demain.

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Pour être un prétendant sérieux à la Coupe Stanley, le Canadien a besoin de Price et de Subban. Les deux ont démontré, surtout durant les séries de 2014, leur capacité à conduire le Canadien à la victoire. Briser cette combinaison serait une grave erreur.

Échanger Subban constituerait aussi une aventure à très haut risque. La possibilité que cette décision rebondisse au visage du club serait immense.

Si le numéro 76 remportait la Coupe Stanley avec une autre équipe pendant que le CH demeurait en quête d’un premier championnat depuis 1993, cela marquerait l’histoire de l’organisation aussi négativement que le repêchage de 1980. Rappelez-vous : le Canadien a choisi Doug Wickenheiser au premier rang plutôt que Denis Savard.

Subban a ses défauts, mais il demeure un joueur exceptionnel. Et un favori du public. Et il représente toujours une partie essentielle de l’avenir du Canadien.

Voilà pourquoi je serais stupéfait si le Canadien envisageait sérieusement ce scénario. Obtenir un joueur de son impact en retour de ses services serait très difficile. Les équipes préfèrent garder leurs vedettes. Et à quoi bon combler un besoin en attaque, par exemple, pour créer un trou en défense ?

La saison actuelle est une immense source de déception pour l’organisation et les fans. Dans les circonstances, beaucoup d’idées seront évoquées afin de trouver la bonne façon de relancer l’équipe. Les besoins sont criants sur plusieurs plans.

Mais ce n’est pas en échangeant Subban qu’on réglera les problèmes. Les organisations qui connaissent du succès misent sur leurs surdoués. Et leurs dirigeants sont assez forts pour composer avec leur personnalité.

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