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Optimiser notre leadership en intelligence artificielle

On assiste aujourd’hui à Montréal à un boom technologique d’une ampleur sans précédent, centré sur l’intelligence artificielle (IA), une explosion qui attire l’attention du monde entier. Cette situation a certes ses particularités, mais rappelons qu’il y a eu par le passé d’autres exemples de succès qui ont permis au Montréal techno de se tailler une place de choix sur l’échiquier mondial. On peut citer la venue d’Ubisoft Montréal il y a une vingtaine d’années, suivie par l’implantation de plusieurs autres studios de jeu vidéo d’envergure, ou encore la renommée mondiale de Moment Factory.

Aujourd’hui, c’est le positionnement de Montréal en IA qui fait la manchette. Ce succès trouve son origine en partie dans la présence du prestigieux Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal (MILA), sous la direction du professeur Yoshua Bengio, qui constitue le plus grand bassin de chercheurs théoriques de la planète dans ce domaine.

La combinaison de ce talent et de l’esprit entrepreneurial de quelques jeunes loups a permis la création, ici même au Québec, de nouvelles entreprises comme Imagia ou Element AI qui ont aujourd’hui le vent dans les voiles.

Les plus grands acteurs en ont aussi pris note, alors que Microsoft, Google, Facebook, DeepMind et autres ont tour à tour annoncé la création d’un laboratoire d’IA à Montréal.

En plus de confirmer l’excellence de la recherche montréalaise, l’arrivée de ces entreprises étrangères aura d’autres impacts bénéfiques pour Montréal, et plus largement pour le Québec. Les emplois créés dans ces laboratoires sont excellents à tous points de vue, autant en ce qui concerne les conditions de travail que les opportunités d’apprentissage qu’ils offrent. On y trouve donc un complément intéressant aux formations offertes dans nos universités, contribuant ainsi à prolonger dans le futur l’avantage dont Montréal bénéficie en ce moment.

La venue de ces entreprises offre aussi au Québec un rayonnement incomparable sur la scène internationale. Il est aujourd’hui impossible de visiter l’une des nombreuses conférences sur l’intelligence artificielle – tant universitaires qu’industrielles – sans entendre parler de notre ville. Les grands acteurs recrutent pour leurs laboratoires montréalais, les étudiants s’informent de possibilités de stages dans la métropole, etc.

Le nombre et la taille des laboratoires récemment annoncés permettent d’atteindre une masse critique qui fait en sorte que les jeunes chercheurs et ingénieurs talentueux n’associent pas Montréal à une seule entreprise, mais plutôt à un riche écosystème. Ainsi, plusieurs de ces experts mondiaux font le choix d’installer leur famille à Montréal avec la confiance qu’ils pourront y connaître une carrière prolifique sans être tributaires du succès d’une seule entreprise.

Une main-d'œuvre recherchée

Toutefois, il est aussi vrai que l’arrivée d’autant de grands acteurs en un laps de temps aussi court pose des défis importants. Tout d’abord, le bassin de talent montréalais en intelligence artificielle se retrouve fractionné entre un grand nombre d’employeurs.

Malgré la vitalité de notre milieu universitaire et notre capacité à convaincre les experts étrangers de s’établir ici, il n’en reste pas moins que l’offre de main-d’œuvre ne parviendra vraisemblablement pas à répondre à la demande.

Cette situation perturbe l’équilibre entre les grands acteurs extérieurs, les entreprises locales émergentes et le milieu universitaire. En particulier, partout à travers le monde on voit de plus en plus de chercheurs universitaires faire le saut vers le monde de l’industrie. Cette tendance se vérifie aussi au Canada, créant une brèche importante dans nos universités, avec des conséquences qui peuvent clairement être néfastes à moyen terme.

Au-delà des emplois créés, il faut considérer la plus-value créée par les solutions d’intelligence artificielle. Les laboratoires industriels développent en effet des technologies qui se retrouvent au cœur de produits qui peuvent générer des milliards de dollars en revenus. Nous avons absolument besoin d’entreprises locales capables de rivaliser avec ces multinationales étrangères, sinon l’essentiel de la valeur générée par les innovations issues du génie que nous formons ici sera envoyé ailleurs et perdu pour nous. De façon plus générale, les entreprises nées ici sont depuis leur création engagées à fond dans le développement du tissu local et se montreront nécessairement plus sensibles aux défis qui sont à surmonter ici.

Il est important de se rappeler que l’élan montréalais actuel est dû au talent et au dynamisme de nos laboratoires universitaires et de nos propres entreprises émergentes et non pas à des avantages fiscaux accordés à des entreprises étrangères. La solidité et la pérennité de la communauté québécoise en IA dépendront de notre capacité collective à maintenir la fertilité du milieu sous-jacent.

Face aux perturbations engendrées par notre succès, il est en particulier essentiel que le gouvernement non seulement poursuive son engagement dans l’écosystème local, mais qu’il le fasse croître au rythme des investissements étrangers. Il peut par exemple favoriser concrètement la venue de chercheurs et d’étudiants étrangers, ou encore mieux soutenir les jeunes entrepreneurs locaux.

Le succès du Québec passera par le succès de ses futures grandes entreprises fondées et bâties ici, de ses jeunes pousses, de sa communauté d’investisseurs et de ses laboratoires universitaires. Il faut s’assurer que tous ces acteurs disposent des moyens nécessaires pour entretenir le riche terreau qui attirera bien sûr les entreprises de haute technologie étrangères, mais qui surtout permettra l’éclosion de succès locaux qui feront notre fierté autant que notre vitalité économique.

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