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La BBC déclare la guerre à la « fausse science »

Les changements climatiques n’existent pas, les campagnes de vaccination sont dangereuses et votre téléphone cellulaire est en train de vous tuer à petit feu.

Il fut un temps où il était possible d’entendre ce genre d’opinions à la BBC. Des opinions scientifiques marginales, mais soutenues avec vigueur par certains chercheurs, et que le diffuseur britannique rapportait par souci « d’impartialité ». Mais cette ère est révolue.

Dans un document publié en juillet, la BBC prend une position très ferme sur la fausse science, qu’elle veut désormais évacuer de ses reportages.

« L’impartialité dans la couverture scientifique ne consiste pas simplement à faire état d’un large spectre de points de vue », écrit la BBC, qui croit qu’une application « trop rigide » des principes d’impartialité peut conduire à un « faux équilibre » dans les reportages.

La réflexion de la BBC a été suscitée par sa propre couverture des changements climatiques, qui a longtemps donné la parole aux climatosceptiques. Or, ceux-ci risquent maintenant d’avoir plus de difficulté à s’y voir offrir un micro.

Cette guerre contre la fausse science est bien connue des journalistes scientifiques, qui doivent sans cesse osciller entre la tendance naturelle du journaliste à faire état de tous les points de vue et la nécessité de véhiculer une information crédible.

Pierre Sormany, ancien rédacteur en chef de l’émission Découverte et aujourd’hui éditeur du magazine Québec Science, est formel : on ne peut pas couvrir la science comme on couvre la politique, par exemple.

« En politique, on ne discute pas de faits. On discute de stratégies et d’idées. Le scénario de la nouvelle droite et le scénario de la gauche sont des façons d’aborder le réel, et le journaliste doit faire écho de la gamme des opinions. En science, en principe, on discute de faits. Alors il faut présenter les faits comme des faits, et les hypothèses comme des hypothèses. »

M. Sormany ne se sent donc pas obligé de signaler tous les points de vue sur une question s’il estime que certains d’entre eux ne sont pas assez solides scientifiquement. 

« On ne peut pas, chaque fois que l’on parle d’astronomie, donner la parole à ceux qui croient que la Terre est plate. »

— Pierre Sormany, éditeur du magazine Québec Science et ancien rédacteur en chef de l’émission Découverte

Mais décider de qui mérite la parole et qui ne la mérite pas comporte un danger : se tromper. L’histoire montre que consensus scientifique n’est pas toujours synonyme de vérité et que les chercheurs qui défendent des points de vue marginaux sont parfois ceux qui font évoluer la science. Comment un journaliste, qui n’est pas un expert, peut-il y voir clair ?

« C’est là que les journalistes doivent comprendre non pas la science elle-même, mais comment la science se construit, répond Pascal Lapointe, rédacteur en chef de l’Agence Science-Presse. Les critères pour distinguer une théorie solide d’une théorie farfelue sont connus. Est-ce que ç’a été publié quelque part ? Dans quelle revue ? Y a-t-il eu un processus de révision par les pairs ? Est-ce que d’autres études l’ont confirmée ? »

SUBJECTIVITÉ

M. Lapointe admet que ces critères ne sont pas toujours « tranchés au couteau » : « Ça oblige tôt ou tard à être subjectif – un vilain mot qu’on n’aime pas en journalisme. Mais à un moment donné, le rédacteur en chef décrète que les climatosceptiques n’ont pas d’arguments et que, en conséquence, on arrête de leur accorder un temps de parole égal. »

«  Comme journaliste, on a le devoir non pas de donner la parole à tout le monde, mais de se faire une tête », dit aussi Pierre Sormany.

Il arrive que l’exercice conduise à des jugements discutables. M. Sormany cite le cas d’un reportage sur les ondes électromagnétiques diffusé en 2008 à l’émission Découverte. En faisant sa recherche, le journaliste Michel Rochon en était arrivé à croire que les scientifiques qui publiaient des études sur le danger de ces ondes faisaient l’objet d’un boycottage, ce qui crée un biais dans la littérature. Le reportage avait donc fait une large place à l’opinion selon laquelle les cellulaires, les fours à micro-ondes et le wifi sont dangereux.

L’ombudsman de Radio-Canada avait conclu à un « manque d’équilibre » compte tenu de l’état des connaissances sur la question.

« On a accepté le blâme et fait amende honorable, dit Pierre Sormany. Dans ce cas, il y avait quand même suffisamment de recherches qui jetaient un éclairage différent pour que ça vaille la peine d’y faire écho. Mais il y avait un problème de ton et de nuances. Ça montre à quel point il faut toujours rester très prudent. »

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UNE JOURNALISTE DE SUN NEWS AUX COULEURS D’ISRAËL

Des photos d’une journaliste de Sun News vêtue d’un t-shirt aux couleurs d’Israël ont circulé sur Twitter cette semaine. Sous un logo de Sun News côtoyant les drapeaux canadien et israélien, on lit : « Dire la vérité ». Selon Steve Russell, un photographe du Toronto Star qui a publié l’un des clichés sur Twitter, la scène a été croquée dimanche dernier lors d’une manifestation pro-Israël à Toronto. Impossible de savoir si ces initiatives ont été cautionnées par Sun News. Ni la chaîne ni la journaliste en question, apparemment Paige T. MacPherson, n'ont répondu à nos messages. L’Association canadienne des journalistes a refusé de dénoncer l’affaire. Selon Nick Taylor-Visey, vice-président de l'association, Sun News a « un biais clair et transparent » à l’appui d’Israël dans sa couverture du conflit. Pierre Craig, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), est plus incisif : « Il est clair qu’au Québec et au Canada, on ne s’attend pas à ce qu’un journaliste affiche des opinions personnelles dans le cadre de son travail. »

— Philippe Mercure, La Presse

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