consommation

Les pièges à cons des télécoms

Les fournisseurs de services de télécommunication rivalisent d’offres alléchantes, mais la réalité se révèle souvent pas mal plus coûteuse ou moins avantageuse. Les audiences tenues par le CRTC toute la semaine dernière le confirment : un sérieux ménage s’impose dans les pratiques de vente.

« Une ligne en petits caractères, dans un courriel que je n’ai pas lu ou signé, devrait-elle l’emporter sur la promesse d’une vraie personne ? », a lancé le premier consommateur à témoigner aux audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), lundi dernier.

Malgré ses vérifications, plaintes et appels répétés, Tony Wacheski n’a jamais réussi à faire respecter son forfait de 36 mois sans augmentation conclu au téléphone. En moins de deux ans, il avait déjà reçu deux augmentations, a-t-il raconté. Et contrairement à ce qu’on lui avait assuré, son option d’affichage est devenue payante après trois mois.

Vous reconnaissez-vous ? Pas moins de 40% des Canadiens disent avoir déjà été exposés à des techniques de vente ou trompeuses de la part de fournisseurs de services de télécom. Et c'est sans compter tous les clients qui ont exprimé leurs frustrations dans les divers forums ouverts par le CRTC depuis l'été dernier.

« Certaines des pratiques de vente au détail mentionnées dans le dossier public de l’audience, si elles sont confirmées, ne seraient pas tolérées dans d’autres industries », a déclaré d’entrée de jeu le président du conseil, Ian Scott.

Les grands fournisseurs, sans surprise, tentent de relativiser – leurs positions étaient déjà claires dans les documents soumis avant les audiences. Telus considère que pour l’essentiel, les outils pour traiter les pratiques de vente et de marketing trompeuses existent déjà. Rogers fait valoir que des mesures réglementaires et codes de conduite supplémentaires devraient être considérées seulement s’il est clairement prouvé que des fournisseurs se livrent à des pratiques de vente trompeuses ou agressives de façon systématique. Il faudrait d’abord vérifier s’il y a des problèmes systémiques, a aussi indiqué Bell.

C’est placer la barre artificiellement haut. Même au terme de son enquête extrêmement poussée sur le domaine bancaire, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) n’a pas trouvé de pratiques abusives généralisées, ni même de problèmes à grande échelle Ce qui ne l’a pas empêché d’y constater une culture de service très préoccupante.

Dans le cas des télécoms, on en a déjà assez entendu de la part de clients, de groupes de défense des consommateurs et, plus inquiétant que tout, d’employés aux ventes, pour savoir qu’il ne s’agit pas de cas anecdotiques. Les problèmes sont fréquents.

On sait aussi que les recours existants ne répondent pas aux besoins. La Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision, vous connaissez ? La CPRST a beau exister depuis plus de 10 ans, seulement 8 % des Canadiens qui disent avoir été exposées à des techniques de vente agressives ou trompeuses y ont porté plainte. Peut-être parce que seulement 30 % de la population connaît son existence ? Le CRTC fait à peine mieux, avec plus de la moitié des Canadiens qui se disent peu ou pas du tout informés de ses rôle et mandat.

Les télécoms sont des services essentiels. On ne peut pas laisser les consommateurs à la merci de pratiques de vente discutables qui prêtent autant à confusion.

Les règles et codes de conduite ne font pas disparaître tous les problèmes, mais ils envoient un signal dissuasif. Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur a été modifiée en 2010 pour interdire, notamment, d’imposer des augmentations aux contrats à durée déterminée. Depuis, le secteur des télécoms, qui trônait auparavant au sommet du palmarès des plaintes de l’Office de la protection du consommateur (OPC), a cédé sa place aux vendeurs de meubles, d’appareils électroniques et d’automobiles.

Le gouvernement, rappelons-le, a demandé au CRTC quels sont les moyens les plus efficaces et réalisables pour que les mesures de protection des consommateurs puissent être élargies et renforcées. On n’en attend pas moins de lui.

Son rapport attendu pour la fin février doit recommander des règles claires, un suivi sérieux, et des pénalités dissuasives. À entendre les fournisseurs vanter leurs codes de pratiques déjà en vigueur à l’interne, ils ne devraient pas avoir de mal à s’y conformer…

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