Crise du pétrole albertain

Trudeau prêt à financer l’achat de wagons pour l’exportation

Ottawa — Désirant apaiser la colère qui gronde en Alberta et en Saskatchewan, deux provinces frappées durement par la chute des prix du pétrole, le premier ministre Justin Trudeau ouvre toute grande la porte à l’idée qu’Ottawa donne un coup de pouce financier au gouvernement albertain pour acheter jusqu’à 7000 wagons afin de faciliter les exportations de pétrole vers les marchés étrangers.

À quelques heures du début de la conférence des premiers ministres à Montréal – une première rencontre au sommet en 14 mois qui s’annonce tendue –, le premier ministre a dit être prêt à examiner cette option mise de l’avant par la première ministre Rachel Notley, la semaine dernière, en attendant que les travaux d’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain soient menés à bien. Le coût de cette solution temporaire pourrait friser les 3 milliards de dollars, selon certaines estimations.

Alors que M. Trudeau comptait aborder les questions touchant le libre-échange – la signature de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique et l’abolition des barrières au commerce interprovincial – et la lutte contre les changements climatiques durant la rencontre, plusieurs de ses homologues provinciaux ont exprimé leur colère en raison de l’ordre du jour établi par Ottawa.

Mais la colère était telle que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a brandi la menace de bouder la rencontre d’aujourd’hui si l’ordre du jour n’était pas modifié.

M. Ford, qui s’est finalement ravisé au terme d’un tête-à-tête avec Justin Trudeau, tient à ce que l’on aborde le dossier de la fermeture de l’usine d’assemblage de GM à Oshawa, l’afflux de migrants qui traversent la frontière canado-américaine et la construction de pipelines pour donner un coup de pouce économique aux provinces de l’Ouest, en particulier l’Alberta.

Participant à sa première rencontre fédérale-provinciale, le premier ministre François Legault veut profiter de l’occasion pour faire la promotion de son projet d’alliance énergétique qui permettrait d’augmenter les exportations d’électricité du Québec vers les provinces voisines. « Nous avons des surplus d’électricité, alors je vais tenter de leur vendre l’hydroélectricité », a-t-il dit en point de presse à Québec en prévision de la rencontre.

Geste conciliant

Dans une entrevue au réseau CBC qui sera diffusée dimanche durant l’émission The National, mais dont des extraits ont été rendus publics hier, le premier ministre Justin Trudeau a tendu la main aux provinces, notamment l’Alberta.

Interrogé au sujet de la crise énergétique qui a entraîné la perte de plus de 100 000 emplois en Alberta, M. Trudeau a indiqué que son gouvernement était prêt à examiner la proposition d’acheter des wagons pour faciliter l’exportation du pétrole albertain.

« C’est quelque chose que nous sommes heureux d’examiner. Si c’est une proposition qui [selon Mme Notley] va faire une différence marquée, alors nous serons heureux de la regarder pour voir comment cela peut fonctionner. Je veux dire, nous sommes ici pour être des partenaires, pour aider », a-t-il affirmé dans cette entrevue.

Selon Mme Notley, l’Alberta aurait besoin d’au plus 7000 wagons si la province veut atteindre son objectif d’accroître de 120 000 barils par jour ses exportations quotidiennes de pétrole.

Avant de quitter Edmonton en direction de Montréal, hier, Mme Notley a réitéré qu’elle tenait mordicus à ce que la grave crise qui frappe le secteur de l’énergie en Alberta soit abordée en priorité durant la rencontre, rappelant que l’écart important qui existe entre le prix du baril du brut albertain et le brut américain faisait perdre 80 millions de dollars par jour à l’économie canadienne.

Colère albertaine

Mme Notley, qui a ordonné lundi une diminution de la production pétrolière de la province de 325 000 barils par jour à compter de janvier pour réduire cet écart, tient le gouvernement fédéral directement responsable de cette différence de prix à cause de son « incapacité à construire des pipelines » au fil des ans.

« Toutes les provinces doivent en quelque sorte à l’Alberta un peu de leurs écoles, de leurs hôpitaux, de leurs routes. Le fait est que l’Alberta doit faire bien pour que le Canada réussisse. »

Mme Notley a également prévenu qu’elle ne voulait pas passer beaucoup de temps à écouter le gouvernement fédéral rappeler ce qu’il a déjà fait pour tenter de répondre aux préoccupations de l’Alberta.

« Nous n’avons pas besoin des ministres fédéraux pour nous expliquer tout ça : nous sommes tous capables de lire leurs communiqués de presse. »

— Rachel Notley, première ministre de l’Alberta

En point de presse hier à Montréal après avoir annoncé des investissements fédéraux dans l’intelligence artificielle qui permettront de créer plus de 16 000 emplois au pays, M. Trudeau a soutenu qu’il était important que les divers ordres de gouvernement travaillent ensemble afin d’assurer la croissance de l’économie canadienne.

« On va toujours être prêts à discuter de tous les sujets qui préoccupent les différents premiers ministres. Nous savons que les Canadiens s’attendent à ce que nous travaillions ensemble sur les enjeux qui leur tiennent à cœur, comme la croissance économique. Justement, je suis ici aujourd’hui pour souligner les investissements qu’on est en train de faire dans l’intelligence artificielle qui vont mener à 16 000 nouveaux emplois à travers le pays. C’est quelque chose qu’on est en train de faire en partenariat avec le gouvernement du Québec. Les gens s’attendent à ce que les gouvernements travaillent ensemble, même s’ils ne sont pas toujours d’accord sur tous les enjeux », a fait valoir le premier ministre.

Plaidoyer pour le français

Préoccupée par « l’apparition d’une nouvelle droite populiste » qui préconise « le recul du fait français » au pays, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) demande aussi que la question des langues officielles soit ajoutée à l’ordre du jour de la rencontre des premiers ministres. Dans une lettre adressée à Justin Trudeau, le président de l’organisme a incité le premier ministre à « faire des langues officielles un dossier prioritaire ». Robert Melanson y va d’une mise en garde : les coupes du premier ministre ontarien Doug Ford dans les services en français risquent d’encourager les attaques contre les acquis des francophones du Nouveau-Brunswick et des autres provinces où ils sont minoritaires.

— Avec La Presse canadienne

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.