Mon parcours

De l’immobilier new-yorkais aux infrastructures de la Caisse

Sa famille a immigré du Liban au Québec pour fuir la guerre. Après une carrière en immobilier qui l’a menée à New York et Londres, Rana Ghorayeb gère aujourd’hui les investissements en infrastructures de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Dans la rubrique « Mon parcours », La Presse vous présente le parcours hors du commun de gestionnaires d’ici.

Rana Ghorayeb

Vice-présidente principale des investissements en infrastructures,

Caisse de dépôt et placement du Québec

45 ans

Mère d’un fils de 9 ans

Ses deux langues maternelles sont le français et l’arabe. Elle parle aussi l’anglais, l’espagnol et l’allemand.

Née à Beyrouth, au Liban

Elle immigre au Canada avec sa famille à l’âge de 5 ans, en 1978, alors que le Liban est aux prises avec des affrontements militaires.

« En 1976, ma mère a accouché de mon frère sous les bombes. »

1981

Elle obtient sa citoyenneté canadienne à l’âge de 8 ans. L’année suivante, ses parents décident de retourner au Liban.

« On pensait que la guerre était finie. En 1982, c’était l’invasion d’Israël. Je me rappelle les tanks, les bombes partout, qu’on devait descendre vite dans le sous-sol pour se coucher. Donc, on est revenus au Canada. Pendant 10 ans, quand j’entendais un coup comme un feu d’artifice, ça me faisait peur. »

Mes études

1986-1990

Diplôme d’études secondaires au Collège Charlemagne, à Pierrefonds, dans l’île de Montréal

« J’adorais les sciences, j’étais hyper timide. Je jouais de la guitare électrique, mais toute seule. »

« J’ai eu mon premier emploi à 15 ans chez Dunkin’ Donuts. Ça m’a appris la psychologie de la vente au détail, savoir comment les gens achètent. Encore aujourd’hui, ça m’aide dans mes négos. »

1990-1992

Diplôme d’études collégiales en sciences pures au cégep John Abbott

1992-1995

Baccalauréat en urbanisme à l’Université Concordia

« J’hésitais à savoir si je voulais devenir ingénieure ou architecte. À ma première année, un prof m’a dit : “Toi, tu es ingénieure, pas architecte.” »

1995-1996

Maîtrise en génie civil, gestion de projets de construction, à l’Université Concordia

2001-2002

Maîtrise en finance à l’Université de New York

« Je voulais me spécialiser en investissement en immobilier. NYU, c’est New York, le centre de l’immobilier et de la finance. J’ai notamment passé une journée avec les responsables de la construction du Time Warner Center, les deux tours de Columbus Circle [près de l’entrée de Central Park]. Ils m’ont fait voir des fondations jusqu’en haut. La tour était construite avec de l’acier québécois. J’étais au 30e étage en train de regarder New York, c’était fantastique. »

Mes expériences de travail

1995-2001

Estimatrice senior au sein des firmes immobilières Tridome Construction et TEQ Construction

« Je faisais les appels d’offres. Ça m’a beaucoup aidée plus tard dans ma carrière en immobilier. Je sais plus ou moins combien tout coûte. »

2003-2006

Associée en investissement immobilier à New York chez le fonds de pension américain TIAA-CREF, le plus important fonds de pension dans le milieu de l’éducation aux États-Unis. Aujourd’hui, TIAA gère des actifs de 1000 milliards, soit trois fois plus que la Caisse de dépôt et placement du Québec.

« À New York, tu peux faire une entente sans voir l’autre personne. C’est très pragmatique, hyper compétitif, tu négocies avec les meilleurs au monde. Ça m’a appris à négocier. J’étais timide auparavant, mais ça ne marchait plus. Se transformer d’une personne timide à une New-Yorkaise, ce fut un choc. »

2006-2010

Directrice des investissements immobiliers pour la France, le Benelux, la Finlande et l’Ukraine pour la firme JP Morgan Asset Management à Londres

« J’avais deux offres du secteur privé : Lehman Brothers et JP Morgan. J’ai pris la bonne offre ! »

Elle revient à Montréal et lance sa firme de consultation en immobilier, Aquilae Capital, en 2011.

« Je voulais que mon fils grandisse au Canada, comme moi. »

2012 à aujourd’hui

Vice-présidente principale des investissements en infrastructures à la Caisse de dépôt et placement du Québec

Elle gère un portefeuille de 16,8 milliards pour la Caisse, notamment ses investissements dans le port de Lisbonne, au Portugal, le port de Brisbane, en Australie, les éoliennes en haute mer de London Array, ainsi qu’Eurostar, qui exploite le TVG sous la Manche entre Londres et Paris. Elle a notamment géré l’achat de 30 % des actions d’Eurostar pour 850 millions CAN en 2015.

« Le gouvernement britannique voulait vendre sa participation dans Eurostar. Nous faisons des offres sur des actifs où nous avons un avantage concurrentiel. Nous étions déjà partenaires avec la SNCF [l’autre actionnaire d’Eurostar] dans Keolis, nous connaissons leur philosophie. Eurostar est un actif de haute qualité qui a beaucoup de croissance. Même durant la crise [de 2008], cet actif a bien performé. »

« Je voyage énormément. Le mois passé, je suis allée à New York, Washington, Mexico, Bali et Sydney. Je suis au Québec un peu plus de la moitié du mois. Il faut comprendre les pays dans lesquels on investit. Tu ne travailles pas avec des ordinateurs, mais des humains. Il faut rencontrer les gens, comprendre la culture. Surtout que nous sommes une société de plus en plus internationale. »

Mon mentor

« Macky Tall [président et chef de la direction de CPDQ Infra, la filiale de la Caisse qui réalise le Réseau express métropolitain]. Lorsque j’ai des problèmes, je vais le voir. Il m’aide à voir les choses plus stratégiquement. Les infrastructures, c’est complexe, il y a beaucoup de parties prenantes. »

Mon meilleur coup

« Faire ma maîtrise à New York, et revenir travailler à la Caisse. Investir l’argent des Québécois, ça veut dire beaucoup pour moi. C’est le Québec qui a donné une chance à ma famille, et j’investis dans les infrastructures qui auront un impact dans la vie des gens. Ce sont des actifs stratégiques importants pour les pays et les gens. »

Ma devise

« Si tu veux y arriver, tu peux y arriver. J’ai payé ma maîtrise à NYU de ma poche. Si tu n’y arrives pas, c’est peut-être que tu ne le veux pas assez. »

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