Ski de fond  Coupe du monde

Alex Harvey, le conquérant

Québec — Alex par ci, Alex par là, l’empreinte du nouveau champion du monde était partout sur les plaines d’Abraham. Aussi bien gagner !

Point de mire de ces finales de la Coupe du monde de ski de fond, Alex Harvey a fait les choses en grand, dominant de bout en bout le sprint d’ouverture présenté devant quelques milliers de ses partisans réunis à Québec.

Après sa deuxième place au même endroit l’an dernier, le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges a effectué une véritable démonstration en style libre, ne laissant aucune chance au Norvégien Finn Haagen Krogh dans l’ultime ligne droite de la finale.

Le héros du jour a franchi l’arrivée les deux bras levés, le poing droit rageur au ciel, avant de lâcher un énorme cri de joie ; un copier-coller de la célébration qui a suivi sa récente médaille d’or historique au 50 kilomètres des Championnats du monde de Lahti.

En fait, il avait l’air de ne pas en revenir, comparant l’effet de cette victoire à celle décrochée il y a moins de deux semaines en Finlande. « C’est vraiment pas loin », a réagi Harvey, fier de son coup, quelques minutes après la cérémonie du podium. « Juste la deuxième place de l’an passé, c’était des émotions incroyables. Mais là, pouvoir gagner, en remettre, doubler la mise, ça se compare, parce que je suis à la maison. »

« Tu ne peux pas rêver mieux que ça. » — Alex Harvey

Deux marathons en une semaine

Après sa sixième place au 50 km d’Holmenkollen, dimanche à Oslo, la grande question était de savoir comment Harvey rebondirait après ce deuxième marathon en une semaine. L’athlète de 28 ans a donné une première partie de la réponse sur l’heure du midi en enregistrant le quatrième temps des qualifications sur un parcours de 1,5 km taillé sur mesure pour lui, son meilleur résultat dans l’exercice depuis sa médaille d’argent aux Mondiaux de Falun en 2015.

Seule inquiétude dans sa vague quart de finale, il a brisé la dragonne d’un bâton après un contact avec le Suédois Emil Joensson. Il a continué comme si de rien n’était, détachant la courroie abîmée en traversant la ligne après avoir regardé derrière lui à deux ou trois reprises, à la manière d’Usain Bolt.

En demi-finale, Harvey s’est de nouveau porté en tête, dérogeant à son habitude de la jouer plus tactique à l’arrière. Il a encore fini premier, jetant un œil vers son plus proche poursuivant, le Français Richard Jouve.

La table était mise pour la finale, où Krogh a pris les commandes dans la portion la plus pentue avant de fendre le vent dans la descente menant à l’arrivée. Deuxième, Harvey a coupé dans le corridor intérieur pour effectuer son sprint irrésistible sur les 100 derniers mètres. Il a devancé son ami norvégien par trois dixièmes et Jouve, troisième, par près d’une seconde.

« J’étais à la bonne place, a analysé Harvey. Surtout quand Finn Haagen a attaqué dans la montée. C’est un poids plume, il est vraiment fort dans les montées à pic. Moi, c’est un peu ma faiblesse. Juste d’être capable de réagir à cette attaque, c’était un bon signe. »

« T’es donc bien bon ! »

Pierre Harvey a assisté à la course en bordure de l’arrivée, renversé par l’assurance affichée par son célèbre fils dans ce moment de haute tension. « Je trouvais qu’il allait un peu fort dans le spectacle », s’est-il esclaffé, les yeux dans l’eau. En prenant Alex par le cou, il lui a glissé à l’oreille : « T’es donc bien bon ! »

Réuni près de l’aire d’arrivée, tout le personnel de l’équipe canadienne se tapait dans le dos après cette troisième victoire individuelle de leur prodige depuis le début de l’hiver. « Alex, il n’y en a qu’un, a dit le technicien en chef Yves Bilodeau. Il livre la marchandise au bon moment. Il y en a qui choke. Lui, il l’a. »

Aux yeux de l’entraîneur Louis Bouchard, Harvey « volait » tout simplement sur la piste : « Après deux 50 kilomètres, c’est impressionnant de récupérer comme ça. S’il y a une épreuve où je pensais qu’il allait être un peu limite au niveau de la puissance, c’était peut-être le sprint. »

Manifestement, « sa forme est superbe ». « Tantôt, il me disait en farce : je pense que je peake plus qu’aux Championnats du monde, a raconté Bouchard. Je lui ai dit : “Excuse-moi, je pense qu’on a manqué notre coup d’une semaine !” » Ce ne sont pas les organisateurs de la Coupe du monde de Québec qui s’en plaindront.

Et pourquoi pas le deuxième rang ?

Avec l’élimination prévisible du Finlandais Matti Heikkinen (48e) lors des qualifications du sprint, Alex Harvey a pris une sérieuse option sur la troisième place au classement cumulatif de la Coupe du monde, faisant passer son avance de 7 à 57 points. Surprise, sa victoire lui permet maintenant d’envisager de dépasser le Russe Sergey Ustiugov, qui détient une priorité de 282 points au deuxième rang. Quintuple médaillé aux derniers Mondiaux, Ustiugov brille par son absence à Québec, tout comme le leader du général, l’inamovible norvégien Martin Johnsrud Sundby, et son compatriote Petter Northug Jr. Une victoire au rabais ? « Je pense que j’aurais pu gagner contre n’importe qui aujourd’hui », a affirmé Harvey.

Premier meneur du minitour de Québec, il cherchera surtout à accaparer les secondes de bonification décernées lors des sprints intermédiaires du 15 km classique en départ groupé d’aujourd’hui. L’idée sera de se donner un coussin maximal pour la poursuite de 15 km en style libre qui viendra clore la Coupe du monde de Québec demain. Le vainqueur recevra 200 points, en plus des 50 attribués au gagnant de chacune des étapes. « C’est dur d’imaginer une meilleure journée qu’aujourd’hui », a conclu Harvey.

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