François, pape transformateur
En 1980, l’archevêque Oscar Romero de San Salvador est assassiné en pleine messe par un sbire de la dictature de droite, qu’il critiquait souvent. Depuis, nombre de martyrs de dictatures de gauche ont été canonisés, notamment les prêtres victimes du camp républicain durant la guerre civile d’Espagne. L’absence de Mgr Romero au panthéon des saints était pour plusieurs la preuve que le Vatican ferme les yeux sur les crimes de la droite. François l’a béatifié en 2015 et a récemment annoncé qu’il sera canonisé.
« Qui suis-je pour juger ? » Cette réponse du pape François à une question sur l’homosexualité, lors de son premier voyage à titre de pape en 2013, a suscité l’espoir qu’il assouplirait la morale sexuelle catholique. Mais ce n’était que la première salve dans un numéro d’équilibriste. Lors d’une visite aux États-Unis en 2015, par exemple, François a rencontré un ancien étudiant et son conjoint, mais a aussi visité une greffière ayant refusé de délivrer des certificats de mariage homosexuel. Un synode des évêques du monde entier à Rome en 2015 s’est déclaré contre la discrimination sociale envers les homosexuels, mais a déclaré le mariage homosexuel « sans fondement ».
« François a redonné de l’énergie au projet catholique au Québec », estime Philippe Vaillancourt, rédacteur en chef de Présence, un média spécialisé en information religieuse pour le Québec. « Il a changé l’emphase du message. La doctrine n’a pas bougé, mais il passe moins de temps à rappeler les interdits, les idéaux. C’est le premier pape qui applique vraiment l’ouverture sur le monde prônée par le concile Vatican II. Pour les gens qui, dans les paroisses, cherchent à faire ce qu’on appelle “la nouvelle évangélisation”, qui souvent sont proches de l’âge de la retraite, c’est encourageant. Ça leur redonne de l’énergie. »
François a eu des propos durs envers les prêtres pédophiles et leur a même retiré l’automne dernier la possibilité de faire appel d’une condamnation canonique, le système de justice interne de l’Église, à cet égard. Malgré un bon départ – il a réussi à convaincre des victimes de participer à une commission d’enquête du Vatican –, François n’a pas réussi à se distinguer de ses prédécesseurs. En janvier dernier, lors d’un voyage en Amérique du Sud, il a attaqué les Chiliens qui affirment qu’un évêque, Juan Barros, a fermé les yeux sur les nombreuses agressions commises par un prêtre charismatique, Fernando Karadima Farina, avant de faire marche arrière et de nommer un envoyé spécial qui fera la lumière sur cette affaire.
La première sortie de François hors de Rome, en juillet 2013, a eu pour destination Lampedusa, l’île italienne qui accueille de nombreux navires de migrants en provenance de Libye. Depuis, il appelle régulièrement les pays chrétiens à accueillir davantage de réfugiés. Même s’il déplore régulièrement que ne soient pas honorées par l’Union européenne les « racines chrétiennes » du continent, il n’a pas appuyé les pays, comme la Hongrie, qui n’acceptent que les réfugiés chrétiens. Lors d’une visite à l’île grecque de Lesbos, en 2016, il a même pris sous son aile deux familles de réfugiés musulmans, alors que des familles chrétiennes se trouvaient dans le même camp.
Ça peut paraître sibyllin, mais c’est la principale révolution de François sur le plan de la doctrine morale. Les catholiques qui se marient à l’église, puis divorcent et se remettent en couple avec une autre personne ne peuvent théoriquement communier parce qu’ils sont en état de péché. François a souligné que plusieurs mariages sont des erreurs de jeunesse et que souvent, les secondes unions sont plus fortes que beaucoup de mariages. Il a aussi souligné l’importance d’appuyer les familles, même en situation irrégulière. Donc, il a demandé que plus de souplesse soit accordée aux divorcés remariés désirant communier, être parrains ou catéchètes. L’impact de ce changement se fait surtout sentir dans le tiers-monde, où la morale est plus conservatrice et la participation à la vie de l’église, plus importante pour le commun des mortels.