Opinion : Changements climatiques

Nous devrions faire le point

La dernière campagne électorale a eu pour effet, grâce à l’alarme sonnée par Manon Massé, de nous rappeler notre inconscience face à la réalité des changements climatiques. Heureusement, nous sommes maintenant engagés dans un exercice de rattrapage collectif. Une chose est certaine, le temps des études et des prévisions catastrophiques est terminé. Le temps d’agir est clairement arrivé et un sentiment d’urgence se manifeste. Sauf que nous sommes loin, en tant que société, de nous entendre sur les actions et les moyens qui doivent être pris.

Il y a accord toutefois sur le fait qu’il s’agit d’une tâche dans laquelle l’ensemble de la société doit s’engager. Ce qui englobe d’une part les citoyens et, d’autre part, les pouvoirs publics, les entreprises, les organisations syndicales et patronales et les partis politiques. Autrement dit, personne ne peut ignorer la nécessité et l’urgence d’agir.

La tâche est immense car elle demande un véritable changement de culture.

Concrètement, cela signifie que nous allons devoir changer nos habitudes individuelles et nos comportements. Mais changer les habitudes et les comportements est loin d’être facile et requiert du temps.

Voyons d’abord comment la situation se présente au niveau politique.

Une capacité d'agir limitée

Nous avons tendance à conclure que la réduction des gaz à effet de serre (GES) n’est qu’une question de volonté. Que si nous ne progressons pas, c’est dû à un manque de volonté politique. Nous ne sommes pas conscients qu’en régime démocratique, nos dirigeants ont en réalité une capacité limitée d’agir. Leur capacité d’intervenir en amont et d’imposer des mesures pourtant nécessaires est limitée par l’opinion des citoyens. Si ces derniers ne saisissent pas l’importance de l’enjeu et s’objectent aux mesures à prendre, la marge de manœuvre des pouvoirs publics devient limitée ou inexistante.

L’on doit aussi tenir compte du fait que les gouvernements à tous les niveaux ne sont élus que pour quatre ans. Ce qui fait que les partis politiques misent sur les changements à court terme susceptibles de favoriser leur réélection. De là, la tendance à ignorer, comme lors des élections d’octobre, les questions comme la réduction des GES qui exigent des solutions à plus long terme.

En définitive, sans un appui solide de la population, les pouvoirs publics ont une possibilité d’agir bien limitée, que ce soit en matière de transport, de tarification, de freinage de l’étalement urbain, de nouvelles routes, etc.

Il est une autre dimension qui complique la tâche. Ceux qui justifient l’exploitation des sables bitumineux argumentent qu’ils nous affranchissent de nos importations de l’extérieur du pays et qu’ils maintiennent chez nous des emplois et apportent de gros revenus. Il est évident que nos dirigeants misent sur le fait que le commun des mortels ne se préoccupe guère des effets de nos actions hors de nos frontières. Quant aux dangers que pourraient présenter les nouveaux oléoducs pour transporter ce pétrole, leurs promoteurs affirment qu’ils ne présentent aucun risque. Il est possible d’en douter.

C’est d’ailleurs la thèse contradictoire de notre premier ministre Trudeau. Une thèse qui ignore les effets hors du Canada de l’exportation du pétrole très polluant extrait des sables bitumineux sur la consommation mondiale d’énergie fossile et sur la production de CO2. Du trompe-l’œil, comme on dit chez les artistes peintres. On se souvient que le premier ministre Couillard avait utilisé la même astuce lors du lancement de la polluante cimenterie McInnis.

Vue dans cette perspective, la bourse du carbone, qui permet aux pollueurs de continuer de polluer en achetant des crédits des non-pollueurs, ne sera justifiée que lorsque le Québec aura atteint ses objectifs de réduction de CO2 et autres gaz à effet de serre.

Voyons maintenant comment la situation se présente au niveau des façons de vivre et de surconsommer des citoyens.

Des réactions qui incitent au pessimisme

De façon évidente, nous ne sommes pas conscients du fait que notre production de gaz à effet de serre s’ajoute à celle déjà trop élevée de l’ensemble de la planète. C’est facile de l’oublier car nos gestes quotidiens nous semblent vraiment sans conséquence à cette échelle.

Ce qui m’oblige à conclure que tant que les citoyens ne se sentiront pas en général menacés directement par de saisissantes catastrophes, telle celle de la ville de Paradise en Californie, nous allons continuer d’accepter que nos gouvernements jouent sur les deux tableaux à la fois et continuer de nous limiter à des changements individuels sans grand effet.

Les réactions à l’égard du récent Pacte pour la transition confirment mon pessimisme.

Combien d’intervenants ont critiqué ceux qui ont lancé ce mouvement au lieu de discuter de l’opportunité de signer la pétition et de prendre des engagements personnels ?

Je dois avouer que l’éternel optimiste que je suis, qui a toujours cru que nous, les humains, progressions lentement, en passant par des hauts et des bas, avoue être pessimiste quant à notre capacité de stopper notre cheminement vers la catastrophe.

Le défi que présente le réchauffement du climat est immense. La situation au Québec se complique par le fait que le gouvernement Legault a été élu sans politique ni programme sur cette question qui exige que la population soit directement impliquée. Ce n’est pas une politique élaborée en vase clos par le nouveau gouvernement et applicable du haut vers le bas qui va changer le cours des choses.

Il me semble que le Québec devrait faire le point. Qu’un exercice ou un chantier impliquant tous les intervenants devrait être lancé. Que nous devrions nous entendre sur l’importance que nous voulons donner à la question du réchauffement climatique et sur les moyens à prendre pour le stopper. Compte tenu de notre situation privilégiée grâce à nos ressources naturelles, le Québec devrait donner l’exemple.

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