Spéculation immobilière

Prudence avec les « flips »

« Est-ce qu’il y a beaucoup de gens dans cette ville qui ont du fric ? », demande Danny Allen, un animateur d’ateliers sur la spéculation immobilière. « Oui », répondent les participants qui ont assisté, il y a quelques semaines à Montréal, à cette conférence organisée par Fortune Builders en association avec la téléréalité Flip This House de la chaîne A&E.

M. Allen, un associé de l'entreprise américaine, affirme qu’il existe plusieurs investisseurs qui ont de l’argent, mais pas de temps. « Ces investisseurs privés qui sont à la recherche de bons deals n’ont pas le temps d’en trouver et ils représentent une belle occasion pour vous », poursuit-il.

Cependant, sa méthode pour trouver ces investisseurs ne sera pas dévoilée lors de l’atelier gratuit. Seuls les participants qui s’inscriront à une autre séance coûtant 200 $ auront droit aux secrets pour attirer les investisseurs en neuf étapes. Cet exemple est révélateur du jeu parfois risqué de la revente rapide.

POPULAIRE

La spéculation immobilière – lorsqu’un acheteur acquiert une propriété pour la revendre à un meilleur prix – suscite beaucoup d’intérêt, surtout aux États-Unis où les prix ont fléchi à la suite de la crise économique de 2008. La construction de condos dans les grandes villes canadiennes a également attiré des spéculateurs dans les marchés de Toronto, Vancouver et Montréal.

Aux États-Unis, ce genre d’atelier a déjà soulevé des inquiétudes. En 2013, le Better Business Bureau, un organisme sans but lucratif, a averti les consommateurs d’être prudents lorsqu’ils assistent à ces ateliers « gratuits » qui sont souvent utilisés pour vendre d’autres séances ou services aux participants.

« Malheureusement, les gens associent Fortune Builders aux compagnies qui promeuvent des plans pour s’enrichir rapidement, ce qui n’est pas le cas », racontait récemment un porte-parole pour Fortune Builders à une revue américaine.

M. Allen a bien expliqué aux participants que la spéculation pouvait prendre beaucoup de temps et d’efforts, mais que sa stratégie est efficace n’importe où.

PRUDENCE

Par contre, au Québec – la province où le courtage immobilier est le plus réglementé au pays –, il y a certaines restrictions sur l’achat et la revente immédiate de propriétés. Un spéculateur qui n’est pas courtier, et qui agit comme intermédiaire dans la vente d’une maison sans être le propriétaire de celle-ci, peut être poursuivi pour exercice illégal, explique l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Lors de son atelier, M. Allen a expliqué aux participants qu’ils pourraient s’entendre avec une propriétaire pour la vente de sa maison et ensuite céder le contrat à un investisseur en vue d’un profit. Cette stratégie est conforme aux normes québécoises, dit-il. Mais selon l’OACIQ, ce genre de pratique se situe dans une « zone grise » qui pourrait être illégale, surtout si c’est fait de façon systématique.

RALENTISSEMENT

Avec le ralentissement du marché immobilier, la stratégie d’acheter une propriété et de la rénover avant de la revendre à profit est aujourd’hui moins populaire au Québec. Selon une étude publiée en mai par JLR Recherche immobilière, le nombre de « flips » a fléchi depuis 2010.

Contrairement à la hausse de 7 % du prix médian d’une maison unifamiliale au Québec en 2010, par rapport à 2009, les prix restent assez stables en 2014.

Selon l’étude de JLR Recherche immobilière, le gain médian au Québec réalisé par le biais d’un « flip » a été de 24 % entre 2009 et 2013.

Par contre, tous les spéculateurs n’ont pas réalisé des profits spectaculaires : « La distribution est telle qu’une minorité fait des gains substantiels, alors qu’une majorité fait des gains sous la moyenne », souligne l’étude fondée sur le répertoire de toutes les propriétés achetées et revendues à l’intérieur d’un an, entre 2009 et 2013.

Des participants à l’atelier de M. Allen reconnaissent que le marché n’est actuellement pas propice à la spéculation. « Je ne crois pas que la spéculation soit facile, raconte Ziad Maalouf, 24 ans, qui souhaite obtenir sa licence de courtier. À ce que je sache, les maisons ne se vendent pas au rabais. »

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