ÉLECTIONS PROVINCIALES OPINION

La gouvernance environnementale

La démission du ministre d’État français à la Transition énergétique, Nicolas Hulot, et l’appel à une action politique ferme et efficace lancé par de nombreuses personnalités françaises ramènent la question de la lutte contre les changements climatiques au cœur de la campagne électorale québécoise, une question qui avait été négligée jusqu’à présent malgré un été caniculaire et des milliards investis dans l’environnement sans résultat.

Or, le message lancé récemment s’applique autant au Québec. Si l’ensemble des partis politiques reconnaissent qu’il faut agir et soutiennent des objectifs ambitieux en matière d’environnement, de transition énergétique et de lutte contre les changements climatiques, ceux-ci tardent à proposer les changements structuraux au gouvernement qui permettraient d’avancer réellement sur ces enjeux.

De nombreux Québécois ont compris le problème : la déclaration adoptée dans le cadre de l’initiative « Le climat, l’État et nous » en mai dernier par des dizaines d’individus et d’organisations qui représentent plus de 1 million de Québécois demande aux partis politiques de s’engager à revoir la structure d’action en environnement en s’appuyant sur cinq principes qui imposent le développement d’une vision à long terme, une démarche de dialogue social, une coordination interministérielle forte et structurée, un appui sur les meilleures données scientifiques et des mécanismes d’imputabilité indépendants, transparents et constructifs.

Un plan d’ensemble

La faillite des approches canadiennes, françaises et québécoises montre sans conteste qu’il n’est plus possible de fonctionner à la pièce sans plan d’ensemble solidement ancré dans une vision à long terme si l’on désire vraiment atteindre les objectifs climatiques et environnementaux que l’on s’est donnés collectivement.

L’approche actuelle permet, au contraire, aux divers lobbys de constamment miner les efforts, privilégiant les profits à courte vue et les bénéfices corporatistes aux gains sur la durée qui assureront, à un maximum de citoyens, un avenir meilleur.

De nombreuses études montrent qu’il serait possible de faire les transformations qui s’imposent tout en améliorant la qualité de vie de l’ensemble des citoyens. Pour y parvenir, il faut, bien sûr, mener un réel dialogue qui va au-delà des listes d’épicerie et des mesures ciblées. Il faut aussi coupler les objectifs environnementaux et climatiques aux objectifs en matière d’éducation, de santé et de développement économique, dans la vraie optique du développement durable.

Décisions éclairées et gagnantes

Un tel dialogue ne suffit pas, toutefois. Comme on le voit au Québec depuis 20 ans, à moins de mettre en place les bons leviers politiques, qui favoriseront des décisions éclairées et gagnantes, s’appuyant sur les meilleures pratiques et données scientifiques, tous les efforts sont condamnés à l’échec.

Les grands projets de société, les visions ne semblent plus avoir la cote auprès des partis politiques, qui préfèrent miser sur les microprogrammes ciblant les groupes d’électeurs susceptibles de faire basculer une circonscription à la fois.

Pourtant, les défis auxquels est confronté le Québec, que ce soit en infrastructure, en transport, en aménagement du territoire, en éducation, en santé ou en démographie, sont d’une telle ampleur qu’ils exigent d’être intégrés à une approche cohérente qui permette d’agir sur plusieurs de ces défis à la fois, faute de manquer d’argent.

Un débat ciblant cette question se tiendra aujourd’hui. On ne peut qu’espérer que cette rencontre permette aux partis politiques de se positionner avec audace sur cette question, avec l’émergence d’un consensus au moins sur la nécessité d’agir. Quoi qu’il en soit, il faudra continuer à pousser pour une transformation réelle de notre action politique en environnement et en changements climatiques. Les tenants du statu quo sont forts et ont l’oreille des politiciens et de l’appareil d’État. Seule une population éclairée pourra faire le contrepoids. C’est à nous tous de ne pas nous arrêter le soir du 1er octobre.

* Normand Mousseau est également professeur de physique à l’Université de Montréal.

Cosignataires : Pascale Biron, professeure et directrice du département de géographie, urbanisme et environnement, Université Concordia ; Luc Bernier, titulaire de la Chaire Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public, Université d’Ottawa ; Louis Beaumier, directeur exécutif de l’Institut de l’énergie Trottier, École polytechnique de Montréal ; Roger Lanoue, expert en management stratégique, en énergie et en accessibilité d’eau potable ; Stéphane Paquin, directeur du Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec, École nationale d’administration publique ; et Marie-Christine Therrien, professeure au Centre de recherche sur la gouvernance, École nationale d’administration publique

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